« Blessée, je ne cesserai jamais d’aimer »

« Blessée, je ne cesserai jamais d’aimer »

«  Blessée, je ne cesserai jamais d’aimer  », c’est la devise de la Communauté de l’Agneau. Deux par deux, celles que l’on nomme « les petites sœurs  » sillonnent les routes à la rencontre de leurs frères, leur parler de Dieu, évoquer ce bien si précieux qu’est la miséricorde. C’est toujours ainsi qu’elles sont envoyées en mission, témoigner de choses assez grandes pour qu’elles y consacrent leur vie.

Pour parler de la miséricorde, il faut l’avoir expérimenté soi-même, par de petits ou grands événements. « Il s’agit toujours de la même miséricorde ! » rappellent en cœur nos deux sœurs venues témoigner.

« Le sacrement du pardon est pour moi à chaque fois un moment de grand renouvellement  » commence petite sœur Agathe. Un exemple anodin a un jour rendu palpable la miséricorde à ses yeux. « J’ai répondu de manière brusque à une sœur, comme on écraserait la patte d’un chat, vexée. Et ça n’a changé en rien sa manière – douce ! – de s’adresser à moi par la suite. Ce tout petit acte m’a donné l’assurance que rien ne peut briser l’amour.  »

De nature peu encline à la rancœur, notre sœur doit malgré tout faire face à ses limites dans la vie fraternelle. « Un jour, j’avais besoin de l’ordinateur de manière urgente. Une sœur m’a pris la place en m’envoyant balader au point de me blesser. » Le venin du ressentiment pénètre. « Je m’accroche alors à ma colère… tout en sentant confusément que c’est un choix que je fais. J’ai le droit de la nourrir un peu, me disais-je !  ». Peu après, lors de la messe, elle entend l’évangile de Matthieu : « Lorsque ton frère a quelque chose contre toi laisse-là ton offrande, et va d’abord te réconcilier avec lui.  » Mais un sentiment d’injustice l’oppresse, elle se sent en droit de lui en vouloir et sa colère persiste. Arrive le moment du Notre-Père « … comme nous pardonnons…  », puis le chant « Vous serez vraiment grand, dans la mesure où vous être petits  ». « Quelle obstination ! » sourit-elle aujourd’hui. C’est là que notre sœur a rendu les armes et a expérimenté, physiquement, le pardon. « J’ai senti l’amour de Dieu comme un torrent se déverser en moi et mon barrage a fini par céder... et en lâchant cette forte pression intérieure, une grande tendresse m’a envahie.  » L’histoire ne se termine pas là… « On est toujours en dette de quelque chose… Je lui ai demandé pardon. Son regard rempli de larmes s’est alors tourné vers moi et j’ai compris qu’elle aussi voulait cette réconciliation.  » La miséricorde est ce regard bienveillant sur l’autre, découvrant que l’offenseur souffre aussi de la blessure qu’il nous a infligée… Et elle est ce cœur ouvert à la Source de tout Amour, celle qui ne se tarit pas. « Nos ressources propres ne suffisent pas. »

Qu’en est-il des grands pêcheurs devant l’Éternel ? Ceux dont les barrages se sont fossilisés avec le temps ? Ceux qui les ont oubliés…

Les petites sœurs ont rencontré l’année dernière un chauffeur de taxi. Après de riches échanges, elles le quittent en lui chantant un chant de bénédiction puis le retrouvent en pleurs… « J’ai déçu Dieu ! Mon mal est trop grand pour qu’il me pardonne… » se lamente-t-il. Mais la miséricorde est un « brasier dévorant »… « Un mois plus tard notre ami sonne chez nous, parle de choses et d’autres… mais il est transfiguré, radieux. En partant il glisse : “Ça y est… j’y suis allé [me confesser] !“ » La paix et la joie de cet homme attestent combien est grande la miséricorde et que rien ne lui échappe. Il en est de même pour Igor, un homme de la rue rencontré il y a peu par nos sœurs. Igor boit pour oublier qu’il a tué durant la guerre du Tchad et en pleure depuis de longues années. Ces messagères de miséricorde lui ont raconté – ou rappelé ? – l’histoire du premier saint, le bon larron. Il sait aujourd’hui que ses larmes lui préparent une place royale…

Nos deux sœurs reprennent maintenant leur route, messagères de l’amour, tâchant de le vivre elles-mêmes. « Combien cela demande d’humilité de demander pardon, de laisser céder nos barrages… mais combien cela donne de joie ! Et ça, c’est contagieux ! » termine petite sœur Marie-Ève en riant.

 

Valérie de Bouvet

 

Chant de bénédiction des Petites Sœurs de l’Agneau :

♫ Que le Seigneur vous bénisse et vous garde,
 Que le Seigneur vous découvre sa Face et vous prenne en pitié,
 Qu’il tourne vers vous son visage et vous donne Sa Paix ! ♫