Dossier « Vie consacrée, à quoi bon ? »
Il nous faut aller jusqu’en République Tchèque pour cerner davantage les contours de cet engagement total. Dans une famille protestante, un jeune homme, Tomáš, se demande d’abord à quoi bon croire avant de penser à la vie consacrée. Il est aujourd’hui dominicain à Toulouse et nous livre son témoignage.
Tomáš, qui deviendra dans quelques années frère Kliment, est animé par une vive question au milieu d’une grande diversité locale à laquelle se mêle folklore et traditions : quelle est la vraie religion ? Ses recherches le conduisent vers une religion d’origine : il est profondément touché par ce qu’il nomme la « vraie eucharistie », mû par la soif non de symboles mais d’une vraie rencontre, de la même communion que celle que les apôtres ont pu vivre avec Jésus. Il veut se situer là où il y a succession apostolique. La lecture des Évangiles et des pères des premiers siècles nourrit cette foi naissante. Puis peu à peu, partout où par hasard il rencontre l’empreinte monastique, un habit aperçu au détour d’une rue, parmi les ruines d’anciens monastères, en observant des enluminures… son cœur se met à battre. Sans qu’il le sache, avant même qu’il se pose la question, se forme en lui le désir de s’engager tout entier.
Un jour, alors qu’il cherchait l’ombre dans une église dominicaine de Prague, un frère s’avançe vers lui et lui dit : « Je vais prier pour toi, demander au Seigneur de te donner la foi et de te montrer ce qu’il faut que tu fasses de ta vie. » La suite fut pour lui comme dans les premiers temps de l’Église, affaire de rencontres et d’amitié. Des camps, des catholiques à la foi ardente, des personnes de bonne volonté qui ne croient pas, des retrouvailles avec ce père qui avait prié pour lui…
Naturellement, ses pas le mènent vers le couvent dominicain d’Olomouc et Prague, puis celui de Bordeaux et enfin celui de Toulouse pour quelques années afin d’y étudier avant de devenir prêtre. « Un jeune frère dominicain, prématurément décédé, disait à propos de la vie dominicaine : c’est une amitié profonde avec Dieu dans une communauté de frères liés par l’amitié spirituelle. » Elle est faite d’étude et d’enseignement : étude pour la connaissance, l’amour de Dieu, puis partage de cet amour. Partage dans la vie communautaire et dans chaque apostolat, qui peuvent être variés chez les dominicains, selon les charismes de chacun. « Le surplus de nos méditations nous pousse à la prédication » affirme frère Kliment.
« Des chagrins il y en a très peu ! » sourit-il. « Il est bon d’être encouragé par les autres frères, de vivre ensemble. Cela fait ressortir nos dons mutuels et Dieu nous façonne à travers eux. On s’appuie sur une grande sagesse, vous savez, 800 ans d’expérience de l’homme qui ne change pas… cette vie est vraiment équilibrée. » Les derniers mots de frère Kliment sont pour les moniales dominicaines, pionnières de l’ordre, à qui saint Dominique a, dès la début, confié la tâche de prier pour les frères : « Toutes nos actions sont déjà portées par les sœurs. »
Valérie de Bouvet