L’église Saint-Exupère de Toulouse est connue entre autres, pour ses gypseries baroques, sa collection de tableaux et sur sa façade, un groupe sculpté en pierre, une œuvre du sculpteur toulousain Gervais Drouet, représentant saint Joseph et l’enfant Jésus. Le visiteur d’un jour pourrait être surpris par cette particularité qui de plus, apparaît sur une église dédiée au cinquième évêque de Toulouse ! Et pourtant …
Dans un premier temps approchons-nous de l’œuvre :
Joseph et Jésus sont représentés dans une situation peu commune. Leur physique est inhabituel : Joseph figure sous les traits d’un homme mur, musclé habitué aux travaux difficiles. Il a les mains d’un travailleur manuel et les jambes d’un homme habitué à la marche. Le Christ se tient droit, il semble être lui aussi habitué à la marche. Il porte dans sa main la sphère qui témoigne de sa divinité. Père et fils cheminent ensemble et s’entretiennent en marchant : que peuvent-ils se dire ? L’enfant a le visage tendu vers son père adoptif, dans une attitude d’écoute. Tout porte à croire qu’il en reçoit un enseignement.
Les courbes des drapés et de la stature des personnages sont caractéristiques de l’époque baroque du XVIIe siècle. Un art que Gervais Drouet a appris et maitrisé aux côtés du célèbre Bernin à Rome.
En s’approchant encore plus, une réalité tout autre se révèle car il s’agit en fait de deux statues différentes regroupées dans cette niche pour des raisons inconnues et nous incitant à une lecture de circonstance qui n’était pas forcément celle de l’auteur. L’une d’elles, saint Joseph, a été offerte aux Carmes par Christophe de Maynard de Lestang en 1665.
Quel est le lien avec saint Exupère ?
Au XVIe siècle, la réforme de l’ordre du Carmel par sainte Thérèse d’Avila (1562) et saint Jean de la Croix prend rapidement de l’essor sauf à Toulouse où les Carmes, présents dans la cité depuis le XIIIe siècle, refusent d’adopter la nouvelle règle. En 1623, deux religieux du couvent réformé d’Avignon sont envoyés à Toulouse pour y fonder une nouvelle communauté. L’un d’eux, Bernard de Saint-Joseph, le fondateur, obtient rapidement les autorisations nécessaires de la main même de Louis XIII alors de passage à Toulouse.
Les religieux acquièrent une maison sur un terrain hors les murs de Toulouse près de la porte Montgaillard, où ils aménagent un premier oratoire dédié à saint Joseph. La toute jeune communauté très bien accueillie par les toulousains, se développe rapidement ; une nouvelle chapelle plus spacieuse est aménagée six mois plus tard dans un autre logement. Puis la communauté construit progressivement un grand ensemble conventuel au sein duquel un troisième édifice sera finalement construit vingt ans plus tard. Cette église de style baroque, admirablement décorée, est le seul vestige visible, mais remanié, de l’ancien couvent des Carmes Déchaussés démantelé à la Révolution française. Elle deviendra annexe de la paroisse cathédrale en 1807 puis église paroissiale en 1845, sous le vocable de Saint-Exupère.
Après la révolution, deux nouvelles fondations Carmes seront réalisées à Toulouse consécutivement, au gré des aléas de l’histoire et toujours sous le patronage de saint Joseph.
Saint Joseph patron de l’ordre des Carmes Déchaux depuis 1628.
Le lien étroit, et déjà ancien, entre le Carmel et saint Joseph a été transmis à l’ordre réformé par sa fondatrice sainte Thérèse d’Avila. Elle entretenait avec le père adoptif de Jésus des liens indéfectibles. Lui devant la vie et la sagesse qui a conduit son œuvre, elle le prit pour « avocat et patron ». Saint Joseph avait été un soutien sans faille pour la Vierge Marie dans ses épreuves avec l’enfant Jésus. Elle n’avait de cesse de le confier à la prière de ses frères et sœurs Carmes et Carmélites et donna pour vocable à son premier Carmel réformé d’Avila celui de Saint-Joseph. Dix de ses fondations le seront sous le patronage du saint.
Comme toute église conventuelle celle des Carmes Déchaussés de Toulouse était constituée d’un chœur réservé aux religieux et séparé de la nef des fidèles laïcs par une cloison. Celle-ci supportait, côté nef, un autel surmonté d’un superbe retable en marbre des Pyrénées. Le retable sculpté en 1688 par le toulousain François Mercier, était orné d’un tableau d’Antonio Verrio « Le Mariage de la Vierge » aujourd’hui exposé au musée des Augustins.
Parmi les vestiges remarquables de cette époque conservés à Toulouse figure aussi un Cérémonial. Ce manuscrit du XVIIIe siècle contient une prière de sainte Thérèse à saint Joseph ornée d’une enluminure où figure une apparition de saint Joseph à la sainte carmélite.
La Mort de Saint Joseph, XVIIe siècle. Il semblerait que ce tableau qui appartient au décor d’origine de la chapelle du couvent des Carmes Déchaux, faisait partie d’une série de toiles relatant la vie du saint aux côtés de Marie et de Jésus.
La Transverbération de Sainte Thérèse d’Avila, Antonio Verrio, XVIIe siècle. Saint Thérèse décrit son expérience mystique dans ses récits du Livre de la Vie. Un ange lui apparaît en songe, il tient à la main un dard d’or avec lequel il lui transperce le cœur à plusieurs reprises. La sainte reçoit de cette épreuve une véritable expérience de l’amour infini de Dieu.
La Vierge et l’Enfant Jésus apparaissent à un religieux Carme, fin XVIIe siècle
Les gypseries :