Le 19 mars, à la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse, Mgr Le Gall a
célébré une Messe en communion avec celle d’inauguration du pontificat
du Pape François.
Nous l’avons entendu dans la première lecture. Dieu s’adresse à David : « Je te donnerai un successeur dans ta descendance ». La succession apostolique ne se fait pas de père en fils, mais bien selon une paternité et une filiation spirituelle, une filiation dans la foi, comme en témoigne la deuxième lecture de cette solennité de saint Joseph : elle souligne que l’on est dans la descendance d’Abraham si l’on partage sa foi, ce qui fait de lui « notre père à tous ».
Ne sommes-nous pas au milieu de l’Année de la foi, voulue et inaugurée par notre Saint-Père émérite Benoît XVI à l’occasion du 50e anniversaire de l’ouverture du concile Vatican II par le bienheureux Jean XXIII ? Notre pape François va poursuivre avec toute l’Église ce chemin de foi et le mener à son terme.
Les papes se succèdent et ne se ressemblent pas ; ils ne sont pas des clones. Benoît XVI n’était pas Jean-Paul II, et François, notre pape nouveau, sera aussi ce qu’il est pour gouverner l’Église, dans la continuité de sa Tradition, avec le meilleur de sa personnalité, de son tempérament.
Très vite, nous avons vu des façons d’être inédites, inattendues, et François n’a pas fini de nous surprendre : après un pape qui a été un grand docteur de l’Église, nous recevons de Dieu un pasteur proche de son peuple depuis de longues années, et tout spécialement des plus pauvres.
Le pape François, à la suite de Benoît XVI, va vivre pour lui et avec nous la parole de Paul aux Romains : « Espérant contre toute espérance, il a cru, et ainsi il est devenu le père d’un grand nombre de peuples » (4, 18).
L’évangile que nous venons d’entendre sur l’origine de Jésus Christ, en cette inauguration du pontificat de notre nouveau Saint-Père, fait état par deux fois de l’intervention de l’Esprit Saint. Avant que Marie et Joseph aient habité ensemble, la jeune femme « fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint » (Mt 1, 18), ce qui pose évidemment question à son fiancé.
L’ange du Seigneur vient le tirer de ses questions légitimes et douloureuses : « L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint » (20). Dès l’annonce par Benoît XVI -– le 11 février dernier en la fête de la première apparition de Notre Dame à Bernadette à Lourdes – de sa décision humble et courageuse de se retirer, j’avais exprimé ma conviction que le premier électeur du conclave, comme son premier acteur, était le Saint-Esprit ; nous étions tous conscients de notre participation par la prière à cette élection, à l’image de ce qui s’est passé lors de l’élection de Matthias entre l’Ascension et la Pentecôte (Ac 1, 23-26).
Le pape François l’a précisé dans sa rencontre directe avec les journalistes : « Le Christ est le Pasteur de l’Église, mais sa présence dans l’histoire passe par la liberté des hommes : parmi eux l’un est choisi pour servir comme son Vicaire, Successeur de l’Apôtre Pierre, mais le Christ est le centre, non le Successeur de Pierre. Le Christ est le centre. Le Christ est la référence fondamentale, le cœur de l’Église. Sans lui, Pierre et l’Église n’existeraient pas et n’auraient pas de raison d’être. Comme l’a répété plusieurs fois Benoît XVI, le Christ est présent et guide son Église. Dans tout ce qui est arrivé, le protagoniste est, en dernière analyse, l’Esprit-Saint. Il a inspiré la décision de Benoît XVI pour le bien de l’Église ; il a orienté les Cardinaux dans la prière et dans l’élection. »
Pour François, notre pape, Jésus, le Christ, est vraiment le centre, le cœur de l’Église. Ce n’est pas pour rien qu’il est Jésuite, premier membre de la compagnie de Jésus à recevoir cette haute et lourde charge. Nous sommes tous des fidèles du Christ, humbles disciples de Jésus ; et nous ne sommes tels que si nous consentons à le suivre en portant sa croix, comme il l’a dit avec force aux cardinaux avec qui il a célébré sa première messe de « Serviteur des serviteurs de Dieu ». Il a simplement repris ses armes épiscopales : sur fond azur au centre d’un soleil rayonnent les initiales IHS de la Compagnie de Jésus : Iesus Hominum Salvator, « Jésus Sauveur des hommes » ; en bas à gauche l’étoile, qui symbolise Marie ; en bas à droite un bourgeon de nard représente Joseph. François, qui a pour nom de baptême Georges-Marie, se faisait appeler Mario et c’est sous l’influence de toute la sainte Famille qu’il place son ministère d’évêque de Rome en cette solennité de saint Joseph, Patron de l’Église universelle.
Il a gardé sa devise Miserando atque eligendo, formule empruntée au moine bénédictin, le grand historien saint Bède le Vénérable, en référence à Matthieu, dans son commentaire de la conversion de Matthieu : « En sa miséricorde, il le choisit » ; formule choisie depuis sa décision à 17 ans de devenir prêtre dans la Compagnie de Jésus. C’est dans ces sentiments qu’il a reçu les insignes de son ministère de successeur de Pierre : le pallium, symbole des brebis que le Pasteur porte sur ses épaules, avec les trois clous de la Croix et les six croix noires des plaies de Jésus ; l’anneau du pêcheur, portant en relief les clefs reçues du Christ. Tout ceci dans la lumière du livre des Évangiles, livre ouvert sous lequel sont ordonnés les évêques.
Avec les clefs de la miséricorde, reçues par Pierre d’abord et par tous les Apôtres le soir de Pâques, le premier pape François nous invite à être ensemble, à la suite de saint Joseph et dans l’esprit du Poverello, des gardiens de la création, gardiens les uns des autres, ce que Caïn n’avait pas voulu faire. « Prendre soin, nous dit le Pape, garder demande bonté, demande d’être vécu avec tendresse. Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, de la tendresse.
Garder Jésus et Marie, garder la création tout entière, garder chaque personne, spécialement la plus pauvre, nous garder nous-mêmes. Voici un service que l’Évêque de Rome est appelé à accomplir, mais auquel nous sommes tous appelés pour faire resplendir l’étoile de l’espérance ».
Fr Robert Le Gall