Parmi les nombreuses représentations de Joseph et Marie figure celle un peu surprenante de leur mariage, aussi appelé du terme désuet d’Épousailles. Le modèle représentatif de cet épisode de leur vie les présente devant le Temple face à face, Joseph passant parfois un anneau au doigt de Marie sous la bénédiction du grand prêtre. Une scène somme toute, qui nous est bien familière, notamment en cette période estivale propice aux mariages.
Même si nous relisons attentivement la Bible, nous ne trouverons aucun récit décrivant le mariage de Marie et Joseph. Nous savons que « l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, (…), à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph (…) et le nom de la vierge était Marie » (Luc I, 26-27). Saint Matthieu (I, 18-25) donne un peu plus de détails : Marie la mère de Jésus Christ « était fiancée à Joseph ; or avant qu’ils eussent mené vie commune, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint. » Une situation extrêmement dramatique dans la Palestine du début de notre ère, dont l’issue aurait été fatale pour Marie sans la bonté de Joseph qui s’était résolu à la répudier en secret.
Mais le Seigneur a un tout autre projet pour le couple. Par la voix de son ange, Il demande à Joseph, de prendre Marie, sa femme, avec lui dans sa maison. En lisant attentivement ce passage de l’évangile de Matthieu, nous remarquons que non seulement Joseph est qualifié de « mari », Marie elle-même est la « femme » de Joseph (Mt I, 19-20). En Palestine au premier siècle, le mariage se passait en deux temps : tout d’abord on célébrait les fiançailles ayant valeur de mariage, où les deux familles passaient un contrat irrévocable unissant les deux époux. La vie commune ne leur était pas encore permise car ils étaient souvent très jeunes. Ce n’est qu’au bout de plusieurs années que le mariage était définitivement conclu par une nouvelle cérémonie où l’époux pouvait enfin prendre son épouse chez lui. Luc et Matthieu n’ont pas choisi de nous renseigner sur les modalités de ce mariage pourtant hors du commun.
Ce que les évangiles ont tu, les récits apocryphes (c’est-à-dire non retenus dans le canon officiel) et la Tradition de l’Église l’ont largement développé. Le récit le plus ancien ayant servi de base à tous les autres (le Protévangile de Jacques), date de la fin du IIème siècle. Les grandes lignes que nous en retiendrons et qui ont inspiré les artistes, sont celles-ci :
Marie née miraculeusement de parents âgés mais pieux, est consacrée au Temple dès l’âge de deux ans ; elle y fera par la suite vœu de virginité. Elle y reste une dizaine d’années jusqu’à son adolescence où son état de femme, même vierge consacrée, la rendrait impure pour le service. Elle doit donc quitter le Temple, la seule solution étant de la confier à un homme d’âge mûr qui prendrait soin d’elle. Le grand prêtre reçoit pour mission de l’ange du Seigneur de convoquer tous les veufs de Judée, chacun ayant pris soin de se munir d’une baguette de bois par laquelle le Seigneur désignerait celui qu’Il choisirait. De la baguette de Joseph s’envole une colombe comme signe du choix divin ; certains auteurs feront fleurir cette baguette d’une fleur de nard ou d’un lys blanc, symbole de la pureté ; celui-ci deviendra l’un des attributs de Joseph.
Joseph est très âgé, il a déjà des enfants et Marie est très jeune, elle n’a que douze ans ; il ne veut pas assumer cette mission. Ses compagnons, ceux qui ont été écartés, récriminent et la foule se moque de lui à cause de son grand âge mais le grand prêtre ne cède pas. Joseph prend donc Marie chez lui et, respectueux de la coutume, il retourne à son atelier pour y travailler.
Quelques années plus tard, les prêtres souhaitent confier à sept vierges la réalisation d’un nouveau voile et d’un tapis pour le Temple. Marie reçoit la noble mission de filer la pourpre et l’écarlate pour le voile. Elle est occupée à cette tâche, lorsqu’elle reçoit la visite de l’ange Gabriel venu lui annoncer sa future maternité.
Vitrail de la Présentation de Marie au Temple, détail, église de la Dalbade
Il n’existe qu’un très petit nombre d’œuvres représentant le mariage de Marie et Joseph dans notre diocèse. Les plus anciennes datent du XVIIème siècle et n’ont d’autre but que d’illustrer cet épisode de leur vie. Ce thème un peu désuet reviendra au goût du jour au XIXème siècle lorsque la dévotion à Marie et à Joseph arrive à son apogée. Le couple devient alors le modèle de la famille unie par le sacrement du mariage.
Le tableau ci-dessous orne la chapelle de la Vierge de l’église de Saint-Jean près de L’Union. La scène est toute simple : Joseph semble prendre à cœur sa mission, il glisse un anneau au doigt de Marie qui le reçoit avec grâce et humilité sous le regard du grand prêtre. L’ange du Seigneur tient un lys en symbole de l’union virginale du couple.
La thématique a souvent été traitée au XIXème siècle où saint Joseph a été déclaré patron de l’Église universelle. Tous les jeunes couples et toutes les familles sont invités à se reconnaître dans cette union à valeur sacramentelle dont le symbole est l’anneau.
Le tableau suivant est un détail d’une toile peinte vers 1720 par l’artiste toulousaine Marguerite de Michel. Il fait partie d’une série réalisée pour la chapelle de la Vierge dans l’église paroissiale de Cazères.
L’union des époux se réalise en présence des parents de Marie, Anne et Joachim ; dans leur regard se lit l’inquiétude notamment chez Anne. Le grand prêtre unit symboliquement les mains de Marie et Joseph afin de sceller l’alliance entre les deux époux. Joseph est représenté sous les traits d’un vieillard à peine plus jeune que son beau-père. Le décor reste dépouillé, à peine distingue-t-on le Temple derrière les personnages.
Cathédrale Saint-Étienne : tableau d’autel, chapelle Saint-Joseph, André Lébré, deuxième moitié du XVIIème siècle
La composition de ce tableau est beaucoup plus riche que les deux précédentes ; l’artiste a choisi de rentrer un peu plus dans le détail des récits de la Tradition. Joseph pose sa main avec respect dans celle de Marie sous la bénédiction du grand prêtre, on dirait qu’il n’ose pas s’en approcher. Dans la foule des spectateurs, nous reconnaissons les laissés-pour-compte, ceux qui n’ont pas été choisis pour prendre soin de Marie, ils récriminent dans leur coin à gauche. À droite, il y a ceux qui s’interrogent, voire se moquent du grand âge de Joseph face à la jeunesse, la beauté et la pureté de Marie.
Vitrail de l’Annonciation de l’église de Montberon
L’élément de ce vitrail qui nous intéresse est la scène du bas où l’on voit Joseph travaillant dans son atelier. Selon les récits de la Tradition apocryphe, Joseph après son engagement vis-à-vis de Marie, s’en retourne à son atelier pour y travailler. Il respecte la coutume de son temps : les nouveaux époux sont tenus de vivre séparément tant que les noces ne sont pas définitivement conclues et célébrées.
Vitrail de l’église Saint-Joseph à Toulouse. On remarque sur le vitrail la couleur rouge du voile du Temple qui n’est pas sans rappeler le rôle de Marie qui a été choisie pour filer la pourpre et l’écarlate qui le composent.
Musée des Augustins, le Mariage de Joseph et Marie, 1666-1670, église des Carmes Déchaussés.
Ce tableau typique de l’art baroque italien, a été réalisé pour orner le retable de l’église des Carmes déchaussés dont le saint patron était saint Joseph. Cf. article sur l’église saint-Exupère
Elément du vitrail de la chapelle de Marie dans l’église de l’immaculée Conception. Joseph apparaît travaillant dans son atelier au fond de la scène en grisaille. Nous remarquerons un détail théologique intéressant : le pupitre de Marie est orné d’une représentation du Péché originel.