Les Rameaux : un triomphe en trompe-l’œil

Avec la messe de minuit à Noël, les Rameaux sont la célébration la plus courue de l’année. Branches à la main, nous acclamons le Roi humble monté sur un ânon. Puisse notre accueil de Jésus dans la Jérusalem de nos cœurs être moins éphémère que son triomphe en trompe-l’œil dans la ville sainte !

 

Jésus, expert en événementiel

 L’entrée de Jésus à Jérusalem n’a rien d’un événement improvisé. Jésus, conscient d’être le Messie, n’ignorait pas la prophétie de Zacharie : « Crie à pleine voix, fille de Jérusalem : voici que ton roi vient à toi. Il est juste et victorieux, humble et monté sur un âne, sur un ânon, un petit d’ânesse » (Za 9, 9-10). Saint Marc souligne la solennité de cette entrée en établissant un parallèle entre elle et la préparation du repas pascal quelques jours plus tard. En effet, dans les deux cas, deux disciples sont chargés de faire les préparatifs, et chaque fois Jésus leur indique qui et quoi ils trouveront : un ânon pour les Rameaux, un homme portant une cruche d’eau et une salle toute prête pour le repas pascal (Mc 10, 13-16) pour la Cène. Si Jésus a scénarisé de la sorte son entrée à Jérusalem, ce n’est pas pour se poser en vedette hollywoodienne, mais afin d’accomplir les Ecritures le concernant. Car il ne convenait pas qu’un prophète meure en dehors de Jérusalem. Cependant, Jésus est plus qu’un prophète et qu’un roi : il est le Fils éternel, l’Epoux qui vient se donner à son épouse, l’humanité, sur la Croix dans la ville sainte.

 

Méprise sur la royauté de Jésus

La foule ne lésina pas pour honorer sa dignité royale : manteaux jetés sur le chemin, feuillages coupés dans les champs (qui deviendront nos rameaux), exclamations « Hosanna ! », ce qui est la traduction de : « Donne le salut, s’il te plaît ! ». A la lecture de l’évangile introductif, un néophyte pourrait croire que c’est gagné, que l’affaire est entendue. Cependant, la lecture de la Passion qui sera faite ultérieurement durant la messe, le détrompera rapidement. Quelques jours après son entrée triomphale à Jérusalem, Jésus quittera la ville, une croix sur le dos cette fois-ci. Versatilité des hommes ! Mais pourquoi nous donner cette fausse joie avec la cérémonie des Rameaux ? Peut-être afin que nous nous identifions aux habitants de Jérusalem. Comme eux, nous acclamons Jésus. Cependant, le récit de sa mort-résurrection est censé approfondir continuellement notre regard sur sa royauté. Certes, Jésus sera couronné dans quelques jours, mais ce sera une couronne d’épine qui le consacrera Roi d’amour. N’était-ce pas ce que prophétisait l’humilité de l’ânon ? Jésus vient au nom du Seigneur. Mais comme le Seigneur est amour et miséricorde, son trône sera la Croix. En l’acclamant à l’entrée de Jérusalem, les disciples ne se trompaient qu’à moitié. Le dimanche des Rameaux nous invite à creuser la signification paradoxale de la royauté de la Croix 

 

De la mort à la vie

Aujourd’hui encore, beaucoup de tombes israélites s’alignent sur la pente du mont des Oliviers. En effet, d’après une tradition, aux derniers temps, le Messie entrera à Jérusalem par l’est, après avoir descendu cette colline. Les hommes pieux qui se font enterrer à cet endroit désirent participer parmi les premiers au cortège messianique qui pénétrera dans la ville de David lors de la résurrection finale. Pareillement, pour les chrétiens, suivre Jésus jusqu’au Calvaire, communier à ses souffrances, c’est déjà croire à sa résurrection. Aimer nos frères comme les aima Jésus dans la ville sainte durant sa Pâque « jusqu’à l’extrême » (Jn 13,1), cela équivaut pour nous aussi à passer de la mort à la vie (1 Jn 3,14).

Jean-Michel Castaing

 

 


Actualité publiée le 26 mars 2021