Texte issu du trio "Unité - Mission - Fraternité", 3 textes de Mgr Le Gall en 2019
Avant d’aller vers sa Passion, Jésus prie son Père de lui donner d’aller jusqu’au bout de sa mission1 :
« Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jn 17, 21-23).
La vision pastorale qui m’anime dans ma charge de « veilleur » (épiscopos, en grec, signifie : « veiller sur ») au service du diocèse est bien de favoriser autant qu’il est possible, dans la réalité de la faiblesse humaine, mais avec la force de l’Esprit Saint, l’unité diversifiée de nos communautés d’Église. Tâche difficile à tous les niveaux, depuis la famille, jusqu’à la cité, la « commune », la nation, les continents et le monde entier2 . Mais Jésus a prié pour l’unité de ses disciples : il est donc possible de travailler dans ce but, selon la volonté du Père et du Fils, « dans l’unité du Saint-Esprit », comme nous le disons dans les formules liturgiques. L’unité que Jésus demande pour nous est liée à celle qui l’unit à son Père : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils deviennent parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé. » Ce n’est pas à une coexistence de surface que nous sommes appelés, mais à une communion qui vient des Trois qui sont UN et qui va vers eux, vers « l’unité de la Trinité ».
Dans la prière avant la communion, nous demandons à Jésus :
« Ne regarde pas nos péchés, mais la foi de ton Église ; pour que ta volonté s’accomplisse, donne-lui toujours cette paix, et conduis-la vers l’unité parfaite ».
J’y pense tous les jours très fort en prononçant cette prière. Nous demandons « l’unité parfaite », comme Jésus a demandé à son Père : « Qu’ils deviennent parfaitement un ! »
En rapportant la parole du grand prêtre Caïphe disant : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas », Jean poursuit : « Il prophétisa que Jésus allait mourir pour la nation ; et ce n’était pas seulement pour la nation, c’était afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (11, 50-52). L’unité ne se fait pas toute seule ; des difficultés, des divergences, des oppositions se présentent toujours, comme notre corps doit faire face à des facteurs externes et internes qui menacent son équilibre vital ; ainsi en va-t-il du Corps du Christ que nous formons. Nous ne pouvons pas nous résigner à des maladies ecclésiales qui mettent en cause notre communion venue de Dieu et font que notre mission n’est plus crédible : « Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17, 21).
Passion d’unité, ce qui veut dire que Jésus est envoyé par son Père pour rassembler les enfants de Dieu dispersés ; il lui tient à cœur de remplir cette mission, ce qui est l’objet de son ultime prière. Jésus est passionné par l’unité, mais il va souffrir sa passion pour que s’accomplisse ce dessein du Père de nous faire entrer dans leur unité. Comment nous étonner de connaître la souffrance quand nous devons construire des ponts, bâtir la paix, rétablir l’unité jour après jour ?
Dans la prière d’ordination des diacres, l’évêque prononce ces paroles :
« Dieu tout-puissant, tu construis ton Église, qui est le Corps du Christ, par les dons infiniment variés de ta grâce : tu veux que chacun de ses membres ait une fonction particulière, et que tous contribuent, par l’Esprit Saint, à l’unité de cet ensemble admirable. »
À chacun de nous d’œuvrer dans ce sens. Nous allons vers la Jérusalem céleste, ville où, comme le chante le Psaume 121, « tout ensemble ne fait qu’un » (v. 3). Dès ici-bas, nous avons à construire nos Églises locales dans la ligne de ce qui est demandé à l’ordination des évêques :
« Répands sur celui que tu as choisi la force qui vient de toi, l’Esprit souverain que tu as donné à ton Fils bien-aimé, l’Esprit qu’il a lui-même communiqué aux saints Apôtres qui établirent l’Église en chaque lieu comme un sanctuaire, à la louange incessante et à la gloire de ton Nom. »
Ces larges perspectives des intentions divines sont aussi reprises pour l’ordination des prêtres ; il leur faut implorer la miséricorde de Dieu « pour le peuple qui leur est confié et pour l’humanité tout entière. Alors toutes les nations, rassemblées dans le Christ, seront transformées en l’unique peuple qui appartient à Dieu et qui trouvera son achèvement dans le Royaume. »
Nous pouvons faire nôtres les paroles qu’écrivait saint Ignace d’Antioche, évêque martyr au début du IIe siècle, aux Éphésiens :
« Que chacun de vous, vous deveniez un chœur, afin que dans l’harmonie de votre accord, prenant le ton de Dieu dans l’unité, vous chantiez d’une seule voix par Jésus Christ un hymne au Père, afin qu’il vous écoute et qu’il vous reconnaisse, par vos bonnes œuvres, comme les membres de son Fils. Il est donc utile pour vous d’être dans une inséparable unité, afin de participer toujours à Dieu » (4, 1-2).
Pour que nous transmettions de façon crédible le message de l’Évangile, Bonne Nouvelle pour tous les pauvres et les humbles de cœur, il nous faut reprendre souvent la grande prière de Jésus avant sa Passion, prière pour l’unité des siens, pour le salut du monde. Nous sommes aimés du Père, comme il aime son Fils ; nous devons nous aimer les uns les autres et rendre visible cet amour coulant du sein du Père et du cœur transpercé de son Fils. Ainsi seulement pourrons-nous développer des communautés de proximité, des fraternités missionnaires, qui feront voir le fruit de l’Esprit Saint, grossissant comme une mûre aux neuf lobes : « Amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi » (Ga 5, 22-23).
+ fr. Robert Le Gall
Archevêque de Toulouse
janvier 2019
1 - Voir le texte publié sous le titre Nos missions ecclésiales liées aux Missions divines du Verbe fait chair et de l’Esprit Saint.
2 - Se référer à la pensée sociale de l’Église.
La mission du Fils incarné et de l’Esprit consolateur est de nous annoncer la Bonne Nouvelle : nous sommes aimés du Père qui nous envoie son Fils et nous donne leur Esprit ; nous sommes capables, grâce au Saint-Esprit, de devenir fils à notre tour et d’invoquer le Père, comme Abba (...)
Nous avons tous en mémoire le beau film Mission sur une « réduction » jésuite en Amérique du Sud, avec le chant magnifique du hautbois de Gabriel. Nous connaissons aussi les séries Mission impossible ou le documentaire Envoyé spécial. Dans la prière pour les disciples-missionnaires que l’on m’a demandée, sont évoquées les « missions divines ». Comment sont-elles le fondement de nos propres missions ?