"Nos missions ecclésiales liées aux missions divines du Verbe fait chair et de l’Esprit Saint"

Texte issu du trio "Unité - Mission - Fraternité", 3 textes de Mgr Le Gall en 2019

"Nos missions ecclésiales liées aux missions divines du Verbe fait chair et de l’Esprit Saint"

Nous avons tous en mémoire le beau film Mission sur une « réduction » jésuite en Amérique du Sud, avec le chant magnifique du hautbois de Gabriel. Nous connaissons aussi les séries Mission impossible ou le documentaire Envoyé spécial. Dans la prière pour les disciples-missionnaires que l’on m’a demandée, sont évoquées les « missions divines ». Comment sont-elles le fondement de nos propres missions ?

Le récit de l’Annonciation en saint Luc commence par ces mots : « L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu à une jeune fille Vierge  » (Missus est en latin, Lc 1, 36). Dieu envoie son ange à Marie. À la première page du quatrième Évangile, nous lisons  : « Il y eut un homme envoyé par Dieu, son nom était Jean » (Jn 1, 6)

Dans l’histoire du salut, Dieu a envoyé les patriarches, les prophètes et des hommes ou des femmes pour préparer les chemins de la paix. Mais, dans son dessein, c’est d’abord son propre Fils qu’il missionne. Saint Paul écrit aux Galates  : « Lorsqu’est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme » (4, 4). Le quatrième évangile dit aussi clairement : « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3, 17).

« Amen, amen, je vous le dis, martèle Jésus lui-même : qui écoute ma parole et croit en Celui qui m’a envoyé, obtient la vie éternelle » (5, 24). « Je ne cherche pas à faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé  » (5, 30). « Les œuvres même que je fais témoignent que le Père m’a envoyé  » (5, 36). Plus encore que des œuvres, il s’agit de l’Œuvre même du Père qui nous attire à son Fils : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en Celui qu’il a envoyé », dit Jésus dans son discours sur le pain de vie (6, 30). Ce mot envoyé parcourt tout le quatrième évangile. Il s’applique d’abord au Fils, mais il caractérise également l’Esprit qui, lui aussi, est envoyé par le Père.

En effet, dans les discours d’adieu après la dernière Cène, Jésus annonce la venue de l’Esprit Saint en ces termes : « Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous : mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit » (14, 25-26). La mission de l’Esprit lui vient du Père, mais aussi du Fils : « Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur. Et vous aussi, vous allez rendre témoignage, car vous êtes avec moi depuis le commencement » (15, 26-27). L’envoi de l’Esprit est donc ordonné à notre propre envoi, à notre propre mission de témoignage.

Le Fils, Jésus, enseigne ce que le Père lui donne. Il le dit lui-même : « Celui qui m’a envoyé dit la vérité et ce que j’ai entendu de lui, je le dis pour le monde. Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous comprendrez que moi, JE SUIS, et que je ne fais rien de moi-même ; ce que je dis là, je le dis comme le Père me l’a enseigné » (8, 26-28). Il est clair que le Fils se dit le Disciple du Père : il dit ce que le Père lui enseigne, il fait comme lui montre le Père (cf. 5, 19-20). Il en va de même de l’Esprit, qui reçoit et transmet : « Quand il viendra, lui l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : mais ce qu’il aura entendu, il le dira. L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître » (16, 13-15). On voit bien que l’Esprit est aussi Disciple  : il fait connaître ce qu’il a entendu. L’un et l’autre sont donc disciples du Père et envoyés par le Père : ils sont les premiers Disciples-Missionnaires.

Dans sa lettre aux Galates, Paul, après avoir montré que « Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme à la plénitude des temps », ajoute : « Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs, et cet Esprit crie : Abba  !, c’est-à-dire Père  ! Ainsi, tu n’es plus esclave, mais fils, et puisque tu es fils, tu es aussi héritier : c’est l’œuvre de Dieu » (4, 4.6-7).

En saint Paul comme en saint Jean, nous retrouvons cette « Œuvre de Dieu » dans laquelle nous sommes invités à entrer. Par la foi, par le don de nous-mêmes, nous sommes invités à devenir les collaborateurs de Dieu, grâce au Christ et à l’Esprit Saint, pour que se poursuive « le mystère de la volonté du Père » (Ep 1, 9). À la plénitude des temps (Gal 4, 4 et Ep 1, 10) – qui est celle de l’Incarnation du Verbe, comme nous venons de le célébrer dans le cycle liturgique de la Nativité –, le Mystère du Christ se déploie dans celui de l’Église, « qui est son corps, et l’Église, c’est l’accomplissement total du Christ, lui que Dieu comble totalement de sa plénitude » (Ep 1, 23).

On voit quels horizons de grâces nous ouvrent les Écritures. Les Missions divines du Verbe incarné et du Saint-Esprit, envoyés par le Père, fondent et stimulent nos missions ecclésiales à tous les niveaux. Avant de remonter vers son Père, sa mission accomplie, Jésus envoie ses Apôtres (ce nom en grec signifie « envoyé  ») en leur disant : « Allez, de toutes les nations faites des disciples  : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 19-20).

À ce moment, dans la finale de saint Luc, Jésus dit à ses Apôtres qu’il leur faut « proclamer en son nom le pardon des péchés à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. À vous d’en être les témoins, leur dit-il. Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis » (24, 47-49). Comme le précise Luc au début des Actes des Apôtres, cette promesse du Père est bien l’Esprit Saint : « Vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (1, 8). À nous d’être ses témoins crédibles à Toulouse et en Haute-Garonne, frères de Jésus Christ, animés par son Esprit, dans l’unité des Trois déployée dans le Mystère de l’Église, envoyée en mission dans le monde.

+ fr. Robert Le Gall
Archevêque de Toulouse
Décembre 2018