Une démarche synodale en lien avec le Synode romain à venir

Une démarche synodale en lien avec le Synode romain à venir

Dimanche 17 octobre, à Toulouse comme dans tous les diocèses de France, était lancé le synode 2021-2023 ! À l’invitation de Mgr Le Gall, archevêque de Toulouse, de nombreux laïcs, des prêtres, des diacres et des membres de communautés religieuses ont répondu présents et se sont rendus à la cathédrale Saint-Étienne.
Pour nous aider à entrer dans la démarche synodale, Mgr Georges Pontier, archevêque émérite de Marseille, est intervenu pour nous expliquer ce qu’était un synode (à lire ci-dessous), l’importance de la démarche qui nous est proposée par la pape François, l’opportunité qui nous est offerte pour faire avancer ensemble notre Église, les enjeux qu’il nous faut saisir, pour nous laïcs et pour les ministres ordonnés, l’attitude qui est requise pour avancer ainsi que les moyens proposés aux fidèles dans le Christ.

Sont ensuite intervenus trois porte-voix du peuple de Dieu : Anne-Marie Baurès qui a porté la parole des pauvres et des exclus, Ylios Guillermond celle des jeunes étudiants, et Denis Milan au titre des paroisses (lire leurs interventions en documents joints ci-dessous).

La rencontre s’est achevée par une belle célébration diocésaine autour de Mgr Le Gall qui en a assuré la présidence.
 

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Intervention de Mgr Georges Pontier :

 

1 - Un événement nouveau

Nous participons en ce moment-même, à un événement nouveau pour notre Église catholique universelle. Le même jour, dans les Églises diocésaines de la terre entière, est lancée la première étape du futur synode des évêques qui aura lieu à Rome en octobre 2023. Il aura pour thème : « Pour une Église synodale : Communion, participation, mission ». Il s’agit, dans toutes les Églises diocésaines, de participer à la préparation du synode d’évêques autour du Pape. C’est la première fois que cela se passe ainsi. Surement, nous n’avons pas pleinement conscience de ce que cela signifie pour notre Église. Nous le comprendrons en le vivant et en accueillant ce qui sera donné dans cette démarche.

Toutefois, nous nous sommes habitués depuis quelques décennies à l’usage du mot « synode » ou aux expressions : « chemin synodal » ou encore « démarche synodale », surtout depuis le concile Vatican 2 qui a proposé une réflexion fondamentale sur l’Église dans la constitution « Lumen Gentium ».

Pour le Pape François cette dimension synodale de l’Église est quelque chose d’essentiel ou de constitutif. Lors du discours qu’il a prononcé le samedi 17 octobre 2015 à l’occasion de la commémoration du cinquantième anniversaire de l’institution du synode des évêques par le Pape Paul VI, il affirmait : « Le chemin de la synodalité est justement celui que Dieu attend de l’Eglise du troisième millénaire. Ce que le Seigneur nous demande, en un certain sens, est déjà pleinement contenu dans le mot « synode ». Marcher ensemble – Laïcs, Pasteurs, Évêque de Rome est un concept facile à exprimer en paroles, mais pas si facile à mettre en pratique. » Le Pape François a donc voulu faire avancer la pratique d’une Église synodale. Si c’est tous ensemble que nous sommes l’Église, un synode d’évêques ne peut pas se contenter de réfléchir et de travailler qu’entre évêques. Certes lors des synodes antérieurs il y avait eu des consultations des épiscopats pour élaborer le premier document de travail en vue du futur synode. Mais c’était assez minime comme possibilité d’expression pour l’ensemble des baptisés. Un effort réel a été fait lors des synodes sur la famille en 2015 et 2016. Des laïcs ou des associations ou mouvements de laïcs ont pu s’exprimer et ont été plus largement consultés. Peut-être certains parmi vous y ont-ils pris part d’une manière ou d’une autre. Mais cette fois, on franchit une étape supplémentaire : toutes les Églises diocésaines vont travailler le sujet du futur synode romain sur l’Église synodale et enverront au secrétariat du synode leurs expériences et leurs propositions. Voilà ce qui commence aujourd’hui.

 

2 - L’Église, Peuple de Dieu

Mais pourquoi est-ce si important ?

Essentiellement parce qu’il s’agit de vivre ce que nous croyons : tous les baptisés sont égaux en dignité. Nous avons reçu le même baptême et les mêmes sacrements de l’initiation chrétienne : baptême, confirmation et eucharistie. Nous sommes habités par le même Esprit-Saint. Il nous a été dit que nous étions revêtus de la dignité de prêtre, prophète et roi. L’Esprit-Saint ne parle pas qu’aux ministres ordonnés ou à quelques-uns. Il parle à tous les membres du peuple de Dieu et c’est avec eux tous qu’il bâtit l’Église, corps du Christ. « Chacun reçoit la grâce de l’Esprit pour le bien du corps entier. »

Dans sa constitution sur l’Église, la constitution Lumen Gentium, le Concile Vatican 2 a bien affirmé cela quand, après le chapitre premier consacré au Mystère de l’Église, œuvre du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint, il rentre dans sa réalisation historique en partant du Peuple de Dieu dans son chapitre deuxième, c’est-à-dire en mettant en valeur ce qui est commun à l’ensemble des baptisés. Ce n’est qu’au chapitre troisième qu’il en viendra à sa constitution hiérarchique en s’arrêtant à l’Épiscopat, à son service ou à sa mission pour le bien de tous. Les baptisés sont tous et chacun des membres responsables et actifs de la vie et de la mission de l’Église. Avant d’être une hiérarchie, l’Église est une fraternité de membres, égaux en dignité. Cette réalité, que nous sommes tous l’Église, doit se voir toujours plus et mieux dans la vie concrète de l’Église, dans la manière de vivre en Église ou de faire Église. Ainsi le Concile dit au N° 9 de Lumen Gentium : « La condition de ce peuple, c’est la dignité et la liberté des fils de Dieu dans le cœur de qui, comme dans un temple, habite l’Esprit-Saint. Sa loi, c’est le commandement nouveau d’aimer comme le Christ lui-même nous a aimés (Jean 13,34).  » Cette conviction de foi est tellement forte, importante, essentielle que le Concile va pouvoir dire qu’il y a dans le peuple de Dieu comme un flair qui le rend infaillible pour ce qui touche les choses concernant la foi et ne peut se tromper dans ce qu’il reconnait comme fidèle à ce que le Christ nous a révélés. On appelle cela « le sensus fidei », le sens de la foi. « La collectivité des fidèles, ayant l’onction qui vient du Saint (1 Jean 2, 20 et 27) ne peut se tromper dans la foi ; Ce don particulier qu’elle possède, elle le manifeste par le moyen du sens surnaturel de foi qui est celui du peuple tout entier, lorsque « des évêques jusqu’aux derniers des fidèles laïcs » elle apporte aux vérités concernant la foi et les mœurs un consentement universel. Grâce, en effet, à ce sens de la foi qui est éveillé et soutenu par l’Esprit de vérité, et sous la conduite du magistère sacré, qui permet, si on lui obéit fidèlement, de recevoir non plus une parole humaine, mais véritablement la parole de Dieu (cf 1 Thess 2,13), le peuple de Dieu s’attache indéfectiblement à la foi transmise aux saints une fois pour toutes (cf. Jude 3), il y pénètre plus profondément en l’interprétant comme il faut et dans sa vie la met plus parfaitement en œuvre.  » (LG 12)

La présence dans l’Église des ministres ordonnés, Évêques, prêtres et diacres, n’enlève rien à cette dignité des baptisés. Les ministres ordonnés sont au service de la communion et au service de l’œuvre de l’Esprit de Dieu à travers la célébration des sacrements, la conduite de la communauté dans l’unité et le maintien du dynamisme missionnaire. Ils n’accaparent pas l’œuvre de l’Esprit-Saint. Ils sont à son service, à leur place de serviteurs et non de propriétaires. C’est ensemble que les baptisés : laïcs, hommes et femmes, religieux, religieuses, ministres ordonnés cheminent vers le Royaume de Dieu, là où l’Esprit les conduit. Le contraire s’appelle le cléricalisme.

 

3 - L’Écoute de l’Esprit en Église

Au fondement d’une attitude synodale il y a donc l’écoute, celle des baptisés laïcs, hommes et femmes, des religieux, celle des ministres ordonnés, évêques, prêtres et diacres, celle du monde dans lequel nous vivons, celle de l’Évêque de Rome qui préside à la charité et celle du Seigneur à laquelle tous se soumettent ou bien que tous cherchent et à laquelle ils veulent obéir. L’écoute de la Parole de Dieu est importante dans la vie de l’Église et dans ces moments d’écoute communautaire. Les sessions du Concile s’ouvraient par l’entrée solennelle de la Parole de Dieu, son écoute. Quand des baptisés se parlent, ils cherchent ensemble ce que dit l’Esprit à leur Église. Ils ne cherchent pas à faire passer leurs idées ni à imposer leurs points de vue. Ils veulent entendre et suivre ce qui vient de l’Esprit. La place faite ensemble à l’écoute de la Parole de Dieu, à la prière est un signe essentiel de la juste attitude synodale dans la vie de l’Église et de ses groupes divers. Ce n’est pas la loi de la majorité qui doit s’imposer en Église, mais la fidélité à l’œuvre de l’Esprit-Saint qui s’exprime dans l’échange, l’écoute de la parole de Dieu et exprimée par le magistère.

On peut ici faire mémoire du moment crucial qui a marqué la vie de la première communauté chrétienne et de la manière dont elle a traversé l’épreuve. (Cf. Actes 15). Il s’agit du conflit né à Antioche au sujet de la juste attitude à avoir par rapport aux nouveaux baptisés qui n’étaient pas d’origine juive : fallait-il leur imposer la circoncision et l’obéissance à la Loi de Moïse ou accueillir que l’Esprit les avaient rejoints en dehors ou au-delà de cette observance ? Pouvait-on prendre ensemble, juifs et non juifs, les repas ou devait-on maintenir les coutumes juives liées au repas ? L’enjeu était grave : Comment nous vient le salut ? Quelle est l’œuvre accomplie par le Christ ? Comment vivre la diversité dans une Église une ? Alors on convoque une rencontre à Jérusalem et là on se met à l’écoute de chacun et à l’écoute du mystère du Christ. Au terme Pierre et Jacques exprimeront le fruit de cette réflexion et du discernement de l’œuvre de l’Esprit qui a envahi le cœur de chacun. C’est le Christ qui est le seul Sauveur. Il est venu pour tous. De légitimes diversités peuvent coexister dans l’Église.

 

4 - Les moyens de la synodalité

Dans son histoire l’Église s’est donnée des moyens pour faire exister cette collaboration entre les fidèles du Christ. Le Synode en est un des plus significatifs. Il s’agit d’un moment dans une Église diocésaine où l’on célèbre ce temps de recherche de ce que l’Esprit dit à une Église au sujet de sa vie et de sa mission. Habituellement un temps est prévu pour l’expression et la consultation de tous les fidèles qui le souhaitent. Puis se tiennent les assemblées synodales définies par le code pour qu’y soient représentées les différentes composantes de la communauté diocésaine : fidèles laïcs, religieux, ministres ordonnés. Ce travail de discernement et de propositions sera rendu normatif par l’évêque qui publiera les conclusions et les proposera à l’ensemble de son diocèse. Le diocèse de Toulouse en a vécu un dans les années 1989-1992. J’ai eu la joie de vivre une telle démarche deux fois, à Digne et à La Rochelle durant le temps de ma responsabilité épiscopale dans ces diocèses.

Mais il y a bien sûr d’autres structures qui permettent de faire que la vie de l’Église à ses divers niveaux fasse droit à chacun des baptisés. Ce sont les conseils : conseil pour les affaires économiques, conseil pastoral, équipe d’animation pastorale ou paroissiale. Cela, tant au niveau paroissial que diocésain. À ce niveau existent encore autour de l’évêque d’autres conseils : conseil pastoral diocésain, conseil épiscopal, conseil de le vie religieuse, conseil pour les affaires économique, collège des consulteurs. On peut encore évoquer tout ce qui touche l’apostolat des laïcs avec ses mouvements ou ses associations ou encore toute la vie religieuse dont l’existence manifeste l’œuvre de l’Esprit dans la vie des personnes.

Et comment ne pas nommer tout ce qui se vit de manière informelle grâce aux charismes des uns ou des autres, charismes qui se déploient dans le domaine de la charité souvent, de la solidarité avec les plus pauvres ou les souffrants, dans le domaine de l’enseignement, dans le domaine du soutien à la vie spirituelle, dans le domaine de la présence dans la vie de la société. La place de la vie religieuse est tout à fait précieuse pour la vie de l’Église.

Cette synodalité de l’Église se vit encore à l’échelon provincial ou à celui d’un pays et même d’un continent. Que de collaborations existent à ces niveaux-là selon les diverses réalités de la vie de l’Église !

Au-delà des questions touchant l’organisation de la représentativité au sein des diverses structures, on voit bien que se pose aussi la plus profonde question des sensibilités diverses au sein de l’Église et celle de la construction d’une communion qui permette de donner vie à la diversité légitime et enrichissante qui ne se perde pas dans l’éclatement sectaire intransigeant. Se pose enfin la question de la juste collaboration entre ministres ordonnés et fidèles laïcs, ce qu’on appelle parfois la coresponsabilité différenciée avec une attention particulière à la place faite aux femmes dans les lieux de responsabilités. C’est tout cela qui doit nous occuper durant ce travail que nous propose le Pape François. Dimanche dernier à Rome il ouvrait cette grande démarche synodale diocésaine. Dans une de ses interventions il a dit : « Tous sont appelés à participer à la vie de l’Église et à sa mission. S’il manque une réelle participation de tout le Peuple de Dieu, les discours sur la communion risquent de n’être que de pieuses intentions. Sur cet aspect, nous avons fait des progrès, mais il y a encore des difficultés, et il faut bien constater les désagréments et la souffrance de beaucoup de travailleurs pastoraux, d’organismes de participation des diocèses et des paroisses, de femmes qui sont encore souvent à la marge. Tous doivent participer : c’est un engagement ecclésial indispensable ! Tous les baptisés, la carte d’identité, c’est le baptême.  » (Pape François, discours 9 octobre 2021)

 

En conclusion

Je voudrais vous citer en terminant un autre extrait du discours du Pape François lors du 50° anniversaire de la création de l’institution synodale. Il y aborde le rapport entre la dimension hiérarchique de l’Église et sa réalité de peuple de Dieu. Il dit :

« Jésus a constitué l’Église en mettant au sommet le Collège apostolique, dans lequel l’apôtre Pierre est le « rocher » (cf Mt 16,18), celui qui doit « confirmer » les frères dans la foi (cf Luc 22,32). Mais dans cette Église, comme dans une pyramide renversée, le sommet se trouve à la base. C’est pourquoi, ceux qui exercent l’autorité s’appellent « ministres  » : parce que selon la signification originelle du mot, ils sont les plus petits entre tous. C’est en servant le Peuple de Dieu que chaque Évêque devient, pour la portion du troupeau qui lui est confiée, vicarius christi, Vicaire de ce Jésus, qui, à la dernière Céne, s’est baissé pour laver les pieds des Apôtres (cf. Jn 13,1-15). Et dans un tel horizon, le Successeur de Pierre n’est rien d’autre que le servus servorum Dei. Ne l’oublions jamais ! Pour les disciples de Jésus, hier, aujourd’hui, et toujours, l’unique autorité est l’autorité de service, l’unique pouvoir est le pouvoir de la croix, selon les paroles du Maître : « Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut parmi vous être le premier sera votre esclave » (Mt 20, 25-27)

En vivant cette démarche synodale à la demande du Pape François, nous vivons l’Église dans ce qu’elle est vraiment : le peuple de Dieu, un peuple où chaque baptisé est habité par la lumière de l’Esprit et acteur de sa vie.
« Pour une Église synodale : Communion, participation, mission.  » C’est tous ensemble que nous en sommes les pierres vivantes et les acteurs. Que l’écoute bienveillante entre nous, éclairée par celle de la Parole de Dieu, que l’estime réciproque, inspirent nos désirs et nos pratiques. Qu’elles nous entrainent plus avant dans la conversion vers une vie d’Église toujours plus et mieux synodale qui fait place à tous les baptisés.

Georges PONTIER
17 octobre 2021