À Noël, baisser les yeux pour voir Dieu

Noël 2019

À Noël, baisser les yeux pour voir Dieu

Dieu à nos pieds

Quand nous voulons prendre Dieu à témoin, et que nous désirons le faire savoir à notre prochain (précisément à celui qui nous a énervé et contre lequel nous en appelons au Juge suprême), généralement, pour symboliser notre mouvement d’humeur, nous levons les yeux au ciel. Car Dieu, c’est entendu, ne peut se trouver que « là-haut ». De même, quand Jésus désire ne pas prononcer le Nom ineffable de son Père, il parle de Royaume « des cieux ». À Dieu, le haut, et aux hommes, le bas !

Mais à Noël, tout change ! Plus besoin de braquer nos télescopes spirituels sur l’empyrée des Idées et des Premiers Principes, ni de se prendre la tête avec des raisonnements à donner la migraine, ou de macérer longtemps dans une ascèse laborieuse pour tenter d’apercevoir le Très-Haut ! Dieu nous tire par la manche : pourquoi scruter les étoiles ou essayer de suivre les concepts compliqués des grimoires de théologie, ou bien encore de se perdre dans le labyrinthe de notre intériorité (encore plus compliquée qu’un traité de théologie !), quand il suffit de...baisser les yeux !

Dieu révélé en priorité aux tout petits

Car Dieu est là, tout en bas, à nos pieds ! Sur la paille ! D’un peu plus, on passerait à côté de Lui par mégarde. D’ailleurs, c’est ce qui est arrivé aux érudits en Écriture Sainte de Jérusalem, ces savants que les mages étaient allés consulter. Eux « savaient », ils savaient que le messie naîtrait à Bethléem, mais cela ne les a pas empêchés de passer à côté de la chance de leur vie, trop occupés qu’ils étaient à compulser leurs épais bouquins. Cet Enfant était trop simple pour eux ! Trop « à la portée de tous » pour ne pas menacer leurs privilèges.

L’avantage, quand on est savant et reconnu comme tel, c’est que les gens sont obligés de passer par vous pour accéder au Saint des saints. Or, cet Enfant, né dans une grotte de parents issus d’une région peu fameuse (« De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ? »), fait une concurrence déloyale aux sages de Judée. Si Dieu Lui-même se met maintenant à Se démocratiser à ce point, au point de choisir un nourrisson comme lieu de Sa Présence, où va-t-on, je vous le demande ? De quelle science aurons-nous encore besoin si les publicains et les pécheurs nous devancent dans le Royaume ?

Toujours imité, jamais égalé

Le minuscule nourrisson de Bethléem bouleverse de fond en comble nos conceptions de Dieu et des hommes. Coupant l’histoire de l’humanité en deux, il fait pâlir d’envie tous les révolutionnaires qui viendront après lui et qui ne penseront plus qu’à le singer. Mais ce sera les armes à la main, avec beaucoup de morts au compteur et de sang sur les mains, ce que s’interdira toujours le prophète de Nazareth, et qu’il prohibera à ses disciples : « Rengaine ton glaive » dit-il au compagnon qui était tenté de le défendre par la violence lors de son arrestation.

Le seul révolutionnaire, celui qui a rendu sa dignité à tout homme, parce qu’en tant que Fils de Dieu, il nous a tous assumés, qu’il s’est identifié à chacun de nous, c’est Celui qui naît à Bethléem, tout en bas, pour reprendre la Création par en-dessous et la ramener de la sorte à son Père. L’Enfant révolutionne en même temps l’idée que nous nous faisons de Dieu, parce qu’un tel abaissement de Sa part est vraiment digne d’un Être au-dessus de toutes nos catégories binaires : haut-bas, petit-grand, immense-étroit, éternel-temporel. 

 « Il t’est impossible de reconnaître Dieu, ni par ton imagination ni par tes spéculations, mais en t’approchant de sa crèche. Si tu suis le chemin inverse, tu te casseras le cou et tu tomberas du ciel comme l’esprit malin. Mon ami, n’escalade pas le ciel ! Va d’abord à Bethléem !  » (Martin Luther)

Jean-Michel Castaing

 


Actualité publiée le 23 décembre 2019