Assomption : le mystère du silence de Jésus sur sa mère

Jésus a gardé le silence sur le mystère de sa mère. Pourquoi ? Très certainement parce qu’il désirait laisser à l’Esprit Saint le soin de nous révéler au cours des siècles la grandeur de Celle dont nous fêtons aujourd’hui la montée à la gloire céleste.

 

En cette fête de l’Assomption où les catholiques du monde entier célèbrent Marie, où des milliers de sanctuaires mariaux à travers la France se font point d’honneur de remercier la Mère universelle par une messe (ce qui n’est, hélas ! pas toujours possible à cause de la raréfaction des prêtres), on peut légitimement s’interroger sur le silence de Jésus au sujet des qualités hyperboliques de sa mère. Comment se fait-il que celui qui connaissait mieux que quiconque la sainteté sans pareille de la femme de Nazareth (et pour cause ! il était le Fils de Dieu omniscient et de surcroît son propre fils !) n’ait soufflé mot durant son existence terrestre des vertus de l’Immaculée ? Alors qu’il ne cesse de proclamer les liens intimes qui l’unissent à son Père et de renvoyer toute sa gloire à ce dernier, il laisse en revanche systématiquement dans l’ombre la personne de sa mère. S’il reconnaît ce qu’il a reçu du Père, il ne mentionne pas ce que son cœur filial doit à Marie et à son éducation maternelle. Certes, il a bien conscience de sa dette immense envers elle. Cependant, si pénétré qu’il soit de toutes les délicatesses de l’affection et de la gratitude à son égard, il n’en dit jamais rien dans les évangiles. Comment expliquer ce silence ?

 

Plusieurs raisons à ce silence

D’abord, Jésus avait déjà fort à faire pour convaincre ses auditeurs qu’il était le Messie et le Fils de Dieu. Si, de surcroît, il avait décliné le titre de Mère de Dieu au sujet de Marie, on devine à quel mur d’incompréhension il se serait heurté ! Il y aurait mis le comble ! Révéler les grandeurs de Marie eût été prématuré. Les esprits n’étaient pas préparés à recevoir une telle vérité. Ensuite, la Vierge n’aurait pas apprécié qu’on fasse d’elle de grands éloges. Pour elle, l’essentiel est le ministère du Messie. Elle met toute sa joie à entourer d’affection ceux qu’elle aime. Elle sait que Jésus a hérité de la plus haute mission qu’un homme ait jamais eu à exécuter. Aussi ne désire-t-elle pas attirer l’attention sur elle dans ce moment décisif de l’histoire humaine ! Son divin fils pense de même. Elle s’efface devant lui comme Jean-Baptiste l’a fait à l’orée de la vie publique de Jésus.

Enfin, en taisant son amour pour sa mère, Jésus obéissait à une pudeur partagée. Il a aimé Marie de toutes les forces de son cœur d’enfant et d’homme. Mais cette affection est d’un autre ordre que celle qui l’anime envers le Père. C’est un amour silencieux qui craindrait de se galvauder en s’extériorisant. Combien d’hommes préfèrent ne jamais parler de leur mère et garder en leur cœur une affection qu’ils jugent trop profonde pour être exprimée et livrée à autrui ! C’est leur jardin secret à tous les deux. Il leur semblerait qu’exposer l’intimité de leur amour filial à d’autres regards serait le profaner. D’ailleurs, cet amour est fait d’un ensemble de contacts personnels, impossibles à transmettre.

Il existe toutefois une demi-exception au silence de Jésus : en répondant « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent ! » à la femme qui avait proclamé le bonheur de sa mère (Lc 11, 27-28), Jésus définissait la véritable grandeur de Marie. Aucun passe-droit familial dans le Royaume ! En plaçant sa mère au niveau de tous les autres êtres humains, il l’élevait au-dessus d’eux tous. La valeur et le mérite de Marie, ainsi que la place qui lui est destinée dans le Royaume, sont en proportion de sa fidélité à suivre la parole divine. Là, pour une fois, Jésus rendait hommage à sa mère – même si c’était de façon indirecte, implicite ! 

 

Jésus lève le voile sur la grandeur de sa Mère au Calvaire

Cependant, il est faux d’affirmer que le Christ soit resté muet jusqu’au bout au sujet du rôle sans pareil que la Vierge serait appelée à jouer dans le temps de l’Église. Du haut de la Croix, il la donne comme mère à saint Jean et, à travers le disciple bien-aimé, à tous les chrétiens. Il l’institue Mère universelle dans le moment le plus solennel de sa vie, sur le Calvaire. Plus tard, la Tradition, sous l’inspiration de l’Esprit Saint, se chargera de développer tout ce que contiennent ces paroles : « Femme, voici ton fils. Fils, voici ta mère ». Dans cette maternité de grâce à l’égard des disciples sont contenues une partie des grandeurs de la Vierge – les deux autres parties découlant de sa maternité divine, du fait d’avoir engendré le Fils de Dieu, et de sa coopération à la Rédemption objective (c’est-à-dire la rédemption opérée par Jésus durant son existence terrestre). En donnant sa mère à l’humanité, Jésus confiait aux hommes le soin de l’honorer, de la vénérer et de proclamer conséquemment sa beauté et sa grandeur. De la sorte, ses disciples ne seront pas tenus à la discrétion qui fut la sienne durant son existence terrestre.

 

Les retrouvailles de l’Assomption

Jésus n’a pas été indifférent aux souffrances de sa mère : nécessité pour lui de rester au Temple de Jérusalem lors de la fête de Pâques, ce qui occasionna une recherche douloureuse et angoissée de la part de ses parents (Lc 2,49) ; fin de non-recevoir opposée à sa famille dans son désir de lui parler (Mc 3,21), cette famille qui croyait qu’il avait « perdu le sens  » — opinion que ne partagea jamais sa mère mais qui suscita au contraire chez elle un surcroît de souffrance ; incompréhension et hostilité de l’élite religieuse d’Israël ; enfin, sacrifice de la Croix qui mit le comble aux douleurs de la Vierge. En la prenant au Ciel avec lui au terme de sa vie, Jésus mettait fin au sacrifice que représenta pour lui le fait de laisser dans l’ombre l’être humain qu’il chérissait le plus. Dans la gloire céleste, ces deux Cœurs pouvaient enfin laisser éclater leur joie de se retrouver !

Jean-Michel Castaing

 


Actualité publiée le 2 août 2021

 

 

Ma plus belle invention, dit Dieu, c’est ma Mère

Ma plus belle invention, dit Dieu, c’est ma Mère.
Il me manquait une Maman, et je l’ai faite.
J’ai fait ma Mère avant qu’elle ne me fasse.
C’était plus sûr.
Maintenant, je suis vraiment un Homme comme tous les hommes.

Je n’ai plus rien à leur envier, car j’ai une Maman,
une vraie, ça me manquait.

Ma Mère, elle s’appelle Marie, dit Dieu.
Son âme est absolument pure et pleine de grâce.
Son corps est vierge et habité d’une telle lumière
que sur terre je ne me suis jamais lassé de la regarder,
de l’écouter, de l’admirer.
Elle est belle, ma Mère, tellement que,
laissant les splendeurs du Ciel,
je ne me suis pas trouvé dépaysé près d’elle.

Pourtant, je sais ce que c’est, dit Dieu,
que d’être porté par les anges ;
ça ne vaut pas les bras d’une Maman, croyez-moi.

Depuis que j’étais remonté vers le Ciel,
elle me manquait, je lui manquais.
Elle m’a rejoint, avec son âme, avec son corps, directement.
Je ne pouvais pas faire autrement.

Ça se devait. C’était plus convenable.

Les doigts qui ont touché Dieu ne pouvaient pas s’immobiliser.
Les yeux qui ont contemplé Dieu ne pouvaient rester clos.
Les lèvres qui ont embrassé Dieu ne pouvaient se figer.
Ce corps très pur qui avait donné un corps à Dieu
ne pouvait pourrir mêlé à la terre...

Je n’ai pas pu, ce n’était pas possible,
ça m’aurait trop coûté.

J’ai beau être Dieu, je suis son Fils, et c’est moi qui commande.
Et puis, dit Dieu, c’est encore pour mes frères les hommes que j’ai fait cela.

Pour qu’ils aient une Maman au Ciel.

Une vraie, une de chez eux, corps et âme, La Mienne.

Maintenant, qu’ils l’utilisent davantage ! dit Dieu.

Au Ciel ils ont une Maman qui les suit des yeux, avec ses yeux de chair.
Au Ciel ils ont une Maman qui les aime à plein cœur, avec son cœur de chair.
Et cette Maman, c’est la Mienne, qui me regarde avec les mêmes yeux,
qui m’aime avec le même cœur.

Si les hommes étaient malins, ils en profiteraient,
ils devraient bien se douter que je ne peux rien lui refuser…
Que voulez-vous, c’est ma Maman....

Michel Quoist (1921-1997)