Le pape François en visite en Irak

par Jean-Michel Castaing, auteur

Le pape François en visite en Irak

La visite que François effectuera en Irak du 5 au 8 mars se présente à la fois comme un hommage, un soutien et une recherche de la paix. Pour toutes ces raisons, ce voyage est appelé à faire date.

 

Une terre biblique

La Terre sainte n’est pas la seule terre biblique du Moyen-Orient. L’Irak peut revendiquer également cette appellation à juste titre. En effet, ce pays fut la patrie des ancêtres d’Abraham avant que celui-ci n’émigre en Canaan, l’actuelle Palestine-Israël. En remontant plus loin dans le temps, on situe dans la plaine de l’Euphrate, l’un des deux principaux fleuves traversant le pays avec le Tigre, l’antique cité de Babel d’où les peuples se dispersèrent après la confusion des langues. Cet épisode est rapporté dans le livre de la « Genèse » : Gn 11, 1-9. Plus tard fut édifiée à cet emplacement la cité de Babylone où furent déportés les Hébreux après la destruction du premier Temple de Jérusalem. Construite sur le Tigre, Ninive, capitale de l’ancien Empire assyrien, fut la grande ville qui se convertit à la prédication du prophète Jonas. L’Irak peut se vanter d’être un des berceaux de l’humanité. C’est sur ces terres que fut inventée l’écriture cunéiforme. Enfin, le pays fut un des premiers à être évangélisés. La présence chrétienne y est plus ancienne que l’islam.

Avant la seconde guerre du Golfe (2003), les chrétiens étaient plus d’un million en Irak. Ils ne sont plus que 400 000 aujourd’hui. Tarek Aziz, l’ancien ministre des affaires étrangères de Saddam Hussein, était chrétien. L’invasion américaine de 2003 et la catastrophe Daesh ont poussé beaucoup de chrétiens irakiens à l’exil. Ils sont de confession orthodoxe ou catholique.

 

Trois raisons à la visite du pape

Cette visite tient à cœur au pape François pour trois raisons. D’abord, en rencontrant les Irakiens, le Saint Père désire rendre justice à l’une des plus anciennes chrétientés du monde, comme je le soulignais plus haut, mais aussi à l’une des plus antiques civilisations de l’humanité.

La seconde raison réside dans la sollicitude des catholiques, mais aussi de tous les chrétiens, pour nos coreligionnaires irakiens, et plus largement pour les chrétiens orientaux. La situation en Syrie, pays voisin et autre terre chrétienne, ne permet pas actuellement une visite papale. L’Église, à travers François, signifie à nos frères orientaux qu’elle ne les oublie pas. Leur situation de minorité, conjuguée à la crise économique et aux séquelles des guerres successives qui se sont déroulées sur le sol irakien (que l’on pense à la guerre Iran-Irak qui dura presque une décennie), explique que le Saint-Siège soit attaché à leur manifester son soutien moral, religieux et matériel.

Enfin, le troisième motif de la visite papale est interreligieux. L’Irak est un pays à majorité musulmane. La première confession est le chiisme (70%), une des deux branches de l’islam avec le sunnisme. C’est dans ce contexte de dialogue interreligieux que le pape rencontrera la plus prestigieuse autorité spirituelle du chiisme en la personne du grand ayatollah Ali Al Sistani. L’entrevue se déroulera dans la ville la plus sainte du chiisme, Nadjaf, où est enterré l’imam Ali, quatrième calife de l’islam et que les chiites considèrent comme le plus grand imam. Il est prévu que le pape se rende également à Erbil, capitale du kurdistan irakien. Les Kurdes ont payé eux aussi un lourd tribut à l’histoire tragique de l’Irak contemporain. La dimension interreligieuse du voyage de François se voudra un signal fort en faveur de la paix dans le monde, surtout après l’épisode dramatique du califat islamique. Chacun sait en effet que les religions ont un rôle à jouer dans ce domaine. Souvent, à rebours de ce que l’on pense en Occident, elles constituent davantage la solution que le problème, même s’il ne faut pas sous-estimer le poids du fanatisme dans la géopolitique mondiale.

Cette visite papale s’annonce comme un moment fort du pontificat de François. Signalons que, dans toute la France, d’innombrables paroisses ont accueilli des irakiens exilés. C’est notamment le cas de celle de Saint-Sernin à Toulouse.

Jean-Michel Castaing

 

Voir ici le message du pape François aux Irakiens à la veille de son départ

 


Actualité publiée le 3 mars 2021