Notre-Dame d'Alet, un site à (re)découvrir absolument !

Rencontre avec Nicolas Dargegen, auteur

Notre-Dame d’Alet, un site à (re)découvrir absolument !

Au mois de mai est paru l’ouvrage Notre-Dame d’Alet, un antique sanctuaire contemporain aux éditions OnTau. Dans ce livre, Nicolas Dargegen son auteur, archiviste au sanctuaire de Lourdes, remonte aux origines du sanctuaire et en retrace toute l’histoire. Il a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions.

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- Qu’est ce qui a conduit un historien archiviste à Lourdes à s’intéresser à un sanctuaire en Haute-Garonne ?

En tant qu’archiviste du sanctuaire Notre-Dame de Lourdes, je gère également ce que nous appelons la bibliothèque mariale, un fonds unique au monde sur l’histoire, le culte et la théologie consacrée à la Vierge. C’est dans ce cadre que mon ami l’abbé François de Larboust, le curé du lieu, m’a demandé si j’avais des éléments sur Notre-Dame d’Alet. En cherchant, je suis tombé sur deux ouvrages que j’ai parcourus et ai trouvé l’histoire passionnante. Comme je voulais en savoir plus, j’ai consulté des œuvres dans d’autres bibliothèques, des archives, et j’ai amassé beaucoup de matière. Entre temps, après avoir visité le sanctuaire avec l’abbé de Larboust, je suis tombé en admiration devant la beauté du lieu.
Je lui ai alors proposé d’écrire un livre, et il m’a encouragé car il souhaitait depuis quelques années que l’histoire d’Alet puisse être connue et mise à disposition de tous. Finalement, ce qui était à la base un service amical est devenu un véritable outil de connaissance au service de la Sainte Vierge.

- La chapelle de Notre-Dame d’Alet a été construite à la suite d’une première apparition de la Vierge ?

Exactement, la tradition raconte qu’au XIème siècle un laboureur prénomé Raymond travaillait dans ses champs avec ses beufs. D’un seul coup, les bœufs ont refusé d’avancer. Raymond les pique alors avec son aiguillon et comme ils n’avançaient toujours pas, pris de colère, il jeta son aiguillon dans le sol. À ce moment-là, la Vierge lui apparaît et lui demande de construire sur place une chapelle.
Il n’existe aucune archive relatant cette apparition, mais dès le XVIIème siècle on trouve cet évènement représenté sur des gravures et l’histoire est reprise au XIXème siècle dans les premiers historiques. Dans les archives, nous trouvons des actes notariés mentionnant la chapelle dès 1347. Notre-Dame d’Alet est donc un antique sanctuaire, voulu par la Sainte Vierge à cet endroit-là.

- Saint Dominique et sainte Germaine y seraient aussi passés ?

La tradition le rapporte en effet, mais aucune archive ne le mentionne. Saint Dominique y serait venu vers 1213 et y aurait reçu le rosaire des mains de la Sainte Vierge. Quant à Germaine, elle est probablement venue alors que la chapelle avait été détruite par les protestants, mais les populations locales venaient prier sur les ruines de la chapelle, donc elle est sans doute venue, tout comme saint Bertrand qui a dû venir en famille… mais il n’y a là aucune preuve écrite, seulement la tradition.

- Nous célébrons cette année en juin les 350 ans de nouvelles apparitions de la Vierge sur ce site. Un message a-t-il été délivré ?

En 1673, il y a donc 350 ans, la chapelle était en ruine. Et la Sainte Vierge va apparaître à un autre laboureur, Raymond Vialette, la première fois le 24 juin 1673 et lui demande de reconstruire la chapelle. Elle reviendra le voir deux autres fois avant qu’il commence, avec l’aide des villageois, à reconstruire la chapelle. Et lorsqu’il osera parler des apparitions, à ce moment-là d’autres villageois témoigneront pour dire qu’ils ont, eux aussi, bénéficié de visites de la sainte Vierge sur les ruines d’Alet. La Vierge ne delivrera qu’un seul message, c’est qu’il faut l’honorer à Alet.

- Est-ce le début des pèlerinages ?

Les pèlerinages vont alors vraiment commencer après la reconstruction de la chapelle. Les pèlerins vont venir en foule, demander des guérisons, offrir des ex-votos, parfois précieux puisqu’un trésor sera alors constitué (il a aujourd’hui disparu). Les pèlerins seront tellement nombreux que le curé de Montaigut ne pourra plus s’occuper du sanctuaire, et c’est alors que des religieux vont s’installer à Alet, dans la maison que l’on voit encore aujourd’hui et qui permet d’accueillir des groupes.

- On parle aussi de guérisons miraculeuses...

Dès 1674, des guérisons vont être constatées. Le curé de Montaigut, Blaise Rech, va alors les consigner dans un registre pendant trois ans. Ce registre est conservé aux archives départementales de la Haute-Garonne. Il recense 60 miracles : des aveugles qui retrouvent la vue, des handicapés physiques qui se remettent à marcher, des maladies incurables guéries, des grossesses qui s’annonçaient mal et qui se terminent bien… une foule de miraculés ! Et les dévotions vont également s’organiser : des prières vont être composées, des nuits de prière vont être mises en place… Et puis en 1678 une confrérie va être créée, elle va déborder des frontières du diocèse de Toulouse - il y a aux archives départementales un registre des confrères du diocèse de Bayonne par exemple. Bref, le culte et la dévotion à Notre-Dame d’Alet vont devenir de plus en plus important et dépasser très rapidement les limites de la paroisse et même du diocèse.

- Depuis une dizaine d’années, sous l’impulsion de ses curés, le sanctuaire Notre-Dame d’Alet connaît un véritable renouveau.

Les pèlerinages vont se faire plus rares dans les années 70, à un moment où les dévotions populaires étaient mises de côté. Notre-Dame d’Alet va s’endormir mais dans les années 80, une sœur va s’installer sur place, Sœur Jacqueline des Rochettes et va tout faire pour sauver la chapelle. En créant L’association des Amis de Notre-Dame d’Alet, qui fête cette année ses 30 ans, elle va s’entourer de nombreux bénévoles qui vont animer la chapelle, permettant son classement, organisant des visites, œuvrant avec la mairie de Montaigut à la restauration de l’édifice.
Lorsque Sœur Jacqueline quittera Alet, ce sera le curé de Grenade qui s’occupera du sanctuaire, d’abord l’abbé Hervé du Plessis puis l’abbé François de Larboust. Ce dernier, avec l’aide de l’association de N.-D. d’Alet, ouvre le sanctuaire à des groupes extérieurs, vers l’accueil de pèlerins qui veulent venir prier N.-D. d’Alet et se confier à Marie. On assiste aujourd’hui à une véritable renaissance du sanctuaire.

- Aujourd’hui, vous publiez donc ce livre. Vous parlez d’un sanctuaire "contemporain". Pourquoi ?

La France est une terre mariale incroyablement riche, les sanctuaires sont nombreux et leurs histoires passionnantes. Bien entendu, il y a les grands sanctuaires mais il y a aussi tous les autres, les « Vierges des chemins de France  », comme le dit le chant scout, des sanctuaires parfois oubliés ou méconnus. En tant que chrétiens, je pense que nous sommes héritiers et dépositaires des histoires des grâces que Marie accorde à ses enfants. Il est très important de pouvoir faire connaître une histoire telle que celle de Notre-Dame d’Alet à tous, c’est le but de cet ouvrage : faire connaître Marie, son message à Alet. Marie n’a pas parlé à Alet, pas délivré de message si ce n’est celui de venir ici. Elle nous accueille à Alet avec nos faiblesses, nos fragilités ; elle qui a connu la douleur, elle nous console et nous guérit. Et ce message est et sera toujours d’actualité.

- Vos recherches vous ont conduit à faire de nombreuses découvertes. Pouvez-vous nous raconter celle qui vous a le plus marqué ?

J’ai pu découvrir de véritables trésors dans les archives, notamment la déposition par le notaire de Montaigut de ce qui s’est réellement passé en 1673. La tradition disait juste qu’il y avait eu des apparitions. J’ai pu consulter un écrit relatant exactement tous les évènements et c’était très émouvant de découvrir à quel point la ferveur des habitants de Montaigut a permis la restauration de ce sanctuaire. Le registre des miraculés est très impressionnant, il est repris dans l’ouvrage, il atteste bien que dès le début, Marie a comblé de ses grâces tous ceux qui venaient lui demander de l’aide.
J’ai pu également découvrir des éléments sur les batailles entre l’État et le diocèse au moment de la séparation de l’Église et de l’État, des détails parfois amusants, comme le fait qu’Alet a été privé un temps de messe et de sonnerie de cloches, car il y a eu un malentendu entre le diocèse et la municipalité en 1928.
Et puis j’ai aussi découvert un évènement capital à Notre-Dame d’Alet, le couronnement de la statue le 16 juin 1863, il y a exactement 160 ans. Cet évènement simplement connu est en fait une distinction très importante : dans le diocèse de Toulouse, seules deux vierges sont couronnées, Alet et la Daurade, mais Alet a été la première, dix ans avant la Daurade ! Cela a attiré une foule immense, 12 000 pèlerins ce jour-là. Cette distinction accordée par le pape montre l’importance du sanctuaire en France. On savait à Alet que c’était un grand évènement mais on ne mesurait pas l’ampleur d’une telle distinction.

- Mgr de Kerimel, archevêque de Toulouse, et l’abbé François de Larboust, curé du site, ont contribué à votre ouvrage. Que disent-ils ?

L’ouvrage a en effet eu la grande chance de recevoir ces deux textes. Monseigneur de Kerimel, dans sa préface, ancre le culte de Marie dans la foi catholique et Notre-Dame d’Alet dans l’histoire diocésaine.
L’abbé François de Larboust dans sa postface développe le message de Notre-Dame d’Alet, toujours et encore d’actualité, même si le sanctuaire a plus de mille ans d’existence.
Je suis très touché par ces deux textes, chacun a réussi à sa manière à compléter l’historique que j’ai écrit. Ainsi ils apportent la notion spirituelle à l’ouvrage, que moi-même, comme historien, je ne pouvais pas donner.

- Et vous justement, qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce sanctuaire ?

Pour comprendre Notre-Dame d’Alet, il faut, en plus de lire le livre, venir à Alet. On est saisi par la beauté du lieu, par le calme, par la présence de Marie. On sent réellement qu’elle est là dans le silence du sanctuaire. Là-bas, on est loin des foules des grands pèlerinages, il y a une sorte de tête-à-tête avec elle lorsqu’on est devant elle, un cœur à cœur réel.
Elle trône au-dessus de l’autel, mais elle est plus mère que Reine, elle nous présente son fils et nous laisse nous approcher et nous touche avec son regard plein de compassion. Elle semble nous dire : « Moi aussi j’ai souffert, je te comprends, je te console, laisse-toi toucher, viens vers moi, je te conduirai vers mon Fils qui est l’unique source d’amour ».

En arrivant à Alet, je pense au texte de Claudel La Vierge de midi car c’est exactement la même sensation : « Je viens seulement, Mère, pour vous regarder. Vous regarder, pleurer de bonheur, savoir cela, Que je suis votre fils et que vous êtes là. Rien que pour un moment pendant que tout s’arrête… Être avec vous, Marie, en ce lieu où vous êtes. Ne rien dire, regarder votre visage, laisser le cœur chanter dans son propre langage. Ne rien dire, mais seulement chanter parce qu’on a le cœur trop plein ».
J’espère que le livre permettra de mieux faire connaître le sanctuaire et ainsi, de faire découvrir ce lieu extraordinaire.

 

Notre-Dame d’Alet, un antique sanctuaire contemporain, par Nicolas Dargegen, mai 2023, éd. OnTau. 35 illustrations en couleur. 15 x 22 cm – 268 pages – 22,00 €. ISBN 978-2-490105-32-8. Disponible au sanctuaire de Notre-Dame d’Alet, à la paroisse de Grenade et dans toutes les bonnes librairies.
 

► Écouter ici l’émission avec Nicolas Dargegen sur radio Présence.

 

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Actualité publiée le 13 juin 2023