Pâques : accouchement et bouleversements

par Jean-Michel Castaing, auteur

Pâques : accouchement et bouleversements

La victoire par l’échec

Avant de mourir, Jésus a tenu à révéler à ses disciples la nature de sa mort en soulignant sa portée décisive pour l’histoire du monde. Néanmoins, en dehors des annonces explicites de la Passion, il a prophétisé également sa mort de façon tacite. Comment ? La venue du Royaume, d’après certaines paraboles évangéliques, adviendrait au travers de l’obscurité, de la pauvreté et de la persécution. De cette façon, le Christ annonçait au Douze que la Croix, par laquelle le Royaume arriverait, se dessinait à l’horizon de son existence. À ce niveau, Pâques constitue un événement de révélation au sujet de la nature très spéciale du Royaume de Dieu inaugurée par la Résurrection. Ce Royaume ne résulte pas de conquêtes triomphales, mais d’un accouchement dans la douleur. Mais pourquoi la souffrance et la mort ?

 

Douleurs de l’enfantement

En fait, si la venue du Royaume advient par un échec, cela tient à ce que Pâques est un événement d’enfantement. Or tout enfantement s’opère dans la douleur. Il s’agit de notre enfantement à notre dignité filiale d’enfant de Dieu. Cet engendrement est une réalité trop importante pour se réaliser autrement que par un bouleversement cosmique tel que les évangiles le décrivent dans la scène du calvaire : tremblement de terre, obscurcissement du soleil, voile du Temple qui se déchire, résurrection anticipée des morts...

La Croix du Fils constitue déjà notre résurrection parce que nous accédons par elle à notre nouveau statut de fils et de filles de Dieu. Le Christ nous arrache à notre ancienne condition, à laquelle toute une partie de nous-mêmes éprouve la plus grande peine à renoncer : égoïsme, orgueil, idoles en tout genre, etc. Il s’agit d’un véritable arrachage qu’il prend sur lui, ce qui occasionne pour son compte beaucoup de douleurs. Jésus est le Serviteur souffrant par les blessures duquel nous sommes guéris. Opération tellement décisive qu’elle change la face du monde. Le bouleversement cosmique décrit par l’évangile dans le récit de la crucifixion signifie l’écroulement de l’ancien monde qui nous asservissait aux forces hostiles à Dieu. Avec la Croix et la Résurrection, un nouveau monde vient au jour. Conséquemment, l’ancienne création est obligée de céder la place : telle est la signification de ces catastrophes.

Et voilà que le rideau du Temple se déchira en deux, du haut en bas ; la terre trembla, les rochers se fendirent, les tombeaux s’ouvrirent et de nombreux corps de saints trépassés ressuscitèrent : ils sortirent des tombeaux après sa résurrection, entrèrent dans la Ville Sainte et se firent voir à bien des gens. (Mt 27,51-53)

La vie nouvelle, issue de la sortie du frère aîné du tombeau, se situe au-delà de la création initiale – création initiale marquée par le péché et le repliement sur soi de l’humanité, sourde aux appels de Dieu et à la charité. Ces catastrophes cosmiques signifient à la fois une disparition et un accouchement des temps nouveaux, ceux de la Résurrection, que nous fêtons ces jours-ci.

Jean-Michel Castaing

 


Actualité publiée le 15 avril 2020