Pâques, en quatre dimensions

Temps pascal

Pâques, en quatre dimensions

 

Les Pères de l’Église distinguaient dans l’Écriture quatre sens : le sens littéral (ce qui s’est passé), le sens allégorique (ce qu’il faut croire), le sens moral (ce qu’il faut faire) et enfin le sens anagogique (ce vers quoi il faut tendre). Méditer Pâques à la lumière de ces quatre sens constitue un excellent moyen de se plonger avec profit dans la plus grande fête chrétienne.

 

 Ce qui s’est passé

« La lettre raconte ce qui s’est passé » : le sens littéral est d’autant plus important pour aborder Pâques que le mystère central de notre foi ne consiste pas dans un code de lois, ou un Livre, mais dans un événement historique : la mort et la résurrection de Jésus. Celles-ci ne sont pas un mythe (comme l’histoire d’Osiris), mais un fait historique avéré. La religion chrétienne est une religion de l’Incarnation. Le Fils de Dieu a tout assumé de la condition humaine, de la naissance à la mort, hormis le péché. Ce point est capital parce que « seul ce qui est assumé est sauvé  ».

 

 Ce qu’il faut croire

Cette mention du salut nous amène à ce qu’il faut croire. La lettre retrace les faits bruts. Mais derrière la mort du Christ se tient sa signification théologique : la réalisation de notre Rédemption. La mort-résurrection de Jésus non seulement vainc le péché et expulse Satan du monde, mais fait également de nous des filles et des fils de Dieu, c’est-à-dire nous gagne la filiation divine. Le matin de la Résurrection, Jésus déclare à Marie-Madeleine : « Va vers mes frères et dis-leur : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn, 20, 17), alors qu’il n’avait jamais nommé son Père « votre Père », ni ne nous avait appelés ses « frères », avant d’être ressuscité. C’est au Calvaire que le Père de Jésus est devenu le nôtre, ou plutôt que nous sommes devenus ses fils.

 

 Ce qu’il faut faire

Pâques est un passage. Dans le sillage du frère aîné, le chrétien est appelé à passer sur l’autre rive. Ce qui signifie laisser tomber en lui le vieil homme, avec ses convoitises, ses idoles, pour revêtir l’homme nouveau que guident la charité et le zèle à servir ses frères. Saint Paul nous dit : « Purifiez-vous du vieux levain pour être une pâte nouvelle, puisque vous êtes sans levain. Car le Christ, notre Pâque, a été immolé. Célébrons donc la fête, non pas avec du vieux levain, ni du levain de méchanceté et de perversité, mais avec des pains sans levain, dans la pureté et dans la vérité » (1 Co 5, 7-8).
Pâques nous fait comprendre que c’est le Christ ressuscité qui réalisera le principal du travail en nous. Voilà pourquoi Pâques a un rapport avec la morale. Comme le disait saint Grégoire le Grand : « On ne parvient pas à la foi par les vertus, mais aux vertus par la foi  ». L’envoi de l’Esprit, qui couronne le mystère pascal, intériorisera en nous la loi du Christ.

 

 Ce vers quoi il faut tendre

Par la résurrection de Jésus débutent une humanité nouvelle et un monde nouveau. « Premier-né de toute créature » (Col 1, 15), le Christ, ayant traversé la mort et vaincu le péché, entraîne derrière lui, en un cortège triomphal, toute l’humanité en direction de la Jérusalem céleste, des « cieux nouveaux et la terre nouvelle » (Ap 21,1). La Pâque historique nous fait tourner le regard vers la Pâque éternelle, où nous goûterons le vin nouveau dans le Royaume (Lc 22,16). « Du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en-haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu » (Col 3, 1).
Toutefois, ce souci de la patrie éternelle ne doit pas s’opérer au détriment de nos tâches temporelles et du bien commun. Aux disciples qui fixent l’empyrée après que Jésus s’est élevé au ciel, les anges reprochent de continuer à regarder vers le ciel (Ac 1,11). Un juste équilibre est à trouver entre ciel et terre. Les réalités définitives confèrent d’ailleurs un poids d’éternité aux services du quotidien.

Jean-Michel Castaing,
auteur

 


Actualité publiée le 23 avril 2019