Pourquoi lire les Pères de l’Église aujourd’hui ?

par Jean-Michel Castaing, auteur

Pourquoi lire les Pères de l’Église aujourd’hui ?

Ce mardi 9 juin, nous fêtons saint Éphrem le Syrien, un diacre syrien et un théologien du IVème siècle dans la région de l’Assyrie. Auteur de plusieurs hymnes et poèmes, son nom nous est familier depuis qu’en 1920, l’Église catholique l’a reconnu comme docteur de l’Église. Mais au fait, qui sont ces Pères de l’Église ? Qu’ont-ils apporté à notre religion ?

 

Qui sont-ils ?

On appelle « Pères de l’Église » les écrivains des premiers temps du christianisme qui, à la qualité doctrinale de leurs écrits, joignirent la sainteté de leurs vies. Le moine Vincent de Lérins les définissait ainsi : « Ce sont ceux qui après une vie sainte, un sage enseignement, un constant attachement à la foi et à la communion catholique, ont mérité de mourir fidèlement dans le Christ ou ont eu le bonheur de périr pour lui  ». Tous les Pères de l’Église ne furent pas évêques. Saint Ephrem par exemple (né en Syrie en 306, mort à Edesse, en Turquie actuelle, en 373) fut diacre, son humilité l’empêchant d’accéder au sacerdoce. Mais tous, en Orient et en Occident, se firent les défenseurs zélés et intelligents de la foi de l’Église.

 

Les plus prestigieux

L’âge patristique débute dès le deuxième siècle de notre ère pour se terminer avec Bède le Vénérable et Isodore de Séville en Occident (755), et Jean Damascène en Orient (749). Parmi les plus anciens figurent Ignace d’Antioche, évêque martyr, Justin, laïc et philosophe, Irénée de Lyon, le premier grand théologien chrétien depuis l’évangéliste Jean. Après la paix de Constantin (312) qui clôt la période des persécutions, s’ouvre l’âge d’or des Pères de l’Église. Citons succinctement les plus importants d’entre eux : Athanase d’Alexandrie, champion de la foi de Nicée, exilé à de multiples reprises, Ephrem le Syrien, représentant le plus éminent des Églises de langue syriaque, auteur d’une immense œuvre poétique, les Pères Cappadociens (Basile, Grégoire de Nysse et Grégoire de Nazianze), Jean Chrysostome, Jérôme qui traduisit la Bible en latin. Origène, dont certaines thèses sont hétérodoxes, mais dont le génie continue à nourrir la réflexion théologique, et Tertulien, mort dans le schisme, sont considérés également comme des Pères. En Occident, venant Hilaire de Poitiers (315-367), champion de la foi trinitaire, et Ambroise de Milan, la figure d’Augustin d’Hippone (354-430) domine l’histoire de la pensée, et ce bien au-delà de la théologie.

 

Quatre domaines d’action des Pères

L’action des Pères a été déterminante dans quatre domaines. Premier d’entre eux : l’étude et le commentaire de la Bible. Les Pères connaissaient parfaitement l’Écriture, où ils s’aventuraient comme en un pays familier et hospitalier. Pour eux, il était impensable de faire de la théologie sans s’appuyer sur elle.

Ensuite, les Pères contribuèrent à façonner les professions de foi des conciles œcuméniques : Nicée en 325, Constantinople en 381, Ephèse en 431, Chalcédoine en 451. Ils les défendirent vigoureusement et avec intelligence. À ce titre, ils sont nos « Pères dans la foi ».

Les Pères de l’Église ont aussi posé les structures fondamentales de la liturgie. Même si l’Église pense que certaines formes peuvent évoluer en la matière, il existe en revanche des structures intangibles qui forment la base des traditions liturgiques en Orient et en Occident. Enfin, les Pères rationalisèrent la structuration des ministères ordonnés.

 

Actualité des Pères de l’Église

Dans le renouveau théologique du XXème siècle, le recours aux écrits des Pères de l’Église tient une place essentielle. La redécouverte de leurs œuvres ne sera pas étrangère à la reformulation de la foi lors du concile Vatican II. En France, au siècle dernier, la prestigieuse collection éditoriale « Sources chrétiennes » contribua à diffuser leurs écrits. De nos jours, pour les théologiens, la référence aux Pères de l’Église représente une caution de rigueur (confirmée par la sainteté de leurs vies), ainsi qu’un appel à trouver un consensus ecclésial en matière de doctrine. À cet égard, l’œcuménisme a tout à gagner à recourir à leurs enseignements. Avec eux, nous possédons en effet le témoignage d’une foi antérieure aux déchirements du deuxième millénaire.

Leur amour et leur science de l’Écriture en font des exégètes hors pair. Leur influence ne fut pas négligeable dans le renouveau des études bibliques. Leurs interprétations spirituelles des Écritures restent insurpassables, et continuent d’alimenter notre spiritualité. Enfin, ils constituent des exemples aboutis d’une intelligence de la foi qui réagit aux situations des temps présents. En tant que tels, ils représentent des modèles pour les penseurs chrétiens actuels, soucieux de répondre aux défis de notre époque.

Pour toutes ces raisons, les Pères de l’Église, en plus d’être nos aînés dans la foi, constituent également des tuteurs et des guides pour nous aider à aller de l’avant dans une civilisation qui est en passe de devenir aussi païenne que celles qu’ils connurent en leurs temps.

Jean-Michel Castaing

 


Actualité publiée le 8 juin 2020