3 témoignages de Consacrés

2 février 2018, Journée mondiale de la Vie consacrée

3 témoignages de Consacrés

Ce vendredi 2 février, nous célébrons la Journée de la vie consacrée, choisie par le pape Jean-Paul II pour mettre en lumière la place de la Vie consacrée dans le Peuple de Dieu. Nous vous proposons trois formes de vie, trois portraits de consacrés qui, chacun selon son charisme rayonne de la joie d’imiter Jésus Christ.


L’obéissance ou la grâce de l’avant-dernier mot

« Les jésuites que nous sommes sont parfois interrogés sur le vœu d’obéissance, avec une certaine crainte, car Saint Ignace, fondateur de la Compagnie de Jésus, est connu pour demander à ses membres une obéissance "comme s’ils étaient un cadavre" (Constitutions 547). Et si le vœu d’obéissance, comme les autres vœux de pauvreté et chasteté, était paradoxalement un chemin pour être davantage vivant ?

Issu d’une famille de militaires, l’obéissance ressemblait pour moi, adolescent, à la soumission à un ordre venant d’un gradé (qui pouvait à l’occasion prendre la figure de mon père !), ordre qui ne supportait ni discussion ni délai. Quelle ne fut pas ma surprise au Noviciat d’entendre le Père Maître me demander ce que je désirais faire pour un prochain stage ; je m’attendais à ce qu’il me dise ce que je devais faire. Pour l’une des premières fois, la question de mon désir m’était posée. Question divine par excellence si l’on en croit la Bible : "Demande ce que je dois te donner", dit le Seigneur au jeune Salomon (1R 3,5) ; "Que veux-tu que je fasse pour toi ?" (Mc 10, 51) demande Jésus à l’aveugle Bartimée.

Répondre sérieusement à une telle question peut être difficile. J’ai découvert alors que j’étais invité à dire, à balbutier, ce que je portais en moi, pour ensuite le confier à un autre et recevoir de lui la mission. Vrai travail d’enfantement que celui de tenter d’exprimer le désir que Dieu a pu semer en nous, travail aussi celui d’écouter la réaction de l’autre, positive ou négative, de reprendre la parole, travail risqué enfin celui de lâcher-prise, de s’arrêter avant le dernier mot pour rester ouvert à cet autre (Autre) qui finalement envoie. Naissance d’une parole, d’une relation, d’une confiance : telle fut pour moi cette expérience libératrice de l’obéissance, non sans lien avec ce qui peut se passer à l’intérieur même d’un couple.

Depuis mon entrée dans la Compagnie il y a 29 ans, après la formation, j’ai été ainsi aumônier d’étudiants, puis directeur d’un centre spirituel, puis assistant du Provincial, vivant souvent dans des communautés internationales et découvrant aussi quelques pays comme le Venezuela et le Chili, autant de missions inimaginables au départ, reçues dans l’obéissance. Aujourd’hui, me voilà heureux d’être envoyé dans le Sud-Ouest et à Toulouse, région et ville nouvelles pour moi, pour partager avec leurs habitants le trésor des Exercices spirituels, eux aussi école de parole et de liberté, et pour aider, comme Supérieur de la communauté, les compagnons jésuites à écouter et suivre l’Esprit qui parle en eux. »

Père Arnaud de Rolland,
nouveau Supérieur de la Compagnie de Jésus, à Toulouse

 

 

Quatre "servantes des pauvres", une vie fraternelle

Dans le quartier des Izards de Toulouse, les Filles de la Charité de Saint-Vincent-de-Paul sont au nombre de quatre. Leurs missions sont multiples : sœur Marie-Vincent, la plus âgée, rend visite à des personnes seules et participe à l’alphabétisation de la population étrangère. Sœur Danielle, infirmière, donne des soins à domicile et œuvre au service de l’aumônerie de l’Hôpital de Purpan, tandis que sœur Anne-Marie, elle, passe du temps à accompagner des réfugiés syriens et à soutenir aussi un jeune malien dans l’apprentissage du français. Enfin sœur Solange est davantage investie auprès des gens du voyage, de la catéchèse du quartier, la liturgie, l’écoute des personnes…

Toutes ont le souci des plus démunis « car il n’y a pas d’Église, s’il n’y a pas le souci du plus petit ». « Je vis ma consécration de "servante des pauvres" en accueillant ces étrangers, déclare sœur Anne-Marie. C’est une grâce de se « fatiguer » au service de ses frères les plus démunis, et aussi de les porter dans la prière. Ils ont tant à nous apprendre… Ils nous apportent tant de richesses…  ». Ce que sœur Danielle exprime ainsi : « Ce sont des personnes en situation de vulnérabilité : limites physiques, sociales, intellectuelles, isolement ou perte de capacités en lien avec la maladie, etc... À travers cette fragilité qui peut me déranger intérieurement parfois, peut émerger de manière étonnante ce que la personne porte de plus beau : cette capacité à être en relation, à aimer et se laisser aimer.  »

Pour sœur Solange, la vie communautaire est un soutien pour chacune : « La vie fraternelle est importante et primordiale. C’est une richesse !  » À elles quatre, elles ont quand même 67, 58, 55 et 20 ans de vie consacrée à Dieu ! « Nous renouvelons nos vœux tous les ans, et tous les ans, nous redonnons avec joie notre vie à ce Dieu et Père qui nous a appelées un jour ! » « Quel que soit notre âge, nous avons toujours quelque chose à donner, ne serait-ce qu’un sourire. Il suffit parfois de peu de chose pour permettre à l’autre de se remettre debout. Je rends grâce au Seigneur pour tout ce qu’Il me donne chaque jour !  »
« Entre nous, explique sœur Marie-Vincent, nous essayons de vivre la charité fraternelle par l’entraide, l’écoute, malgré le décalage de l’âge et des points de vue. Mais la prière reste la clef de voûte de notre vie et de notre joie de pouvoir vivre au milieu de personnes si variées, où le Christ est en attente ! » Une vie de prière donc, tout en vivant la pauvreté, la chasteté, l’obéissance, et le service des pauvres. Une façon radicale de vivre l’Évangile.

Les Filles de la Charité de Saint Vincent-de-Paul,
Communauté des Izards, à Toulouse

 


« Jésus au milieu »

« Je suis né et j’ai grandi au milieu des forêts et des montagnes vertigineuses des Dolomites, dans un petit village italien. J’ai le souvenir d’une véritable expérience de « Jésus présent au milieu de nous » (selon l’expression de Mt 18.20) à l’âge de 13 ans, dans un groupe de jeunes en paroisse, qui m’a profondément marqué. Pendant mes études, j’ai cherché un groupe, une association qui répondrait à mon intérêt pour les questions sociales, de justice et de solidarité, et en même temps je voulais y retrouver la qualité de relation que j’avais expérimenté plus jeune dans le petit groupe de la paroisse : Dieu ne pouvait pas être absent de mes engagements. Au lycée, je rencontrais des jeunes du Chemin néo catéchuménal, de Communion et Libération, de l’Action catholique…, je m’intéressais aux spiritualités salésienne et franciscaine... je ressentais une grande tension entre l’engagement social d’un côté, poursuivi par des mouvements laïcs et parfois anticléricaux, et de l’autre la foi, réservée – me semblait-il – au domaine personnel et intime.

Un jour, le vicaire de mon village m’a proposé de participer à une journée organisée par la communauté des Focolari. J’ai constaté qu’au milieu de ces personnes, je ressentais la même présence du divin qui m’avait tant séduit à 13 ans. De retour chez moi, j’écrivais dans mon journal intime : « J’ai trouvé ce que je cherchais depuis longtemps ». Plus tard, entre 18 et 24 ans, j’ai vécu en colocation avec des Gen, les jeunes des Focolari. Je garde des souvenirs forts de cette période d’apprentissage de la vie, d’expérimentation, de construction humaine et spirituelle dans un contexte d’amour réciproque. Pour nous soutenir il y avait une présence discrète d’un prêtre âgé et de nos familles ; je garde un souvenir mémorable des fêtes inter-générations pour Noël, des congrès de formation, des célébrations avec la communauté locale.

De retour dans mon village, je me posais bien des questions sur ma vocation mais sans en faire une fixation. Deux événements m’ont cependant marqué : le lancement du mouvement Jeunes pour un monde uni (JPMU) par les Focolari auquel on m’a demandé de m’investir et pour lequel je m’engageais bien volontiers : cela correspondait à mon exigence d’action civile et sociale. Les Focolari m’apportaient une qualité de relation qui relie l’humain au divin – et c’est ce que je voulais !

J’ai été invité à participer à un congrès international du secrétariat JPMU près de Rome. Après la triste déception liée au constat qu’il y avait de profonds désaccords entre les responsables et de graves incohérences dans l’organisation, j’avais décidé de jeter l’éponge. Mais en chemin, je m’arrêtais devant la grande croix d’une chapelle et je disais à Jésus, présent sur cette croix : « Je reste pour toi. Je reste pour qu’un jour Tu sois de nouveau présent au milieu de nous.  » En prenant cette décision, j’ai ressenti clairement l’appel de Dieu à me consacrer à lui, et le suivre au « focolare ». Rentré chez moi, à la fin de la rencontre, j’ai aussitôt pris un stylo et écrit la lettre pour demander de rejoindre la vie communautaire.
À cette époque, un autre fait a aussi été décisif : lors d’une grave chute en montagne, où j’ai failli mourir, j’ai constaté, après la longue convalescence, que ce triste épisode m’avait donné une liberté intérieure absolue dans la relation à Dieu et aux personnes. Comme si la vie m’offrait une nouvelle chance, j’avais de nouveau le temps de vivre, et de vivre jusqu’au bout.

Fabio Bertagnin,
un laïc engagé au sein de la communauté des Focolari
 

 


Actualité publiée le 15 janvier 2018