Jeudi saint !

Une Semaine sainte confinée (2/5)

Jeudi saint !

L’Esprit Saint nous rejoint chez nous

 

  Il ne nous est pas possible, frères et sœurs, de faire ce soir ce que Jésus a demandé à ses disciples : « Si moi, Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné, afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous » (Jn 13, 14-15). Nous ne pouvons pas le faire en raison des gestes-barrières que l’on nous demande d’observer en raison de la pandémie qui continue de sévir chez nous et dans le monde entier. Ce mot de geste-barrière est terrible : la fraternité, l’amitié et l’amour nous invitent à des gestes délicats de proximité et de tendresse ; en ce moment, nous devons y renoncer et nous sommes invités à garder nos distances, à mettre des barrières, à mettre des masques et des gants.

  Que les familles cependant, confinées dans leur foyer, n’hésitent pas, elles, à vivre avec les précautions d’usage, ce geste humain et divin de Jésus ! Il apporte toujours un surcroît d’humanité et développe un esprit de service au sein de l’église domestique. Nous savons aussi que ces gestes de proximité respectueuse sont posés délicatement et courageusement par tous les soignants qui sont au premier rang sur le front de cette guerre qui est engagée contre le coronavirus. Nous les saluons ; ce sera bientôt l’heure de les applaudir ; notre cœur y est déjà !

  Ni moi ni les prêtres ne pouvons, avec les diacres, vivre ce rite parlant du lavement des pieds ; par contre, on nous engage à nous laver les mains le plus souvent possible : même le savon est apparu dans le rite du lavabo ! Le rite de l’eau est pratiqué dans toutes les religions en signe de la purification dont nous avons toujours besoin : c’est le sens précisément du lavabo à la messe. Il est impressionnant de constater ces temps-ci combien notre planète se purifie en raison d’un confinement qui devient mondial : des photos de satellites montrent que des agglomérations très polluées voient leur ciel se dégager ; l’air devient partout plus respirable.

  Quelle rude et rapide leçon nous est là donnée ! En quelques semaines, le monde s’est arrêté, ce qui pose et posera de graves questions économiques. Nous ne pouvons plus vivre comme nous le faisons depuis plusieurs décennies, gaspillant les ressources de la planète et polluant l’environnement, avec les conséquences que nous constatons de saison en saison. « Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous », dit Jésus à ses Apôtres. Nous avons tous besoin de nous purifier, de nous laver, de recourir au sacrement de la réconciliation, même s’il n’est pas facile en ces jours de le recevoir. Il nous faudra manifester un ferme propos de ne pas reprendre nos habitudes de facilité, d’irrespect, d’injustice par rapport à la nature, comme par rapport aux autres. On n’enfreint pas les lois de Dieu et de la nature impunément ! L’eau qui nous lave et nous désaltère devient un élément de plus en plus vital, en raison de la pollution qui la dénature. L’eau vive dont parlait Jésus à la Samaritaine est un symbole de l’Esprit Saint, versé abondamment dans nos cœurs (Rm 5, 5) et qui nous purifie.

  Les sacrements et les signes liturgiques, non seulement nous purifient et nous éclairent, mais ils sont faits pour nourrir nos corps et nos âmes, pour nous hydrater et nous vivifier. Nous avons conscience de la faim et de la soif qu’ont les fidèles, en ces jours de diète, de la communion au Corps et au Sang de Jésus. Cette messe du Jeudi saint, fête du sacerdoce et de l’Eucharistie fait ressentir à tous combien la messe et la communion sont vitales pour les chrétiens. Ce matin, j’écrivais aux prêtres du diocèse ceci : « Nous sommes privilégiés, puisque nous célébrons l’Eucharistie tous les jours. Nous sentons grandir le désir de notre peuple, comme, dans le désert, les Hébreux suivaient Moïse du regard quand il allait rejoindre Dieu dans la tente de la Rencontre, pour lui parler face à face, comme un ami converse avec son ami  ». Rappelons-nous que « Dieu n’est pas lié aux sacrements », c’est-à-dire que sa grâce nous atteint autrement quand ses canaux habituels sont empêchés. L’Esprit Saint, fruit dernier de tous les sacrements, va vous faire sentir, frères et sœurs qui êtes chez vous, combien il peut vous être présent et poursuivre en chacun de nous son œuvre d’aimante unité.

  Après cette grande retraite universelle, nous devrons nous aussi garder les enseignements du confinement et goûter de manière renouvelée l’immense grâce que le Seigneur nous fait en son Église d’offrir et de recevoir le Corps et le Sang de son Fils. C’est lui-même qui nous les a confiés pour vous : « Ceci est mon Corps livré pour vous. Ceci est mon Sang versé pour vous. Vous ferez cela en mémoire de moi.  »

 

Jeudi saint
en la cathédrale Saint-Étienne
de Toulouse
le 9 avril 2020