« Droit de mourir dans la dignité » : ambiguïté et fausseté d’une expression

par Jean-Michel Castaing

« Droit de mourir dans la dignité » : ambiguïté et fausseté d’une expression

Les chrétiens vont devoir de nouveau monter au créneau pour redire leurs raisons de s’opposer à l’euthanasie.

 

Retour à la charge des militants de l’euthanasie

Le débat sur l’euthanasie est de nouveau inscrit à l’agenda parlementaire. La proposition de loi d’Olivier Falorni (Libertés et Territoires) pour « donner le droit à une fin de vie libre et choisie » sera débattue le 8 avril à l’Assemblée nationale. Malgré les réserves du gouvernement sur l’opportunité de discuter de ce sujet sociétal très sensible en peine crise sanitaire, l’issue du débat pourrait créer la surprise. Ce texte a en effet reçu des soutiens de poids, notamment des militants des associations comme celle pour « le droit de mourir dans la dignité », présidée par Jean-Luc Romero.

 

Les religions sont opposées à l’euthanasie

Les trois religions monothéistes sont opposées à l’euthanasie. Elles estiment que la vie mérite d’être soutenue jusqu’à sa fin naturelle. En ce qui concerne le catholicisme, celui-ci engage les responsables à soutenir les lois protégeant le droit des patients en phase terminale. La pastorale de la santé est très impliquée dans la promotion des soins palliatifs à travers une formation adéquate et la mise en œuvre de ressources pour le traitement de la souffrance et de la mort, sans aller bien sûr jusqu’à l’acharnement thérapeutique.

 

Il n’existe pas d’homme indigne

Cependant, les partisans de l’euthanasie ne désarment pas. Quel est leur argument principal ? Il est contenu dans la dénomination de l’association de J.-L. Romero : le droit de mourir dans la dignité. Selon leur point de vue, il existerait des situations qui nous dégraderaient à un point tel qu’elles nous priveraient de notre dignité. Certes, il n’est pas question de nier la grande souffrance véhiculée par certaines situations de dépendance ou d’état semi-végétatif. Cependant, l’expression recèle une ambiguïté rédhibitoire : celle de laisser croire que l’homme pourrait perdre sa dignité. Or, il n’en est rien. De par son être même, l’homme ne peut jamais déchoir de sa dignité. Par le simple fait qu’il est un homme, celle-ci est inaliénable. Pour les chrétiens, cette conviction est renforcée par le fait que l’homme, non seulement a été créé par Dieu, mais qu’il l’a été « à son image et ressemblance », et, de surcroît, qu’il est appelé à devenir fils de Dieu par adoption en Jésus-Christ.

 

La porte ouverte à l’arbitraire

Ainsi, cette dignité ontologique (qui touche l’être) interdit à quiconque de déclarer à propos d’un homme en fin de vie qu’il n’est plus digne de vivre, ou que sa situation a entamé à tel point sa dignité qu’il est préférable pour lui de mourir. Un tel jugement n’est pas recevable en vertu du statut qui est celui de tout être humain. Voilà pourquoi la foi chrétienne ne reconnaît pas le bien-fondé du droit « de mourir dans la dignité » dans lequel elle perçoit au contraire une dangereuse transgression. D’autant plus que si un tel droit était reconnu, qui s’arrogerait celui de juger de son application à telle personne en particulier ? Ne serait-ce pas la voie ouverte à l’arbitraire ? Qui se poserait en « arbitre des élégances » en matière de vie et de mort (pardonnez le rapprochement entre l’expression et la gravité du sujet) ?

 

Le sujet de l’euthanasie n’est pas une question de spécialistes

Je terminerai par une confidence. J’ai hésité à écrire ce texte qui m’avait été demandé. J’estimais que je n’étais pas le mieux placé pour traiter le sujet. Je pensais à toutes les personnes qui travaillent dans les services de soins palliatifs, ou bien aux médecins qui sont confrontés à la situation. Mais je me suis ravisé. Qu’est-ce qui a motivé mon revirement ? Tout simplement la conviction qu’il n’existe pas de « spécialistes » dans ce domaine, et qu’il serait dangereux de laisser aux seuls personnels soignants la légitimité de se prononcer sur le sujet. L’euthanasie regarde la conscience de chacun. Pas plus que la signification de la vie en général ou l’existence de Dieu, l’euthanasie n’est en dernier ressort une affaire de « spécialistes ». On abdiquerait son humanité et sa liberté à le penser. La vie et la mort ne doivent jamais être soumises à la seule expertise des « techniciens ».

 

Jean-Michel Castaing