Fête de Saint Saturnin : homélie de Mgr de Kerimel

Saint Saturnin a porté l’Évangile de Jésus-Christ à Toulouse et, à la suite des apôtres et des premiers évangélisateurs, il a offert sa vie en sacrifice. Par son sang, il a fertilisé la terre toulousaine qui a donné à l’Église de nombreux enfants, dont des saints. Saint Saturnin, cet homme sans moyens, sans pouvoir, mais habité par l’Esprit Saint, a fait trembler les autorités religieuses de la ville qui ont décidé de l’éliminer pour ne pas perdre leur pouvoir.

Quelle force, quelle puissance, ont permis au christianisme de s’étendre ? Qu’est-ce qui a fait trembler les païens ?

Les disciples de Jésus n’ont pas converti les foules par les armes, ni par des menaces, ni par des techniques de communication, ni par la magie, ni par une certaine emprise, mais par leur foi. Ils ne sont pas venus en conquérants, en dominateurs, ou en représentants de commerces particulièrement doués. Ils sont venus comme des pauvres, les mains vides, riches de la vérité et de l’amour qui viennent de Dieu. Ils sont venus, porteurs d’une Parole qui ne venait pas d’eux, une Parole qui ne leur appartenait pas, une Parole qui les avait transformés, une Parole qui les avait libérés du péché et de la peur de la mort. Leur vie simple et donnée confirmait la Parole qu’ils annonçaient, car ils vivaient dans la lumière de la vérité et dans l’ardeur de la charité ; de plus, comme nous l’avons entendu dans l’Évangile : « Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient  ».

Ces premiers chrétiens ne s’annonçaient pas eux-mêmes ; ils étaient au service du Christ, envoyés par Lui pour faire connaître à tous la Bonne Nouvelle du salut. Ils n’étaient pas au service d’une idéologie, ni même d’une religion désireuse d’augmenter le nombre de ses fidèles, mais au service de ceux auxquels ils étaient envoyés. Car annoncer l’Évangile est un acte de charité ; l’Évangile est une lumière, une libération et une force nouvelle pour ceux qui Le reçoivent.

Ainsi, dans la ville païenne de Toulouse, la Parole divine, portée par Saint Saturnin, pauvre et humble de cœur, a fait œuvre de libération en commençant par faire taire les élucubrations mensongères des idoles. Les païens s’inquiètent du silence de leurs idoles et trouvent en Saint Saturnin la cause de leur mutisme. Alors qu’on s’empare de lui et qu’on veut le contraindre à sacrifier aux idoles, Saint Saturnin ne cède pas aux menaces ; au contraire, il a témoigné, par son martyre, de la victoire du Christ. En effet, la mise à mort de celui qui porte la Parole de vie, témoigne de la puissance de cette Parole, tellement redoutée par les faux dieux et leurs adeptes. La Parole de Dieu, créatrice et vivifiante, est éternelle, elle ne passera jamais. La mort ne peut pas vaincre la vérité ni la charité, elle ne peut pas vaincre la lumière et l’amour qui viennent de Dieu.

Depuis plus de 1750 ans, la Parole de Dieu a traversé les siècles pour parvenir jusqu’à nous. Elle a connu, au long des âges, de très nombreuses oppositions, elle a affronté de nombreux obstacles, mais elle continue son œuvre aujourd’hui, parce que ceux qui nous ont précédés dans la foi l’ont accueillie et transmise fidèlement. À nous de prendre le relais. Le Christ compte sur nous aujourd’hui pour accueillir sa Parole et nous laisser transformer par Elle en nous mettant à son école, afin d’en témoigner par nos vies transformées et par nos paroles. L’Église, en effet, gardienne et interprète authentique de la Parole de Dieu, n’est pas la conservatrice d’un trésor historique. Elle est une communauté de disciples missionnaires qui se laisse saisir par la Parole de Dieu et qui, dans une foi vivante, la porte à tous.

Depuis maintenant des décennies, nous avons redécouvert l’importance de la mission et de l’évangélisation. De nombreuses initiatives ont été mises en œuvre pour toucher les gens de la rue, les touristes, les milieux professionnels, les gens de nos quartiers…, alors que la culture contemporaine devient de plus en plus sourde à la Parole de Dieu, se satisfaisant de fables ou de mensonges.

L’évangélisation ne se réduit pas à des techniques ; elle ne consiste pas dans la mise en œuvre de « recettes ». Elle commence par la propre conversion des missionnaires, pour vivre dans un esprit de foi ; elle passe par le renoncement à leur volonté propre pour entrer dans la volonté de Dieu. En effet, les missionnaires agissent au nom du Christ et non pas en leur nom propre. Ils ne s’appartiennent plus, ils sont du Christ ; « ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi » écrivait St Paul aux Galates.

Les envoyés du Christ ne cherchent pas le succès, ils n’ont pas l’obsession du chiffre, ils cherchent à annoncer l’Évangile aux pauvres, à ceux qui sont en attente d’un salut, à ceux qui cherchent le sens de leur vie, à ceux qui veulent sortir des diverses formes d’esclavage dans lesquelles ils sont enfermés. Les missionnaires annoncent l’Évangile dans son éternelle nouveauté, dans sa force et sa radicalité, au risque de déplaire : souvenons-nous du dialogue de Jésus avec l’homme riche qui s’en va tout triste, car il n’arrive pas à mettre en œuvre ce que Jésus lui propose. L’Évangile dérange ; il interpelle la liberté de celui à qui il est annoncé, mais il la respecte.

L’évangélisation est un acte d’amour gratuit, un don désintéressé. Le missionnaire transmet la Parole de Dieu, sans jamais s’interposer entre la personne touchée et le Christ. Il s’efface au contraire pour la confier à l’Église, la grande famille des enfants de Dieu, pour qu’elle soit initiée à la foi chrétienne et devienne un membre actif du Corps du Christ.

Que Saint Saturnin intercède pour l’Église de Toulouse et donne à chacun de ses membres d’être renouvelé dans une foi vivante et missionnaire !

 

+ Guy de Kerimel
 Archevêque de Toulouse

 


Actualité publiée le 2 décembre 2024