Homélie de Mgr de Kerimel pour les vigiles de Pentecôte à la Basilique Saint-Sernin (2024)

La Parole de Dieu que nous avons entendue nous éclaire sur le salut que Dieu a déployé à travers les siècles, et sur l’action de l’Esprit Saint dans ce dessein bienveillant de Dieu. Chaque lecture nous découvre un aspect de l’œuvre de l’Esprit Saint.

La première lecture présente la fête de la Pentecôte comme l’anti-Babel : à Babel l’humanité est rassemblée par l’orgueil et la volonté de toute-puissance ; Dieu met fin à cette unité mensongère, à cette uniformité déshumanisante. Lors de la fête de la Pentecôte, la communion dans l’Esprit Saint ne supprime pas la diversité, mais dans la multiplicité des langues, les gens entendent et comprennent, car les disciples de Jésus parlent le langage du cœur. Ce langage du cœur est universel ! Une langue unique au service de la toute-puissance ne peut créer la communion des cœurs. L’orgueil et la volonté de toute-puissance conduisent à l’isolement, comme on peut le constater aujourd’hui encore : l’égocentrisme, l’individualisme, ne s’unissent que pour s’élever jusqu’au ciel, et finissent plus bas que terre. L’Esprit Saint établit une vraie communion entre les cœurs humbles, sans supprimer la spécificité de chacun et sa langue propre.

La deuxième lecture révèle le don de la Loi dans la première Alliance. La fête juive de la Pentecôte faisait en effet mémoire du don de la Loi au Sinaï. Dieu se manifesta alors dans la nuée, la fumée, le feu, le tremblement de terre. Dans l’Alliance Nouvelle et Eternelle, l’Esprit Saint, évoqué par la nuée et le feu, est la Loi nouvelle, inscrite non sur des tables de pierres mais dans les cœurs de ceux qui Le reçoivent. Cette Loi, c’est la Loi de charité, la Loi d’amour qui est la Loi du monde nouveau inauguré par Jésus ressuscité. Elle vient non pas abolir mais accomplir la Loi donnée au Sinaï.

Dans la troisième lecture l’Esprit Saint est le Souffle qui fait revivre les ossements desséchés. C’est Lui qui, lors de la Résurrection du Christ, a transformé son corps et l’a rendu incorruptible ; c’est Lui qui transformera nos corps à la résurrection finale. L’Esprit est la vie, le Souffle de vie, qui donne à ceux qui le reçoivent le goût de la vie. Dans les tentations contre l’Espérance, Il nous ouvre un avenir. Il nous apprend à vivre de la vie divine, dès maintenant sur la terre. A la Pentecôte, Il a insufflé dans les disciples de Jésus, la vie nouvelle, la vie éternelle, pour les rendre participants de la nature divine.

La quatrième lecture évoque l’effusion de l’Esprit de Dieu sur tous les membres du Peuple de Dieu, jeunes et vieux, y compris les serviteurs. C’est l’Esprit de prophétie qui éclaire, qui fait voir l’œuvre de Dieu pour le présent et l’avenir : Jésus fait écho à cette prophétie de Joël quand Il annonce la venue prochaine de l’Esprit Saint : « ce qui va venir, Il vous le fera connaître  ». L’Esprit de prophétie témoigne et fait des disciples de Jésus des prophètes. À la Pentecôte, l’Esprit éclaire les apôtres et leur donne de prendre la parole pour témoigner de la résurrection du Christ.

La cinquième lecture nous dit que l’Esprit Saint, envoyé par Jésus d’auprès du Père, travaille la création et les cœurs humains ; dans les douleurs de l’enfantement au monde nouveau, l’Esprit Saint gémit en nous ; Il vient au secours de notre faiblesse ; Il prie en nous et nous fait désirer l’avènement définitif du monde nouveau. Comme le disent les derniers mots de la Bible, «  l’Esprit et l’Epouse disent « viens » … amen, viens, Seigneur Jésus ! ».

La fête de la Pentecôte est donc le début du monde nouveau, de la création nouvelle. Les disciples de Jésus sont témoins des signes du monde nouveau, fruit de la mort et de la résurrection de Jésus et du don de l’Esprit Saint. Ceux qui croient au Christ et accueillent l’Esprit Saint passent de la fusion à la communion, du joug de la Loi au feu de la charité, de la mort à la vie nouvelle, des ténèbres de l’ignorance à la lumière intérieure et au témoignage, d’un monde sans avenir à l’attente de l’avènement définitif du monde nouveau.

Cette œuvre de l’Esprit Saint correspond bien à ce que nous sommes en train de vivre. Je le lis dans les lettres des catéchumènes, des confirmands, je l’entends dans les témoignages, je le vois dans les communautés chrétiennes de notre diocèse. L’Esprit Saint agit avec puissance, mais ce travail se réalise dans les épreuves, comme dans les douleurs d’un enfantement. En cette vigile de Pentecôte, demandons avec foi à l’Esprit Saint de poursuivre son œuvre en nous, dans l’Eglise et dans le monde. Demandons-Lui de réveiller notre soif d’un monde meilleur, de la création nouvelle, de la Jérusalem céleste où le mal et la mort auront disparu. « Si quelqu’un a soif…  », dit Jésus à la foule dans le Temple. Répondons-Lui : « oui, nous, nous avons soif de la vraie vie, nous avons soif de fraternité, nous avons soif d’être aimés et d’aimer, nous avons soif de vrai bonheur, soif de ces fleuves d’eau vive que tu nous promets, soif de l’Esprit Saint, sans Lequel nos cœurs sont secs, arides, durs, rétrécis.

Au cœur d’un monde inquiet et sans but, témoignons de la joie de l’Esprit Saint, témoignons de la vraie Source du bonheur, témoignons de la victoire de l’amour, témoignons du fruit de l’Esprit Saint en nos vies : « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi ».

 

 

 + Guy de Kerimel
 Archevêque de Toulouse

 


Actualité publiée le 21 mai 2024