Homélie de Monseigneur Robert Le Gall

Messe d’Action de Grâce, dimanche 9 janvier 2022

Homélie de Monseigneur Robert Le Gall

FÊTE DU BAPTÊME DU SEIGNEUR
20 ANS D’ÉPISCOPAT
CÉLÉBRATION D’ADIEU
EN LA CATHÉDRALE SAINT-ÉTIENNE DE TOULOUSE
LE DIMANCHE 9 JANVIER 2022

 

« Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu » (Is 40, 1). Voici la boucle bouclée, car nous avons entendu cette parole d’espérance dans le prophète Isaïe dès le premier jour de l’Avent : elle donne le ton au Messie de Haendel, qui, comme Bach, fait chanter les Écritures. Tout le cycle de la Nativité du Seigneur est un temps de consolation, particulièrement apprécié dans ces temps difficiles que nous traversons. Nous savons que le Consolateur, c’est l’Esprit Saint, l’Avocat, le Paraclet, le tout proche. Dans l’hymne du Veni, Creator il est chanté comme Consolator optime, « le meilleur Consolateur ».
J’ai été marqué dans mon enfance par la façon dont une grande tante, moniale d’un ordre contemplatif très austère, les sœurs Passionistes,
nous parlait du Saint-Esprit : « On ne prie pas assez l’Esprit Saint », redisait-elle, « il faut l’invoquer souvent ! »

La fête du Baptême du Seigneur, c’est la Pentecôte du cycle de Noël. Nous venons de l’entendre en saint Luc : « Après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit. L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus » (3, 21). Jean Baptiste avait annoncé : « Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu » (3, 16).
Je voudrais terminer mon service de pasteur en ce beau et grand diocèse par une exhortation à vivre les uns et les autres « dans l’unité du Saint-Esprit », comme nous le disons maintenant dans la formule qui conclut les oraisons. Dans l’unité entre nous, mais plus profondément, dans cette unité personnelle qu’est et que procure la Personne même du Saint-Esprit, lui le nexus, le lien d’amour éternel entre le Père et le Fils, lui qui est capable d’unifier nos vies.

C’est lui, le Souffle de vie, qui volète sur les eaux dans les premières lignes de la Genèse, à la première page de la Bible : « L’Esprit de Dieu planait sur les eaux » (1, 2).
Juste après ces mots, nous lisons : « Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne » (3-4). Dieu dit, Dieu fit, Dieu vit  : c’est ainsi que s’ouvrent les saintes Écritures, pour que, sous l’influence de l’Esprit, nous puissions toujours voir, dire et faire le bien.
Il est si facile, mais si nocif, de voir le mal, dire du mal et faire le mal. Soyons les uns pour les autres, les uns avec les autres, des hommes et des femmes de bien, heureux de discerner et de propager largement le bien, le bon et le beau, ce que je vois se faire dans nos communautés, notamment dans les réalités dynamiques de nos fraternités missionnaires, du séminaire, du catéchuménat et de la diaconie.

Le Messie, Jésus, cet enfant qui est Seigneur et Sauveur, cet Emmanuel qui nous apprend à discerner le bien et le mal, est l’Agneau montré par le Baptiste, mais il est aussi le Pasteur, qui connaît ses brebis et que les brebis connaissent.
Le dernier Lundi saint, j’ai partagé avec les prêtres et les diacres du diocèse ce que m’avait apporté la lecture d’un livre rapportant l’expérience des bergers ; intitulé Composer avec les moutons, où l’auteur montre que les pasteurs apprennent des brebis : il faut « susciter de la confiance, créer de la cohérence, et en même temps se laisser guider par ce que savent, malgré tout, les brebis, même les plus inexpérimentées. Ce qui implique curiosité, patience, inter connaissance, anticipations, essais et erreurs ».
Comme Père Abbé, j’ai appris des moines ; comme Évêque, j’ai été formé par vous, tant dans les difficultés ou les tensions parfois, que dans les moments de grâce et de vraie communion joyeuse. Tout cela nous a fait mûrir et grandir.

Je me suis attaché à la Lozère, après un peu plus de quatre années à Mende ; Je me sens lié à ce beau et grand diocèse de Toulouse, en cette ville où mes parents sont décédés chez les Petites Sœurs des Pauvres,
où la Maman de Monseigneur de Kérimel s’est éteinte elle aussi aux Minimes.
Toulouse, vivante et parfois violente, pleine de jeunes et d’allant, où nous avons vécu ensemble des moments forts ou douloureux, mais où nous avons tissé des liens entre nos religions, dans les défis de l’interculturalité.
Merci aux élus avec qui tout cela s’est révélé possible et prometteur.

Voici quelques mois, aux Galeries Lafayette, où j’allais acheter des Stan Smith (né en1946), pour renouveler ceux qui m’avaient été offerts par des jeunes pros, au moment de régler, je n’avais pas ma carte de fidélité et la caissière m’a demandé mon numéro de téléphone : en voyant le nom et le prénom qui s’affichaient, elle me dit : « C’est vous pour qui on prie tous les jours à la messe ! » Oui, depuis 15 ans : j’avoue avoir été ému par ces paroles, qui me restent au cœur.
Merci pour votre soutien à tous dans la prière, en cette charge belle et lourde, dans le poids des dossiers manifestant de graves incohérences de vie et dans les aléas de la pandémie, qui compliquent la mission de tous les responsables.
L’évêque lui aussi prie pour vous, prie pour la ville, le diocèse et la Province, ce que je continuerai de faire, surtout pour tous ceux que j’ai ordonnés : évêques, prêtres et diacres, pour les très nombreuses personnes que j’ai confirmées.

De jeunes confirmands ce dernier printemps m’ont posé la question : « Qu’est-ce qui fait votre joie dans votre charge d’évêque ? » Ils m’avaient d’abord demandé : « Quelle est votre place dans le projet de Dieu ? » J’avais répondu que je la découvrais peu à peu, ce qui est encore le cas aujourd’hui. Pour dire ce qui fait ma joie d’évêque, j’ai répondu sans hésiter : les relations !
D’abord la relation avec Dieu dans la prière, en visant une prière continuelle, comme saint Paul nous y engage souvent ; ensuite les rencontres avec les communautés et les personnes, avec les hauts et les bas, les plus et les moins de notre vie fragile.
Cette célébration est un grand moment, où nous vivons pleinement ce qui signifient les mots de religion (relier), de communion, de communauté.
Sur la porte de la sacristie de l’église Saint-Exupère, on peut lire cette inscription : Exuperius, amator civitatis, pro affectu Pater appellabatur, ce qui veut dire : « Exupère, lui qui aimait sa ville, on l’appelait Père avec affection ».


J’ai essayé de vivre ma charge dans cet esprit, me souvenant de la parole que m’avait dite le Cardinal Jean Margéot deux semaines avant mon installation ici : « Aime les gens, aime tes prêtres, laisse-toi aimer par eux ! » Il restera, dans le temps qui s’ouvre pour le diocèse avec son nouveau Pasteur, dans le temps qui va s’ouvrir pour moi, à « caresser le ciel », suivant le thème de cette exposition de photos sur les quais de la Garonne les mois derniers, où des jeunes sautaient joyeusement dans la lumière : caresser le ciel d’où vient la Colombe, pour diffuser le désir de la vie éternelle, ce qui est encore une façon de caresser les brebis.

Amen.

 


Actualité publiée le 14 janvier 2022