Homélie de la messe de rentrée de la paroisse étudiante

Monseigneur Le Gall, archevêque de Toulouse

Homélie de la messe de rentrée de la paroisse étudiante

EN LA CATHÉDRALE SAINT-ÉTIENNE DE TOULOUSE
LE MARDI 8 OCTOBRE 2019

 

Il a fallu du temps à Jonas pour qu’il consente à sa mission d’aller annoncer à Ninive, « la grande ville païenne » qu’elle allait à sa perte si elle ne se détournait pas « de sa conduite mauvaise et de ses actes de violence ». Ne vivons-nous pas, dans notre société d’aujourd’hui, dans une situation similaire ? Les bouleversements climatiques, éthiques et moraux, les graves affrontements politiques dont nous sommes les témoins, souvent impuissants, nous font craindre, à plus ou moins brève échéance, des périls à grande échelle. Nous sommes à Toulouse : même s’il ne faut pas tout à fait trois jours pour traverser notre agglomération, nous savons que nous avons beaucoup à faire pour évangéliser notre grande cité. Je me réjouis de la belle Pastorale des étudiants, mise en place depuis plus de dix ans, mais nous savons que la population étudiante de cette ville est de l’ordre de 120 000, alors que notre Pastorale ne touche plus ou moins que 2000 jeunes. Nous avons donc de quoi faire, et nous sommes ici dans cette cathédrale pour nourrir notre zèle apostolique et fortifier notre engagement à connaître et à faire connaître Jésus, le Christ, lui qui nous apprend ce que c’est que d’être aimé jusqu’au bout et d’aimer en retour pleinement.

Où en sommes-nous de notre foi et de notre conversion personnelle ? « Les gens de Ninive crurent en Dieu » et se détournèrent de leur conduite mauvaise. Sommes-nous tournés vers le Christ ? Est-il notre Vie ? Comment vérifions-nous dans notre vie concrète que nous nous détournons de nos idoles foisonnantes, de nos addictions qui nous emprisonnent et nous empoisonnent ? La découverte de Jésus vivant dans notre vie nous donne la force et la joie de sortir de ces voies sans issue, pour avancer en église vers le Salut qui est Jésus : c’est son nom !

Un bon nombre d’entre vous étaient au Congrès Mission à Paris voici dix jours. Un jeune foyer qui y participait disait qu’il était venu « prendre le feu ». Prendre le feu au foyer, pour le répandre. Laisser le Souffle de l’Esprit raviver les cendres et faire jaillir à nouveau la flamme, pour que se poursuive l’incandescence, celle dont saint Jean de la Croix a si bien parlé dans son cantique La vive flamme de l’amour. Il s’agit bien de faire « revivre » le feu, de lui assurer une vie nouvelle : raviver la vive flamme.

Il se trouve que le pape François, dimanche dernier, reprenant la lecture de la deuxième lettre de saint Paul à Timothée, nous invite à raviver le don que chacun de nous a reçu à diverses étapes de sa vie :

« Pour que nous soyons fidèles à cet appel que nous avons reçu, à notre mission, saint Paul nous rappelle que le don doit être ravivé. Le verbe qu’il utilise est intéressant : dans le texte original, raviver, littéralement, c’est "donner vie à un feu" [anazopurein]. Le don que nous avons reçu est un feu, c’est un amour brûlant envers Dieu et envers nos frères. Le feu ne s’entretient pas tout seul, il meurt s’il n’est pas maintenu en vie, il s’éteint s’il est recouvert de cendre. Si tout reste immobile, si ce qui rythme nos jours, c’est le "on a toujours fait comme ça", le don disparaît, suffoqué par les cendres des craintes et par la préoccupation de défendre le statu quo. Mais « en aucune façon, l’Église ne peut se limiter à une pastorale de l’"entretien" en faveur de ceux qui connaissent déjà l’Évangile du Christ. L’élan missionnaire est un signe clair de la maturité d’une communauté ecclésiale » (Benoît XVI, Exhort. ap. Post-syn. Verbum Domini, n. 95). En effet, l’Église est toujours en route, toujours en sortie, jamais enfermée sur elle-même. Jésus n’est pas venu apporter la brise du soir, mais un feu sur la terre. »

« Le feu qui ravive le don, c’est l’Esprit Saint, qui donne la vie. C’est pourquoi saint Paul poursuit : « Garde le dépôt de la foi dans toute sa beauté, avec l’aide de l’Esprit Saint qui habite en nous  » (2 Tm 1, 14). (...) Alors, raviver le don dans le feu de l’Esprit, c’est le contraire du fait de laisser les choses aller sans agir. Et être fidèle à la nouveauté de l’Esprit, c’est une grâce que nous devons demander dans la prière. Lui, qui fait toutes choses nouvelles, qu’il nous donne sa prudence audacieuse ; qu’il inspire notre Synode pour qu’il renouvelle les chemins pour l’Église en Amazonie, afin que ne s’éteigne pas le feu de la mission. »

Qu’il inspire la Paroisse étudiante, son nouveau Curé et ses nombreux collaborateurs pour que le feu de l’Esprit Saint se propage, comme les étincelles à travers le chaume, selon la belle image du livre de la Sagesse (3, 7). N’oublions pas non plus que le nom de Jonas, en hébreu, signifie la « colombe », liée, nous le savons, à l’Esprit Saint.

« Le feu de Dieu, comme dans l’épisode du buisson ardent, brûle mais ne se consume pas (cf. Ex 3, 2). C’est un feu d’amour qui éclaire, réchauffe et donne vie, ce n’est pas un feu qui embrase et dévore. (...) Le feu allumé par des intérêts qui détruisent, comme celui qui a récemment dévasté l’Amazonie, n’est pas celui de l’Évangile. Le feu de Dieu est une chaleur qui attire et rassemble dans l’unité. Il se nourrit de partage, non de profits. Le feu dévastateur, au contraire, embrase quand on ne veut défendre que des idées personnelles, constituer son propre groupe, brûler les diversités pour uniformiser tous et tout. »

Une des grandes richesses de la Pastorale étudiante, c’est sa diversité, ce sont les nombreuses initiatives qui viennent des jeunes eux-mêmes, que les responsables ont à unifier, à coordonner, pour qu’elles donnent plus de fruit. « Qu’ils soient un pour que le monde croie  » : c’est la prière de Jésus avant sa Passion (Jn 17, 21), c’est notre orientation de fond pour notre diocèse.

La prière, le silence, la contemplation sont nécessaires pour la fécondité de toutes nos initiatives, en amont et en aval. C’est le passage évangélique que nous entendons ce soir, le texte reçu aujourd’hui dans l’Église universelle. Il nous faut tous les jours nous asseoir aux pieds du Seigneur, pour écouter, méditer sa Parole et la laisser descendre dans notre cœur. C’est un préalable et c’est aussi le terme de toute action apostolique.

Oui, gardons le dépôt de la foi dans toute sa beauté, à condition que nous prenions du temps pour le contempler, pour l’admirer et le laisser nous transformer. Contemplons le feu qui chante et danse ; entrons ainsi en « ignition », pour « prendre le feu », le transmettre, devenir non des allumeurs de réverbères, mais des sentinelles de l’aurore.

Amen.

 

 


Actualité publiée le 10 octobre 2019