Le Christ passe avant la conservation de l’Église

par Jean-Michel Castaing, auteur

Le Christ passe avant la conservation de l’Église

La crise des abus sexuels dans l’Église de France aura été l’occasion de mieux définir la mission ainsi que l’être de l’Église. 

 

Les mots très forts de Mgr de Moulins-Beaufort

Dans un entretien au Figaro lundi 8 novembre, au moment de dévoiler les mesures prises par l’Église de France contre les abus sexuels, Mgr Eric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques, a eu des mots très forts au sujet des rapports de l’Église avec le Christ : « Ce qui compte pour nous, c’est d’être des disciples du Christ, ce n’est pas d’être des gardiens de l’Église », « Ce que nous voulons vivre, c’est la vraie Église du Christ qui ne peut être une institution qui se protège », ou bien encore : « Nous avons réalisé qu’en ne mettant pas au cœur de nos préoccupations la personne victime, nous passions à côté du Christ  ».
Lire ici le discours de clôture de l’Assemblée plénière du 8 novembre 2021 dans son intégralité.

 

Une Église qui manifeste le Christ

Ainsi, la crise terrible que traverse l’Église de France aura été l’occasion de rappeler certains vérités élémentaires : l’institution ecclésiale est au service du Christ et des hommes qui désirent le rencontrer et consolider leur amitié avec lui, non au service de sa propre conservation. Mgr de Moulins-Beaufort le dit très bien dans ce même entretien : « Mon seul objectif est de restaurer la possibilité pour les gens de rencontrer le Christ... L’Église, en tant que telle, n’est pas mon souci  ». Comprenons bien ce propos : il n’est pas question de crier haro sur le baudet-Église, ni de considérer l’Église comme une réalité facultative pour rencontrer le Christ. Il s’agit seulement de concevoir l’Église comme le sacrement du Christ. Or, un sacrement n’a pas sa fin en lui-même, mais dans la réalité transcendante qu’il signifie et manifeste, qu’il rend présent : le Christ. Le président de la Conférence des évêques nous rappelle que chaque fois que l’Église a fait passer sa préservation avant le souci des pauvres, non seulement elle a trahi le Christ dans la personne de l’exclu, mais elle a été de surcroît infidèle à sa mission.

Comme la lune, l’Église n’est pas la source de la lumière qu’elle irradie. C’est le Christ-soleil qui l’illumine et la rend rayonnante et féconde. Sitôt qu’elle ne considère plus que la belle mécanique de son fonctionnement interne, ou n’est plus soucieuse que de l’image qu’elle renvoie à l’extérieur – et cela a été la tentation à laquelle ont succombé les responsables qui ont « déplacé » les abuseurs afin de ne pas « faire de vagues » et préserver les apparences – , alors elle devient cléricale, idolâtre d’elle-même et trahit l’Évangile. Mgr de Moulins-Beaufort l’exprime en ces termes dans le même entretien : « Nous ne sommes pas des managers. Nous sommes des évêques de l’Église du Christ ».

 

Une Église rayonnante du souci des pauvres


À cet égard, il est heureux que le nouveau droit canon prenne en considération les droits des victimes. Avant, seuls les clercs coupables étaient pris en compte : leurs victimes n’existaient pas dans le droit canon ! Or, l’Église ne sera fidèle au Christ qu’en rendant la première place aux pauvres et aux victimes, à toutes les victimes. En les mettant au cœur de ses préoccupations, l’Église, loin de s’affaiblir, rayonnera au contraire de la lumière qui luit sur le visage du Christ, son Époux. « Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, ta plaie aura tôt fait de se cicatriser ; devant toi marchera ta justice, la gloire du Seigneur sera ton arrière-garde » (Is 58, 8).

Jean-Michel Castaing,
auteur

 

 


Actualité publiée le 10 novembre 2021