Le texte du pape François annonçant le Jubilé extraordinaire de la Miséricorde s’appelle une bulle d’indiction. Le mot bulle (du latin : bulla = sceau), désigne un document important officiel du pape, scellé par un sceau en plomb pour annoncer :
- L’indiction d’une Année sainte (indiction signifiant annonce)
- La nomination d’un évêque
- La définition d’un dogme
- La convocation d’un concile
- La canonisation d’un saint.
Le titre du document se nomme l’incipit (du latin : incipio = commencer). Dans les documents importants de l’Église, il reprend les premiers mots du texte. Ici Misericordiae vultus, traduit par "le visage de la miséricorde", renvoie à la première phrase du document : « Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père. »
Le jubilé trouve son origine dans la tradition du peuple hébreu qui fêtait sa libération de l’exil à Babylone. Dans l’Ancien Testament, au temps de Moïse, le livre du Lévitique décrit cette pratique :
« Vous ferez de la cinquantième année une année sainte, et vous proclamerez la libération pour tous les habitants du pays. Ce sera pour vous le jubilé : chacun de vous réintégrera sa propriété, chacun de vous retournera dans son clan. » (Lev 25, 10)
La corne de bélier, « yôbel » en hébreu, qui servait à sonner cette fête, a donné le mot « jubilé ».
Dans le Nouveau Testament, Jésus se présente comme celui qui amène à son accomplissement ce « Jubilé » lors de la lecture, dans la synagogue de Capharnaüm du texte d’Isaïe (61,1-2) :
« L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur ». Et Jésus conclut : « Aujourd’hui, s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » (Luc 4, 21)
Inaugurée par le pape Boniface VIII en 1300, l’Église catholique perpétue la tradition du Jubilé, de manière ordinaire, tous les 25 ans (afin que chaque génération puisse vivre une Année sainte). Le Jubilé peut être « ordinaire » s’il est célébré à dates fixes, (le 26ème jubilé a été célébré en l’an 2000) ou « extraordinaire » à l’occasion d’un événement majeur pour l’Église, comme c’est le cas pour le jubilé annoncé par le pape François.
Le temps du Jubilé est un temps de grâce et de renouveau où l’Église invite chaque croyant à vivre une démarche spirituelle de pardon et de réconciliation, en actes et en paroles. Le jubilé est appelé Année Sainte non seulement parce qu’il commence, se déroule et se conclut par des célébrations, mais aussi parce qu’il est destiné à promouvoir « la sainteté de vie ». Il est institué pour :
- consolider la foi,
- favoriser les œuvres de solidarité et la communion fraternelle au sein de l’Église et dans la société,
- rappeler et encourager les croyants à une profession de foi plus sincère et plus cohérente dans le Christ, unique Sauveur.
C’est l’année de la rémission des péchés et des peines pour les péchés, de la réconciliation entre les adversaires, de la conversion et de la pénitence sacramentelle, en conséquence, de la solidarité, de l’espérance, de la justice, de l’engagement au service de Dieu dans la joie et dans la paix avec ses frères.
Proclamer une Année Sainte de la Miséricorde renforce cette dimension, comme pour insister sur le cœur de la démarche pénitentielle. À l’occasion du jubilé, l’Église peut accorder l’indulgence de Dieu à ceux qui entreprennent la démarche suivante :
- accomplir un bref pèlerinage vers la Porte sainte,
- participer à une réflexion sur la Miséricorde pour introduire le sacrement de la réconciliation et la célébration de la sainte eucharistie,
- accompagner ces célébrations par la profession de foi et par la prière pour le pape et pour les intentions de prière qu’il donne pour le bien de l’Église et du monde entier.
(cf. Lettre du pape François accordant l’indulgence à l’occasion du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, 1er sept 2015, document joint ci-dessous)
Le pape François précise ce qu’est l’indulgence de Dieu :
« Dieu est toujours prêt au pardon et ne se lasse jamais de l’offrir de façon toujours nouvelle et inattendue… Dans le sacrement de la réconciliation, Dieu pardonne les péchés, et ils sont réellement effacés, cependant que demeure l’empreinte négative des péchés dans nos comportements et nos pensées. La miséricorde de Dieu est cependant plus forte que ceci. Elle devient indulgence du Père qui rejoint le pécheur pardonné à travers l’Épouse du Christ (l’Église), et le libère de tout ce qui reste des conséquences du péché, lui donnant d’agir avec charité, de grandir dans l’amour plutôt que de retomber dans le péché. » MV n°22.
En quelque sorte, l’Indulgence est une « remise de peine » sur les conséquences de nos actes.
Le pape invite les croyants à redécouvrir et à vivre les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles, pour « réveiller nos consciences » et « pénétrer toujours davantage le cœur de l’Évangile ». Les œuvres de miséricorde corporelles sont explicitées par Jésus dans l’Évangile de Matthieu (Mt 25, 34-40). Le pape François les énumère : « donner à manger aux affamés, donner à boire à eux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts » Celles de miséricorde spirituelles sont : « Conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, prier dieu pour les vivants et pour les morts. » (MV n° 15)
La Porte sainte de la basilique Saint-Pierre de Rome s’est ouverte pour la première fois à Noël en 1499. Le 8 décembre 2015, le pape François l’ouvrira à nouveau, pour marquer le début de l’Année sainte du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde.
Une Porte sainte est présente dans les 4 basiliques majeures de Rome : Saint-Jean du Latran (la cathédrale du pape), Saint-Pierre, Sainte-Marie -Majeure, Saint-Paul-hors-les-murs.
L’ouverture de la Porte sainte à Rome :
Jusqu’au jubilé de l’an 2000, la Porte sainte était fermée à clef et murée de l’intérieur. Désormais, elle n’est plus murée. Le pape François ouvrira la porte lors d’une célébration solennelle le dimanche 8 décembre 2015. Il sera le premier à en franchir le seuil. Il présentera le Livre des Évangiles pour signifier que le Christ nous invite à sa suite. Puis il proclamera l’Évangile de Luc : « L’esprit du Seigneur est sur moi, car le Seigneur m’a donné l’onction ; il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, […] proclamer une année de grâce de la part du Seigneur. » (Lc 4, 14-25)
Que signifie l’acte de franchir une Porte Sainte ?
Avant de franchir la Porte, il faut se mettre en route. Comme un pèlerin appelé à aller de l’avant, chacun marche à la rencontre du Père miséricordieux, sur un chemin de conversion. Passer le seuil de la porte, c’est un acte de foi du croyant qui reconnait en Jésus-Christ le Seigneur. Le Christ a dit : « Moi, je suis la porte » (Jn 10,7). C’est par lui que l’on peut connaître et entrer en communion avec Dieu. Le Christ est le Sauveur envoyé par le Père qui permet à tout homme de passer du péché à la grâce.
Le pape a annoncé que la Porte Sainte sera « la Porte de la Miséricorde, où quiconque entrera pourra faire l’expérience de l’amour de Dieu qui console, pardonne et donne l’espérance. […] En passant la Porte Sainte, nous nous laisserons embrasser par la miséricorde de Dieu, et nous nous engagerons à être miséricordieux avec les autres comme le Père l’est avec nous. » François M V 3.14.
Notre archevêque, Mgr Le Gall, définit la miséricorde : « C’est le cœur qui se penche sur la misère ».
Le mot miséricorde vient de l’assemblage de deux mots latins : misereri = avoir pitié et cordis = le cœur pour dire une sensibilité à la misère et à la souffrance de l’autre. La miséricorde décrit également la pitié par laquelle chacun pardonne à celui qui l’a blessé. La notion biblique de pitié n’est pas « condescendance », elle est avant tout amour et sentiment intense de compassion. À plusieurs reprises, c’est de la façon dont on décrit le regard de Jésus pour une personne malade ou une foule. « En débarquant, il vit une grande foule ; il fut pris de pitié (ému aux entrailles) pour eux et guérit leurs infirmes. » (Mt 14,14) Communément, la miséricorde est l’attitude qui incite à l’indulgence et au pardon.
La notion biblique de la miséricorde est plus vaste encore. « C’est une réalité concrète à travers laquelle Il (Dieu) révèle son amour comme celui d’un père et d’une mère qui se laissent émouvoir au plus profond d’eux-mêmes par leurs fils. Il est juste de parler d’un amour " viscéral " ». Pour les hébreux, les entrailles sont le lieu de tous les sentiments atteints par l’émotion sous le coup d’une douleur ou d’une peine. (Le mot rahamim est traduit par compassion). Dans l’Ancien Testament, le peuple hébreu découvre à maintes reprises l’amour de Dieu qui choisit de lui venir en aide, avec fidélité. « La miséricorde fait de l’histoire de Dieu avec Israël une histoire de salut. » Elle est tendresse, bonté, compassion, pardon, et grâce. « C’est l’acte ultime par lequel Dieu vient à notre rencontre. »
La miséricorde, « c’est le cœur battant de l’Évangile. » « La mission que le Christ a reçu de son Père, est de révéler le mystère de l’amour divin dans sa plénitude ». « Jésus est le visage de la miséricorde du Père ». Les gestes et les paroles de Jésus-Christ envers les malades, les malheureux, les exclus, les pécheurs, en témoignent. « C’est le chemin qui unit Dieu et l’homme pour qu’il ouvre son cœur à l’espérance d’être aimé pour toujours malgré les limites de notre péché » et « le Seigneur Jésus nous montre les étapes du pèlerinage » : ne jugez pas… ne condamnez pas…, pardonnez et donnez… « Dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ, Dieu rend manifeste cet amour jusqu’à détruire le péché des hommes. »
Pour vivre de miséricorde : « Nous sommes invités à vivre de miséricorde parce qu’il nous a d’abord été fait miséricorde. Le pardon est le moyen déposé dans nos mains fragiles pour atteindre la paix du cœur. » « Comme le Père aime, ainsi aiment les enfants. Comme il est miséricordieux, ainsi sommes-nous appelés à être miséricordieux les uns envers les autres ». « C’est la loi fondamentale qui habite le cœur de chacun lorsqu’il jette un regard sincère sur le frère qu’il rencontre sur le chemin de la vie. »