Dans un ouvrage publié il y a presque un siècle et demi, l’abbé Régnaud (Le Rosaire de la Bienheureuse Vierge Marie, Instruction générale, 1886) écrivait : « Dans sa forme actuelle, le Rosaire a pour auteur Saint Do-minique, suivant le témoignage des Pontifes Romains. » Dans une région que le fondateur des Frères Prêcheurs a sillonné pendant de nombreuses années, la plupart des fidèles catholiques le savent. En revanche, on ignore parfois que l’église dans laquelle le saint a recommandé pour la première fois cette forme de prière à tous et toutes est l’église Saint Jacques de Muret.
Dominique, comme le signalent les Annales de l’Ordre des Frères Prêcheurs (1626), aurait eu une vision de la Mère de Dieu alors qu’il se souciait grandement des dommages causés à l’Église par l’hérésie cathare. Elle lui aurait déclaré, en lui apparaissant : « Aie bon courage, tu sais bien ce que le salut des hommes a coûté à mon Fils. Non, il ne veut pas que l’œuvre de la Rédemp-tion devienne inutile. Aie donc courage et grande confiance, le fruit de tes fatigues sera abondant. Le remède à tant de maux sera dans la récitation des Mystères de la Vie, de la Passion, de la mort et de la gloire de mon Fils unique, en y joignant la Sa-lutation Angélique, par laquelle fut annoncée la grande œuvre de la Rédemption ». Marie aurait ajouté que cette dévotion lui est très chère, ainsi qu’à son Fils et constitue « le moyen le plus puissant de dissiper les hérésies, d’éteindre les vices, de propager la vertu, d’implorer la divine Mi-séricorde et d’obtenir ma protection. » La Mère de Dieu au-rait promis également au saint « d’innombrables avantages » pour les Fidèles qui suivraient le conseil de réciter le Rosaire, ce « précieux don » qu’elle laissait à Dominique et à tous les frères de son ordre.
Dans la suite, le saint en parla dans toutes les églises où il en eut l’occasion, notamment dans l’église Saint Sixte de Rome. En 1214, il offrit à ceux qui voulaient réciter le Rosaire des cordelettes ayant des nœuds et partagea la prière en quinze dizaines de « Je vous salue Marie », chacune précédée d’un Notre Père et conclue par le Gloire à Dieu. Il les répartissait en trois groupes : les Mystères Joyeux, Douloureux et Glorieux. En 2002 le pape Saint Jean-Paul II publia une encyclique intitulée Le Rosaire de la Vierge Marie (Rosarium Virginis Mariae) dans laquelle il proposa à ceux et celles qui le souhaitaient, de réciter les Mystères Lumineux (Baptême, Noces de Cana, Avènement du Royaume de Dieu, Transfiguration et Eucharistie). En effet, il voulait que le Rosaire devienne un « condensé de l’Évangile » qui inclurait « une méditation de certains moments importants de la Vie de Jésus ». Comme on le sait, chaque dizaine de « Je vous salue Marie » est précédée depuis Saint Dominique d’une méditation précisant le « fruit » du Mystère et les intentions pour lesquelles il est prié. Peut-être cette initiative de Jean-Paul II fut-elle inspirée par un prêtre de Malte, fondateur de la Société de la Doctrine Chrétienne, le Père Georges Preca, qui, peu de temps après la mort du pape polonais, fut canonisé par Benoît XVI le 3 juin 2007.
La pratique du Rosaire étant presque tombée en désuétude au XIVème siècle, la Vierge Marie était apparue en 1460 à un fils de Dominique, le Bienheureux Alain de la Roche, l’encoura-geant à prêcher cette dévotion à nouveau aux fidèles. Quelque temps après sa mort, son œuvre fut continuée par le prieur du couvent dominicain de Cologne, Jacques Sprenger qui rétablit solennellement la Confrérie du Rosaire. Au XVIème siècle le pape Saint Pie V, autre dominicain, étendit sa pratique à l’Église Universelle. Les papes Grégoire XIII (1572-1585) et Clément XI (1700-1721) rappelèrent son importance. À la fin du XVIIème siècle et cours du XVIIIème Saint Louis-Marie Grignion de Montfort et Saint Alphonse-Marie de Liguori s’en firent les propaga-teurs. Au siècle dernier, Saint Padre Pio de Pietrelcina, capucin stigmatisé, que l’Église fête le 23 septembre, présentait le Rosaire comme une « arme puissante » contre l’auteur du Mal. Au cours du mois d’octobre sont fêtées tout particulièrement le 7, Notre-Dame du Rosaire, et le 13, la dernière apparition de Marie à Fatima.
Le 1er septembre 1955, le Frère Eyquem, du couvent de Toulouse, propose la création des « Équipes du Rosaire » et en octobre de la même année il confie ce nouvel « élan missionnaire », qui se situait dans l’esprit du « Rosaire Vivant » de Pauline Jaricot, à l’intercession de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face (fêtée le 1er octobre), patronne des missions. Au premier trimestre de l’année 1957 paraît un manifeste intitulé Le Rosaire au service d’une Église en État de mission, préfacé par le Cardinal Gabriel-Marie Garonne, alors archevêque de Toulouse, ensuite appelé au Vatican, qui jusqu’à sa mort fut un appui très précieux au développement des Équipes du Rosaire. Pour conclure, on peut dire que la récitation du Rosaire fait émi-nemment partie de toutes ces prières dites « du cœur », à l’ins-tar de la « prière de Jésus », si chère à nos frères d’Orient, ou de la prière de « simple présence » prônée en France au XVIIème siècle par le Frère Carme Laurent de la Résurrection. Ces prières dites avec le cœur sont accessibles à toutes et tous, grands et petits.
par Jean-Louis Brêteau,diacre
Ensemble paroissial de Muret