CARMEL… Voilà un nom bien mystérieux.
Les enfants pensent tout de suite aux caramels, (ça au moins, on sait ce que c’est ! Et puis ces sœurs qui sont toujours habillées en marron…alors pourquoi pas des caramels ?) Les personnes d’âge mur évoquent les saintes Thérèse, la grande d’Avila et la petite de Lisieux, plus quelques autres moins connues. Pour les pèlerins de Terre Sainte, et les biblistes, ce nom fait songer à l’escarpement rocheux qui domine la Méditerranée près de Haïfa, mont auquel se rattache le souvenir du Prophète Elie qui brûlait de zèle pour la gloire du Dieu des armées, et qui n’avait pas peur de jeter au Roi impie Achab : « Il est vivant le Dieu en présence de qui je me tiens ! ».
Oui « Il est vivant le Dieu en présence de qui je me tiens ! ». Peut-être avons-nous là une clef pour entrer dans ce jardin bien clos qu’est un monastère du Carmel. S’il ne remplissait nos cloîtres et nos cellules, comme tout serait vide, Lui l’Hôte de la maison, notre compagnon au Très Saint Sacrement.
La rencontre du Dieu vivant qui détermine cette vocation et la réponse qu’on y apporte, se fait en particulier pendant les temps d’oraison, prière silencieuse, « échange d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont se sait aimé. » Signalons que l’oraison est un peu la spécificité du Carmel : 1 heure le matin pour commencer la journée et 1 heure le soir avant les vêpres. C’est le moment où tout l’être se recueille, se rassemble dans un regard unique vers Dieu. Mais cet exercice - c’en est un car il demande un apprentissage- requiert aussi certaines conditions favorables de silence, de solitude, de détachement de l’ « indispensable superflu », conditions qui permettent de désensabler la Source de la vie divine que tout chrétien porte en lui depuis son baptême. Cette tension ou ce regard unique vers Dieu présent, nous essayons de le vivre tout au long de la journée, à travers les diverses occupations, d’où l’organisation du travail, manuel de préférence, en silence et solitude.
Mais n’allez pas croire que cette recherche de l’amitié divine soit quelque peu égoïste ou intimiste. Sainte Thérèse de Jésus, réformant l’Ordre au XVIème siècle, lui a donné une forte impulsion apostolique ; « se tenir devant Dieu pour tous », en faveur de tous, au bénéfice de tous. Dans la foi nous croyons que toute notre vie d’oraison contribue à irriguer le corps mystique tout entier. De plus notre prière se fait souvent intercession pour les grandes intentions du Christ et de l’Eglise, ou de personnes privées qui ont recours à nous ; nous portons particulièrement le ministère et la vie des prêtres.
« Se tenir devant Dieu pour tous » signifie aussi au nom de tous ; comme certains sont députés pour gérer les affaires publiques, avec tous les consacrés nous sommes députés pour offrir au Seigneur le culte, la louange qu’il est en droit d’attendre de ses créatures raisonnables. « Cette députation » s’exprime dans le chant où la récitation de la Liturgie des Heures qui est la prière officielle de l’Eglise. Cette esquisse serait incomplète sans la référence à la vierge Marie qui donne une note spécifique à la vie carmélitaine. N’est-elle pas notre prototype, elle qui « conservait toutes ces choses et les méditait en son cœur », alors que notre Règle nous demande de « méditer jour et nuit la loi du Seigneur, et de veiller dans la prière » ?
Une petite réflexion en passant : alors que l’envahissement du virtuel nous menace tous, la vie de prière, d’union à Dieu peut-être un bon antidote. Dieu est le Réel, l’Amen, le Rocher incontournable et inébranlable.
Un autre bon moyen de vérifier si nous sommes bien dans le réel, c’est la vie fraternelle et le travail. Vie fraternelle car nous vivons en communauté, avec aussi des temps de solitude. La vie fraternelle, ma sœur à côté de moi, me permet de vérifier dans le concret la vérité de ma relation à Dieu. « Dieu, personne ne l’a jamais vu ». « Celui qui dit aimer Dieu qu’il ne voit pas, alors qu’il n’aime pas son frère qu’il voit est un menteur » (St Jean).
Notre journée comprend deux moments de rencontre communautaire. De façon plus espacée nous avons entre nous des partages de la Parole de Dieu ou des écrits de nos saints, et aussi des échanges sur notre vécu communautaire. Les fêtes sont l’occasion de détente fraternelle : il y a toujours une sœur qui a une idée géniale pour récréer tout le monde.
Le partage des tâches et des services est aussi un moyen de vivre la vie fraternelle car nous ne sommes pas des anges et nos journées sont remplies d’occupations multiples et des plus ordinaires d’une vie humaine : l’entretien de la maison, la cuisine, la lessive, l’entretien de nos habits, le soin des malades et des sœurs âgées- actuellement nous avons une ancienne à l’infirmerie qui demande une assistance constante - l’entretien du jardin, et d’autres part le fonctionnement d’un atelier de reliure qui nous fournit le travail rémunéré et la confection de vêtements liturgiques.
Quelques notes historiques pour terminer : le Carmel de Toulouse a été fondé en 1616 par la Mère Isabelle des Anges, une des mères espagnoles venues instaurer le Carmel en France. Nous marchons donc vers la célébration de notre Quatrième centenaire en 2016 ( une date à retenir d’ores et déjà). La première implantation était sur la paroisse St Sernin. Malgré de nombreux déménagements dans la ville rose et les vicissitudes de l’histoire – la dispersion en1791, et l’exil en Espagne en 1905- la communauté s’est toujours maintenue jusqu’à ce jour. Depuis 50 ans, choisissant de fuir l’agitation de la grande ville, elle réside dans la banlieue de Muret. La communauté compte actuellement 16 sœurs professes et 1 novice. Nos constitutions prévoient un chiffre maximum de 21 sœurs par monastère… il y a donc encore quelques places disponibles !!!