Pourquoi tant de pèlerins à Saint-Bertrand de Comminges ?
Une messe sera célébrée en la cathédrale de saint-Bertrand de Comminges le dimanche 15 octobre à 11h pour la fête de l’évêque qui fut un apôtre de la paix de Dieu et un pasteur attentionné de son peuple.
Le flux des pèlerins ne tarit pas à Saint-Bertrand de Comminges. Plus qu’une cathédrale somptueuse, c’est un personnage exceptionnel que les hommes qui se rendent dans ce petit bourg des Pyrénées centrales (qui compta 25 000 habitants sous l’Empire romain !) viennent rencontrer et prier : saint Bertrand de Comminges qui fut évêque de la cité durant un demi-siècle.
Un évêque grégorien
Bertrand de l’Isle était le petit-fils du Comte de Toulouse Guillaume Taillefer. Chanoine de Saint Sernin de Toulouse, sa réputation dépassa si bien les limites du pays toulousain que le clergé et le peuple commingeois vinrent lui proposer l’épiscopat. En l’an 1083, il est promu évêque et intronisé dans la cathédrale Sainte-Marie de Lugdunum de Comminges, premier nom de la capitale du Comminges. Dans l’élan de la réforme grégorienne, il reprend en main le chapitre de la cathédrale (les prêtres qui la desservent), évangélise son diocèse, fait reconstruire la cathédrale et édifier un cloître de bois.
Bertrand fut en effet un évêque grégorien : il réforma l’église de son diocèse dans le cadre de la réforme initiée par le pape Grégoire VII (1020-1085). Cette réforme visait à purifier les mœurs ecclésiastiques (lutte contre le mariage des prêtres) et à émanciper l’Église du pouvoir temporel. Cette émancipation consistait à lutter contre les investitures des charges ecclésiales conférées par des laïcs. La réforme grégorienne s’attaqua également à la simonie, c’est-à-dire aux prestations financières exigées pour la collation d’une fonction, d’une dignité ecclésiale, d’un office ou d’un sacrement. Saint Bertrand appliqua avec soin ces différentes mesures réformatrices.
Un saint thaumaturge
Plus fondamentalement, si les chrétiens des Pyrénées centrales et d’ailleurs viennent de nos jours en pèlerinage à Saint-Bertrand de Comminges, c’est tout simplement parce que l’évêque fut un saint. Dès sa mort, le petit peuple de la cité ne s’y trompa pas et se mit à le prier et lui demander des grâces. Bertrand fut canonisé en 1218. Mais son tombeau était déjà l’objet d’un pèlerinage dont la renommée ne fit que croître durant le siècle qui suivit sa mort.
Le premier biographe de saint Bertrand, Vital, un notaire, recense quinze miracles accomplis par l’évêque durant sa vie. Dans cette hagiographie, Vital nous dépeint un pasteur qui ne se désintéressait jamais des problèmes quotidiens de son troupeau. Par exemple, traversant un champ cultivé, il libère les paysannes de leur tâche pénible en désherbant définitivement la récolte ! Un autre miracle le montre en train de rendre productif un noyer stérile. Ailleurs, il remplit les filets d’un pêcheur. Bertrand fut un évêque social. Dès le début de son épiscopat, il se montra un homme de terrain : il redonna vie à sa cité en attirant une population jeune, en favorisant les échanges et en rendant la justice.
Un pasteur au milieu de son peuple
Cependant, les miracles ne s’arrêtèrent pas à son existence terrestre. Après sa mort, il libère de prison un seigneur capturé par les Sarrasins, Sanche Parra. Ce miracle devint si populaire en Comminges qu’il prit les dimensions d’une fête liturgique. A la suite de cet exploit, Bertrand fut invoqué pour toutes sortes de libérations.
En résumé, saint Bertrand fut un véritable chef : juge au plan temporel et au plan spirituel, reconnu comme seigneur au sens féodal du terme. Surtout, il lutta pour l’application de la paix de Dieu qui interdisait la guerre contre les clercs, les marchands, les pèlerins et les laboureurs, (paix instituée par l’Église en 1016). Il fut le héraut du respect des petits. Par exemple, il fit rendre le butin razzié par Sanche Parra aux habitants de la cité de Lugdunum – ce même Sanche Parra qu’il libéra de prison en lui apparaissant miraculeusement ! Il sut inculquer aux hommes d’armes le respect du pauvre.
Thaumaturge, évêque social, libérateur, pacificateur : les foules venaient prier le saint pour d’innombrables motifs. Aujourd’hui encore, les hommes et les femmes qui viennent se recueillir devant son tombeau dans la cathédrale comprennent intuitivement que Bertrand fut et reste un pasteur attentionné et dévoué à son peuple. Aucun aspect de l’existence des hommes ne fut étranger à sa sollicitude. Les pèlerins de la cité commingeoise savent qu’ils seront écoutés par ce père qui fut l’honneur de l’Église de son temps, icône du Christ et qui continue à veiller paternellement sur le Comminges tant sur le plan spirituel que sur le plan temporel. N’hésitons pas à venir le prier pour la paix en ces temps troublés.
Jean-Michel Castaing