Un temps de prière pour et avec les victimes d'abus sexuels dans l'Église le 11 mars prochain

Interview de Mgr Guy de Kerimel

Un temps de prière pour et avec les victimes d’abus sexuels dans l’Église le 11 mars prochain

À quelques jours du 11 mars, date du temps de prière proposé à tout le diocèse POUR et AVEC les victimes d’abus dans l’Église, Mgr Guy de Kerimel, archevêque de Toulouse, explique pourquoi nous sommes tous concernés par cette initiative et nous invite à l’y rejoindre.

 

 

- Un temps de prière pour et avec les victimes d’abus sexuels dans l’Église dans notre diocèse le 11 mars prochain, pourquoi cette démarche ? Est-ce un souhait de votre part ?

C’est la Conférence des Évêques de France qui avait décidé de proposer cette rencontre qui a eu lieu l’année dernière pour la première fois. Personnellement, je suis heureux de cette décision car il est non seulement important de prier pour les victimes mais surtout avec elles, afin de prendre conscience de la réalité de ces drames, des blessures infligées avec lesquelles les victimes vivent en permanence.
Face à des révélations très lourdes, la tentation pourrait être de mettre tout cela dans un placard et de passer à autre chose. Mais on ne peut pas ! Nous devons absolument en tenir compte dans notre manière d’être chrétien, dans la manière de vivre et de témoigner notre foi, et parce que d’une certaine manière, nous portons une responsabilité collective. Il nous faut accepter d’en prendre conscience et nous remettre devant Dieu. Depuis le rapport de la CIASE, les gens parlent et continuent à parler, et nous n’avons pas fini de traiter ces questions douloureuses, loin de là.

- Que l’on soit laïc, prêtre, religieux ou religieuse, pourquoi est-ce important que nous y participions ?

Tout le monde est concerné. Même si nous ne sommes pas coupables de ces crimes, il y a tout de même une forme de solidarité dans le péché, et il est important que nous mesurions la gravité de ces actes et de ces abus. Leurs auteurs, longtemps, n’en ont pas pris conscience, or il y a des personnes blessées à vie, et il faut que l’ensemble de la communauté l’intègre. Nous avons à lutter contre le péché en nous et à faire en sorte que nous nous aidions mutuellement pour être libres face au péché et pour faire du bien autour de nous. C’est le rôle de l’Église ! Elle n’a de sens que si elle fait du bien ! Il est donc important que nous mesurions tous les dégâts considérables de ces péchés, et que nous recourions à la miséricorde de Dieu.
Les faits sont graves mais l’amour de Dieu descend jusque-là. Et notre compassion doit aussi descendre jusque-là. Comme l’a dit saint Paul, Jésus s’est identifié au péché et nous-mêmes, nous avons à accepter de partager avec ceux qui ont été blessés par le péché de nos frères et sœurs, et par notre propre péché d’une certaine manière.

- Descendre… quitte à perdre la foi ?

C’est le danger mais c’est en regardant la vérité en face, dans la lumière du Christ et en comptant sur la miséricorde divine que nous pourrons tirer un plus grand bien de tout ce mal et que Dieu nous ouvrira un chemin de vie au cœur de nos misères et de nos détresses. L’idée n’est pas de nous culpabiliser mais bien de remettre les victimes d’abord, soi-même et l’Église à la miséricorde de Dieu et de développer en nous la vertu d’espérance.

- Vous allez bénir les mains des victimes avec une huile parfumée. Quel est le sens de ce geste ?

L’onction permet de pacifier, de soulager et l’huile symbolise la guérison des plaies. Dans le cadre de cette célébration, il s’agira de reconnaître que ces personnes ont besoin de la tendresse de Dieu, de quelque chose de doux, comme le parfum de cette huile. C’est un geste symbolique qui vise à apaiser, il ne s’agit pas du sacrement des malades.


- Les prêtres resteront dans l’assemblée avec les fidèles. Pourquoi ?

C’est une demande des victimes. Elles sont parfois victimes de prêtres et même si elles souhaitent qu’ils soient présents à cette prière, elles préfèrent davantage les voir à côté d’elles plutôt que dans le chœur. Parfois voir un prêtre en aube en train d’agir au nom du Christ est trop difficile. Cela peut évoquer une forme d’autorité, un abus, une emprise ou un pouvoir malsain, même si c’est une minorité de cas bien entendu. Par égard pour les victimes, nous préférons éviter de rendre les prêtres trop visibles. Comme il ne s’agit pas d’une messe mais d’une célébration de la Parole, cette demande a été tout à fait acceptée.
Que l’on soit prêtre, laïc, religieux, religieuses, victimes, paroissiens… nous regarderons ensemble le Christ et implorerons ensemble sa miséricorde. Il n’y a pas d’un côté ceux qui donnent le pardon de Dieu et les autres. Nous aussi nous avons besoin d’implorer ensemble la miséricorde de Dieu, nous nous reconnaissons pauvres pécheurs et devons aussi nous confesser. Nous serons tous ensemble dans cette attitude.

- Qu’est-ce qui vous a marqué lors de la célébration de l’an dernier ?

C’était un temps très ajusté, grave mais paisible. Il a permis de reconstruire l’Église non pas sur un déni mais sur la miséricorde de Dieu. Car Dieu est avec nous, il nous aime ; il vient guérir, nous pardonner dès lors qu’on lui présente nos péchés et nos blessures.
Bien sûr, il y a le risque de tomber dans une culpabilisation malsaine, un trop plein d’émotion qui nous conduirait finalement à nous regarder plus nous-mêmes que le Christ. Je crois justement que nous nous sommes tournés vers le Christ. C’était un temps émouvant et fort mais c’était un acte de foi.
J’ai trouvé très beau que les victimes acceptent de se montrer et de témoigner. Je me souviens qu’une personne s’est avancée vers moi en me disant : « Moi je n’ai jamais parlé encore  ». Je l’ai bien sûr orientée vers la cellule d’écoute.

- Quel était l’état d’esprit ?

Nous étions dans la paix et heureux de la qualité de la célébration. J’ai senti que cela avait fait du bien aux victimes. Et à moi aussi cela m’a fait beaucoup de bien ! Comme le dit le pape François, l’Église est un hôpital de campagne et c’est notre mission de permettre aux gens de déposer leurs fardeaux. C’est très important dans cette période où les gens sont perdus, souffrent – je le sens bien avec les catéchumènes qui se préparent au baptême. L’Église doit être le lieu pour cela, un lieu de consolation, quel que soit son chemin, ses blessures. Un lieu où trouver la paix et pas simplement dans le bâtiment église mais au sein d’une communauté, qui permet à tout être humain de se sentir reconnu et accompagné. C’est très bon signe.