Prise de parole de Mgr de Kerimel lors de la prière pour les victimes d’abus sexuels

Prise de parole de Mgr Guy de Kerimel

Prise de parole de Mgr de Kerimel lors de la prière pour les victimes d’abus sexuels

Vous les victimes, pendant de longues années, vous avez été privées de la parole qui est une caractéristique essentielle de l’être humain. C’est dire combien vous avez été atteintes dans votre dignité de personne. Vous avez été déshumanisées. Vous étiez devenues une chose pour vos abuseurs, et vous avez été contraintes de vous taire. Ces affaires devaient être étouffées et cachées dans un silence de mort. Le psaume 87 que nous avons entendu dit cette expérience d’enfermement, ce long cri intérieur, l’impression de ne pas avoir d’autres horizons que le silence du tombeau et la douleur de la blessure, tout en essayant de donner le change. Pour ce mal que vous avez subi, je vous demande pardon, au nom de ceux qui vous ont profondément blessées, au nom de ceux qui n’ont pas vu, n’ont pas voulu voir, au nom de l’Église qui n’a pas su vous protéger.

Depuis quelques temps enfin, la parole se libère ; vous redevenez, pour ceux qui acceptent de vous écouter, des personnes à part entière ; vous retrouvez votre dignité, une dignité qui reste blessée. Car ce que chacun de nous vit dans son histoire personnelle ne s’efface pas ; on peut mettre un couvercle sur son passé, mais il est toujours là et il finit par resurgir. On ne peut nier son histoire ; personne ne peut recommencer sa vie à zéro.

Ainsi le Christ a été réellement cloué à la croix et Il est réellement mort. Cependant sa résurrection d’entre les morts nous fait comprendre que la mort ouvre à une vie nouvelle. La résurrection de Jésus nous laisse entrevoir un avenir possible, quand nous nous sentons dans une impasse. Si le passé nous marque définitivement, Jésus nous ouvre une porte pour que ce passé ne puisse pas nous garder emprisonnés ; marqués pour toujours, hélas oui, emprisonnés, non. La blessure qui vous a détruites peut se transformer peu à peu, avec l’aide de Dieu, en blessure qui donne la vie, comme celle du Christ crucifié.

Aujourd’hui, Dieu vous signifie qu’Il n’a jamais cessé de vouloir établir un dialogue avec vous, Il n’a jamais cessé de vous considérer dans votre haute dignité humaine, de vous considérer comme ses enfants bien-aimés. Il n’a jamais cessé de s’adresser à vous, mais l’Église, dans la personne des abuseurs, avait bloqué le message, alors qu’elle a mission de le transmettre. Il est le Dieu des vivants qui vous veut vivants, Il est Dieu de tendresse et de réconfort qui nous soutient dans nos souffrances et nous met dans la paix, quand bien même la blessure fait toujours mal.
Nous prions pour qu’Il vous accorde ce réconfort et cette paix.

Frères et sœurs, nous sommes présents pour prier pour les victimes d’abus sexuels, celles qui ont été gravement blessées dans l’Église, mais nous pouvons aussi ajouter celles qui ont été abusées dans leurs familles ou dans d’autres institutions ou associations. Par ailleurs, d’autres personnes ont souffert indirectement de ces abus, et le Corps tout entier du Christ est blessé, toute l’Église est impactée par ces crimes et délits. Nous souffrons tous de la souffrance des victimes, c’est ce que signifie le mot compassion : notre présence est pour les victimes une parole de compassion plus importante que nos mots souvent maladroits.

Nous aimerions tourner la page, mais les mois se suivent et apportent leur lot de révélations douloureuses. De même les victimes d’abus sexuels ne peuvent pas tourner la page ; ce ne sera jamais une affaire classée pour elles et donc aussi pour nous. Il nous faut accepter de porter avec les victimes le poids de ces abominations. Ce passé, avec ses nombreux dégâts collatéraux, nous pèsera toujours ; cependant, il peut être aussi une école de compassion dans laquelle nous apprenons à prendre soin les uns des autres. Les purifications que nous traversons nous appellent à revenir à la source, à nous laisser soigner et guérir par Jésus, le Bon Samaritain. L’avenir de chacun prend sa source dans la Miséricorde de Dieu et dans le réconfort qu’Il nous apporte et que nous nous transmettons les uns aux autres.

C’est pourquoi, tous ceux qui parmi nous le désirent pourront s’approcher pour recevoir une onction d’huile parfumée dans la main. L’huile est un symbole de soin ; elle est utilisée par le bon samaritain de la parabole de Jésus pour soigner l’homme laissé pour mort. Ce n’est pas ici l’huile du sacrement des malades, mais un geste symbolique, un sacramental, comme l’huile du sanctuaire de Notre-Dame du Laus dans les Hautes-Alpes. Elle nous dit l’attention concrète et aimante de Dieu, sa bénédiction, sa tendresse qui reconstruit. L’huile veut signifier le baume que nous demandons à Dieu d’appliquer sur les blessures.

Laissons-nous rejoindre par sa tendresse et faisons-Lui confiance !

 
+ Guy de Kerimel
 Archevêque de Toulouse
11 mars 2023