Quelle croix à l'autel de nos églises ?

Quelle croix à l’autel de nos églises ?

Dimanche 14 avril, deux nouveaux crucifix (du latin crucifigere, fixer sur une croix) ont été bénis dans notre diocèse. Dans les deux cas, il s’agissait de remplacer ou de compléter une simple croix nue dans le sanctuaire, à proximité de l’autel. Un débat alimente les conversations des fidèles : faut-il ou non représenter le Crucifié sur la croix ?

Notre foi toute entière repose sur le Mystère de la mort et de la résurrection du Christ par le supplice de la croix. Cette croix, elle-même signe du Mystère de la Rédemption, se trouve au cœur même de la liturgie, d’où sa présence bien visible dans nos églises ou sur les objets et le mobilier de culte.

Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi puisque les premiers chrétiens utilisaient d’autres signes de reconnaissance comme le chrisme formé à partir du nom grec CHRISTOS ou l’ICHTUS, le poisson, acrostiche de Jésus Christ Sauveur du Monde. Il s’agissait bien sûr, de faire preuve de prudence face au risque de subir les persécutions romaines, mais chacun savait ce que représentait l’ignominie de la crucifixion réservée aux esclaves et aux voleurs, d’où la réticence à se conformer à un Christ crucifié.

C’est la vision au IVe siècle, d’une croix glorieuse par l’empereur Constantin et l’invention (c’est-à-dire la découverte) de la relique de la Vraie Croix attribuée à sainte Hélène, sa mère, qui seraient à l’origine de la diffusion de la croix comme symbole du christianisme et de sa vénération telle que nous la vivons dans la liturgie du Vendredi saint.

La présence de croix dans nos églises vient directement de la liturgie baptismale où le candidat au baptême est plongé dans la mort du Christ pour renaître à la vie divine. Cyrille de Jérusalem dans ses catéchèses, encourage les catéchumènes à sanctifier leur vie quotidienne par le signe de la croix afin de « confesser le Crucifié  ». C’est à partir de cette pratique domestique que le signe de croix est devenu geste liturgique et que la croix est apparue dans les lieux de culte.

La représentation de la croix glorieuse signe de la Résurrection du Christ, sous forme de croix gemmées voire fleuries, est privilégiée à la fin de l’Antiquité. Quelques représentations du Crucifié victorieux de la mort font timidement leur apparition à l’aube du Moyen-Âge pour en devenir la norme. Ce sont des croix de procession qui invitent les fidèles à se rassembler ou des crucifix suspendus au-dessus de l’autel, puis posés directement sur l’autel, bien visibles de l’assemblée. De victorieux le Christ a été progressivement représenté souffrant, la couronne d’épines remplaçant le diadème royal pour devenir le crucifix que nous connaissons aujourd’hui.

Une croix à l’effigie du Christ dans nos églises ?

Le Missel de 1970 reste très discret à ce sujet privilégiant le lien étroit entre l’autel et la croix bien visible de l’assemblée. Les églises construites au cours de la deuxième moitié du XXe siècle et aujourd’hui encore, sont ornées de croix glorieuses symbolisant la résurrection même si la nouvelle édition du Missel est plus précise à ce sujet :

V/II/308. De même, sur l´autel ou à proximité, il y aura une croix, bien visible pour l´assemblée, et portant l’effigie du Christ crucifié. Il convient que cette croix demeure près de l’autel même en dehors des célébrations liturgiques, pour rappeler aux fidèles la passion rédemptrice du Seigneur.

Une simple croix glorieuse dressée près de l’autel nous parle effectivement de la résurrection mais ne dit rien sur le passage par la mort, du Christ. Et comme nous le dit saint Paul, « Nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les hommes, mais pour ceux que Dieu appelle, sagesse de Dieu » (Co 1, 22-25), nous en faisons mémoire à chaque Eucharistie. Alors, autant le faire, lorsque c’est possible, devant une très majestueuse représentation du Crucifié, corps glorieux ressuscité qui nous parle de la Vie éternelle.

 

Valérie Barbier

 


Actualité publiée le 18 avril 2024