Événement
1942. Alors que la France discrimine et persécute les populations juives dans le cadre de la collaboration entre le régime de Vichy et l’Allemagne nazie, le préfet de la Haute-Garonne ordonne la déportation de Juifs des camps de Noé et de Récébédou vers les camps de la mort. Cette même année, la France connaitra l’horreur de la rafle du Vel-d’Hiv.
Informé, l’archevêque de Toulouse écrit et fait diffuser, le 23 août 1942, une lettre où il dénonce vigoureusement les violences faites aux Juifs et le mépris des droits des personnes. Cette lettre, dont le gouvernement français a essayé de bloquer la diffusion, sera largement reprise et diffusée par le Vatican et sur les ondes de la BBC.
« Il y a une morale chrétienne, écrit Monseigneur Saliège, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. (…) Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier. »
Ces mots vont résonner aux oreilles de la population française. Ils vont encourager de multiples initiatives ou encore accompagner des Français dans la lutte contre la persécution des Juifs entraînant de nombreux actes de solidarité tant individuels que collectifs. Mgr Saliège va même jusqu’à mettre à disposition les ressources du diocèse de Toulouse pour aider des filières de protection de Juifs et sera, pour ces raisons, arrêté par le Gestapo - avant d’être relâché pour état de santé. Tout un “réseau Saliège” se met en place.
Après la guerre, unanimement reconnu, il sera fait compagnon de la Libération par Charles de Gaulle en 1945, recevra le titre de Cardinal en 1946 et celui de Juste parmi les nations en 1969.
Quand on évoque Monseigneur Saliège, on pense immédiatement à cette fameuse lettre « sur la personne humaine ». Mais elle n’est en réalité que la partie visible d’un iceberg, celui de l’action menée par l’Église en Haute-Garonne pour les victimes de la politique nazie, et en particulier, les juifs. C’est ce qu’on appelle « le réseau Saliège ».
Dès avant sa publication de cette lettre, le diocèse se dote de plusieurs organismes pour venir en aide aux personnes arrêtées et placées dans des camps d’internement. Ces organismes reçoivent des aides financières y compris de la part du Vatican.
Lorsque les premières déportations ont lieu et que les conditions de vie de ces camps se détériorent, l’archevêque est averti et décide, sans attendre, d’agir non seulement en écrivant cette lettre mais aussi en mettant en place un réseau d’entraide et de sauvetage, en lien avec les institutions juives et les réseaux de résistance dont l’Institut Catholique devient un haut lieu.
Environ tous les dix ans, les communautés juives et catholiques de Toulouse fêtent ensemble l’anniversaire de cette lettre qui a permis le sauvetage de nombreux Juifs et a conduit à une prise de conscience sur la dignité de la personne et sur la fraternité.
Soucieuses de transmettre l’actualité de cette déclaration, les communautés juives et catholiques organisent de concert des événements pour commémorer cette publication. Cette année, cela se déclinera en plusieurs dates :
1) Mardi 23 août 2022 : diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo sur laquelle scouts juifs et scouts catholiques de Toulouse, ainsi que Mgr Guy de Kerimel, successeur de Monseigneur Saliège, proclameront la lettre de Mgr Saliège.
Cette vidéo se situe dans la continuité des demandes du grand rabbin de France, Haïm Korsia, et du président de la Conférence des évêques de France, Mgr Eric de Moulins-Beaufort, qui ont souhaité que la lettre de Mgr Jules Saliège soit lue respectivement dans les synagogues le samedi 16 juillet et dans les paroisses le lundi 15 août.
2) Dimanche 20 novembre 2022, Journée mémorielle officielle :
3) Jeudi 24 novembre 2022, Journée d’étude organisée par le Mémorial de la Shoah et l’Institut Catholique de Toulouse
Pour aller plus loin...
► Lire l’article de la Conférence des Évêques de France et écouter la lecture de la lettre par Jean-François Balmer, ici
► Lire La Protestation, 23 août 1942 de Yves Belaubre, collection « Au vif de l’histoire » éd. Nicolas Eybalin, 296 p. 16 euros.
Dans ce récit historique très bien documenté, on revit comme en direct la période tragique de l’occupation dans une proximité saisissante avec l’archevêque de Toulouse. On comprend, de l’intérieur, les sentiments, la réflexion et la foi qui l’animent jusqu’à la rédaction de sa lettre pastorale du 23 août 1942.
On croise de grandes figures comme Mgr de Courrèges, son évêque auxiliaire, ou Bruno de Solages, le recteur de l’Institut catholique, mais aussi des collaborateurs moins connus tels que l’abbé Gèze, à la Maison des oeuvres, ou Thérèse Dauty, du Comité catholique, qui visite les camps de Noé et du Récébédou.
L’auteur, Yves Belaubre, qui vit et travaille à Toulouse, est journaliste, auteur et scénariste. Il a mis tous ses talents au service de ce travail de mémoire original et bouleversant.
► Lire encore 1942. Mgr Saliège, une voix contre la déportation des juifs, de Patrick Cabanel publié aux éditions Midi-Pyrénéennes dans la collection « Cette année-là », 48 p., 6,80 euros, ici.
Patrick Cabanel intervient dans différentes tables rondes, comme le 7 septembre prochain au Collège des Bernardins à Paris (voir ici).
Document original :