Agir l’Europe, non la subir

Trois questions à Alain Maurech-Siman, directeur de la licence européenne de communication à l’Institut Catholique de Toulouse. Pour cet Européen convaincu, les citoyens, et parmi eux les chrétiens, ne doivent surtout pas se désintéresser de l’avenir d’une puissance d’équilibre et de paix qui façonne leur quotidien.

Comment est née votre passion pour l’Europe ?

De culture franco-allemande, je suis un curieux mélange d’ethnies européennes : austro-hongroise et basque, avec des racines en Cornouailles ! Je me sens chez moi aussi bien en Allemagne qu’en France, en Espagne qu’en Angleterre.
Depuis l’âge de vingt ans, je me bats pour la construction européenne. On ne réalise pas le chemin qui a été parcouru depuis mai 1950 : après avoir souffert deux grandes guerres, l’Europe a réussi à surmonter un passé traumatique pour bâtir une démocratie de la concertation et non de la confrontation.
Il faut beaucoup d’humilité pour chercher ce qui rassemble et non ce qui sépare. Pour écrêter ce qui fâche afin de continuer à avancer sans qu’il y ait de perdant. Alors, on s’impatiente. On trouve que c’est tiède. On est mécontent de l’Europe et dès que quelque chose ne va pas, c’est de la faute de Bruxelles !
A l’approche des élections européennes, c’est surtout une certaine indifférence qui domine. Pourquoi ?
« L’Europe n’intéresse pas ! » C’est l’éternel refrain de la presse. Du coup, on entend peu parler de l’Europe. En tant qu’ancien expert auprès de la Commission européenne, je peux témoigner que l’Europe s’efforce pourtant de communiquer, dans ses 25 langues. Elle produit des milliers de publications, a une banque d’images et un centre de presse, le Centre Charlemagne, avec des correspondants accrédités, présents à Bruxelles.
Depuis 1979, le Parlement européen est élu au suffrage universel mais les citoyens européens méconnaissent largement son fonctionnement et son rôle. Or, le Parlement n’est pas simplement consulté : il a un vrai rôle de décision.
Et si l’Europe parait lointaine, ses directives et ses règlements retombent comme en pluie fine sur notre quotidien.
De quelle manière peut-on redonner le goût de l’Europe à nos concitoyens ?
Les élections de 2014 seront spécialement importantes puisque le Président de la Commission européenne sera choisi au sein du parti qui aura envoyé le plus de députés au Parlement européen*.
Chaque grande famille de partis a sa vision de la construction européenne.
On ne doit pas oublier que les pères fondateurs de l’Europe – comme Jean Monnet, Robert Schuman ou Konrad Adenauer – l’ont enracinée dans des valeurs chrétiennes, l’ont pétrie de la doctrine sociale de l’Eglise.
Où en est aujourd’hui cette Europe des valeurs, des solidarités ?
Chez nos étudiants en licence de communication européenne, nous sommes heureux de trouver cette recherche de sens et nous l’encourageons aussi bien à travers des propositions de « disputatio » autour de sujets de fond que de volontariat dans des actions de solidarité. A la remise de leur diplôme, ils prêtent un « serment d’éthique ». Personnellement, en voyant ces jeunes, je suis très optimiste pour l’avenir !
Propos recueillis par Anne Reboux

 


Actualité publiée le 15 mai 2014

 

 

* Avec le traité de Lisbonne, il est désormais probable que le président de l’exécutif bruxellois soit de la même couleur politique que le parti vainqueur des élections. Au moment du vote, les électeurs choisiront donc non seulement un parti, mais aussi son représentant pour ce poste central des institutions européennes.