« Je veux que la crèche soit une catéchèse »

La crèche du couvent des dominicains a disparu. C’était il y a quinze ans. Le frère Marie-Bernard, très habile de ses mains, confectionne les habits monastiques de ses frères. Mais surtout, il fabrique des santons.

À la demande du curé de la paroisse de l’époque, notre santonnier retrouve les gestes acquis plus jeune auprès du potier de son village de campagne : « J’ai toujours aimé la terre, elle me ramène à l’essentiel  ». Il va se former auprès de professionnels en Provence. Pourquoi une crèche en terre ? Des santons en bois seraient plus nobles. Cette tradition remonte à la Révolution, pendant laquelle il fallait être discret et pouvoir détruire rapidement les santons si on était inquiété. Ils n’étaient donc pas peints.

La première crèche pour le réfectoire avec vingt-cinq santons rencontre un vif succès auprès des frères dominicains. Il fallait transformer l’essai. Le frère Marie-Bernard s’attaque à la mythique crèche de l’église : « La crèche doit refléter la joie, car Noël est une fête, la naissance de Jésus ». Chaque personnage a sa place : les bergers (dont sainte Germaine de Pibrac) sont au premier rang, les rois et évêques en arrière plan, esprit de pauvreté oblige. La tradition offre la possibilité de représenter, sous les traits de différents santons, les défunts. Ils sont ainsi associés à cette grande joie de Noël et à la prière de ceux qui se recueillent devant la crèche.

La formation initiale en Provence a toujours besoin d’être enrichie. Les frères donnent, ici ou là, des conseils, formulent des remarques : « On a besoin du regard de l’autre pour progresser », concède le frère santonnier.

Une amie du couvent, historienne, apporte aussi une documentation complémentaire. Il y a des codes couleur à respecter. Par exemple, pour la Vierge Marie : le rouge, symbole de son humanité ; le blanc, signe de sa pureté ; le bleu pour montrer que Marie est recouverte de la dignité du Christ. Quant au santon Joseph, il est habillé de gris ou de marron, en signe de sa pauvreté. Et le mauve pour symboliser son humilité, plutôt à l’intérieur du manteau car une telle vertu se doit d’être cachée.

Autre détail discret : les cinq coquelicots posés sur la paille de la crèche rappellent les plaies de Jésus. « L’Enfant Jésus est le plus difficile à réaliser. On veut bien le faire, mais il est tellement petit !  » confie le frère Marie-Bernard. Cette petitesse se retrouve dans la crèche : « Elle ne doit pas distraire, elle doit permettre de prier  ». La scène de la Nativité doit donc être simple, mais mise en évidence par de la lumière ou par une étoile. Le regard est ainsi attiré par la Sainte Famille. Revenir à l’essentiel est pour le frère Marie-Bernard une évidence : « Je veux que la crèche soit une catéchèse  ».

 


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