La Charité

La Charité est l’Unique commandement dont les dix ne sont que les applications concrètes, c’est aussi la mesure par laquelle nous serons jugés

Texte extrait du bulletin du secteur paroissial de BAZUS, CEPET, GARGAS, LABASTIDE-ST-SERNIN, MONTBERON, PECHBONNIEU, ST LOUP-CAMMAS, VILLARIES

Le Seigneur Jésus nous parle du nouveau commandement. C’est celui qu’il laisse à ses disciples comme « Testament Spirituel », au cours de la Dernière Cène, peu avant la trahison de Judas. Les disciples, pour être fidèles à la vie et à l’enseignement du Christ, devront mettre en application ce commandement.

Dans cette recommandation, Jésus ne leur dit pas qu’il leur faut l’aimer Lui, Jésus. Mais il indique son Amour, sa façon de vivre et d’agir comme modèle de l’Amour vrai. Il ne s’agit donc pas d’aimer simplement, mais d’aimer comme Jésus Lui-même. C’est cela la nouveauté de ce commandement.
« Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres ». Le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain reste valide dans toute son exigence
« Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force.
Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » (Mc 12, 29-30).
Mais avant de mourir, Jésus laisse un testament dans lequel Il Se donne lui-même en exemple et comme le modèle d’Amour. La logique de l’Amour n’est plus la logique purement humaine, mais bien la logique divine, et l’Amour devient ainsi une vertu théologale, il devient Charité parce qu’elle se fonde dans l’Amour du Seigneur. C’est le caractère radical de l’Amour dans la foi chrétienne. Il ne se fonde plus sur l’humain, mais vient de Dieu pour purifier et faire grandir l’humain en nous, pour le diviniser.
Saint Jean, dans ses lettres parle sans cesse de cet Amour qui vient de Dieu et qui porte à Dieu. L’Amour de Dieu est la mesure de l’Amour pour tous les disciples du Christ : aimer non pas en parole, mais dans les faits et en vérité, et pas seulement quand ça nous plaît, mais par-dessus tout et toujours.
La Charité est l’Unique commandement dont les dix ne sont que les applications concrètes. On peut facilement être dans l’illusion d’aimer, sombrer dans l’émotionnel, le sentimentalisme en affirmant qu’on aime Dieu. On le voit bien dans le quotidien. « Aimer », c’est tellement utilisé, tellement galvaudé, polysémique... et parfois même, tellement banal,
voire même destructeur. Un geste peut être dit « posé par amour » alors qu’il détruit l’Amour.
Nous ne pouvons pas aimer Dieu que nous ne voyons alors que nous sommes incapables d’aimer notre prochain. Je me souviendrai toujours de cet enfant qui, au cours d’une eucharistie, au moment du geste de la paix, tout radieux, avec un grand sourire, s’est tourné vers un monsieur, son voisin de droite, pour lui donner la paix du Christ... et le refus du voisin qui « ne voulait pas donner la paix à un enfant qu’il ne connaissait pas ». Voilà un exemple, parmi tant d’autres, de cet amour qu’on est sensé vivre, prêcher... mais qui se confronte à la dure réalité de notre humanité, de notre sensibilité, de notre caractère...
L’Amour doit se vérifier concrètement à travers l’amour que nous avons les uns pour les autres... et plus encore, à travers l’amour dont nous témoignons envers ceux qui ne nous aiment pas. Cet amour qui touche même les ennemis marque la différence entre les disciples du Christ et les païens. C’est cela que le Seigneur a enseigné aux foules, et qui fait vraiment la différence avec l’amour purement humain : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez
pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 43-45)
La charité est aussi la mesure par laquelle nous serons jugés pour avoir part à la vie éternelle : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !’ » (Mt 25, 34-36). Ce qui compte en Amour, ce ne sont pas les paroles, mais les faits, la vie. On peut se demander jusqu’à quel point ce commandement nous engage : Combien ? Quand ? Qui ? La réponse à cette interrogation, c’est Jésus Lui-même : « Comme
je vous ai aimés, aimez vous les uns les autres. »
Nous remarquons donc que cet amour qui nous vient naturellement ne suffit pas : celui pour la famille, les amis, les gens sympathiques, notre équipe de cœur.... Tout cela est bon, mais ce n’est pas suffisant ! Il nous faut aller plus loin en aimant comme Jésus : Il a toujours aimé et Il a aimé tout le monde, même ses bourreaux sur la Croix, en intercédant pour eux afin que le Père leur pardonne ! Il a aimé, non par convenance personnelle, non pas par calculs comme nous très souvent, mais de tout son cœur jusqu’à donner sa vie. « Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » ( Jn 15, 12-13).
Compris dans ce sens, nous nous rendons compte que ce type d’Amour qu’on appelle « Charité » ne peut venir que de Dieu. Il s’agit d’un don. C’est en vivant et le pratiquant comme Jésus que ce commandement devient vraiment nouveau.
C’est la nouveauté du Christ qui embrasse et dépasse la Loi pour la porter à son accomplissement. C’est aussi la nouveauté de la foi chrétienne quand elle parle d’Amour. Avant Jésus, les hommes et les femmes ont fait l’expérience de l’amour. Même les non-croyants sont capables d’aimer. Il y en a certainement
parmi eux ceux qui aiment plus que certains chrétiens.
Avouons qu’humainement, quand nous aimons, nous le faisons avec certaines limites : seulement certaines personnes et sous
certaines conditions ! La nouveauté de la charité comme vertu théologale incarnée par Jésus, c’est de détruire « les réserves, les conditions et les limites » de notre amour pour aimer totalement comme Lui. Au quotidien et humainement, cela n’est pas évident : nous devons nous appuyer sur une réalité, une grâce venant d’ailleurs, venant de Dieu.
Pour aimer comme Lui, le Seigneur Lui-même nous vient en aide : sa Parole nous est donnée pour nous éclairer, les sacrements nous soutiennent et nous donnent la grâce d’aimer, l’exemple de Jésus, des saints, des hommes et des femmes d’hier et d’aujourd’hui qui ont été des modèles de charité nous inspirent et nous montre que c’est possible pour ceux qui sont dans le Seigneur.
Et c’est là que nous pouvons dire avec saint Paul : « Je peux tout supporter avec celui qui me donne la force. » (Phil, 4, 13). Cette grâce qui est donnée par le Seigneur sans discrimination permet à chacun de nous de travailler à l’édification d’un monde meilleur, un monde vivant déjà de la vie éternelle. C’est la charité qui permet au Royaume de Dieu d’être « déjà » présent dans ce monde contingent et limité.
La charité transforme le monde, nous fait vivre déjà dans les cieux parce qu’elle transforme les relations humaines. Chacun de nous, peut importe son niveau social, ses capacités intellectuelles, sa culture, sa race... peut aimer vraiment et être ainsi ce levain dont parle Jésus dans la parabole, un levain qui est quantitativement très minime, mais tellement efficace pour transformer et fermenter la masse de cette humanité aimée de Dieu dans laquelle nous sommes tous insérés. Il appartient à chacun de nous, chaque matin, de demander cette
grâce et de prendre la résolution de poser des gestes de charité qui nous coûtent, mais qui aiguisent et font grandir cette grâce que le Seigneur a déposé en chacun de nous depuis le baptême.

Père Joseph Bavurha

 


Actualité publiée le 16 mai 2013