" Le Seigneur nous a appelés à devenir ses disciples : quelle grâce ! Il nous a consacrés par l’onction ; et toute consécration est pour la mission ; elle nous fait sortir de nous-mêmes pour nous tourner vers Dieu et vers nos semblables. Jésus nous envoie, comme Il a été envoyé par son Père, vers les pauvres, les captifs, les aveugles, les opprimés. Le champ de la mission est donc toute l’humanité humiliée, enfermée dans un monde clos sur lui-même, sans vision et sans horizon, oppressée par le joug du mal. L’Eglise, Corps du Christ, participant de l’onction reçue par le Christ, est présente au milieu de cette humanité en souffrance. Elle a mission de lui redonner espérance par l’annonce de la Bonne Nouvelle du salut ; elle est envoyée pour guérir les cœurs brisés en leur témoignant de l’amour de Dieu pour chacun ; elle fait œuvre de libération ; en évangélisant, elle ouvre les yeux du cœur sur les vastes horizons de la vie nouvelle dans le Christ ; enfin elle est là pour briser les jougs qui oppressent l’humanité. Elle est donc au service de la vraie liberté de l’être humain, non pas celle qui consiste à donner libre cours aux égocentrismes des individus, mais celle engage dans la relation aux autres, et responsabilise dans le respect du Bien commun et des plus faibles.

La consécration baptismale nous rend participants de la consécration de Jésus-Christ et de son sacerdoce. « Il a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père ». La mission de l’Eglise est donc aussi d’offrir à Dieu le Père, par Jésus-Christ, dans la force de l’Esprit Saint, un sacrifice de louange pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Ce sacrifice consiste dans la prière personnelle et la prière de l’Eglise, qui est participation à la prière du Christ, et particulièrement dans l’Eucharistie, au cours de laquelle nous sommes invités à nous offrir nous-mêmes dans l’offrande de Jésus-Christ à son Père.

En tant que baptisés, nous sommes donc radicalement engagés dans la mission du Christ. L’Eglise est tout entière consacrée pour la mission. Etre chrétien et être missionnaire est une seule et même chose : la grâce du Christ et l’onction de l’Esprit Saint font de la vie du chrétien une vie donnée à Dieu et à l’humanité. Il me semble qu’il est urgent de prendre une conscience renouvelée de ce qu’implique notre être chrétien, notre dépendance librement consentie vis-à-vis du Christ au service de sa mission.

Et nous, ministres ordonnés, diacres, prêtres, évêques, nous sommes consacrés d’une autre onction de l’Esprit Saint au service de la consécration baptismale des disciples du Christ. Nous sommes envoyés pour nourrir les disciples de Jésus par la Parole de Dieu, en leur expliquant les Ecritures, et pour leur conférer la grâce du Christ par les sacrements. Comme diacres, nous témoignons de l’attitude du Christ Serviteur de tous ; comme prêtres et évêques, nous signifions la présence du Christ Bon Pasteur au milieu de la communauté, nous servons la communion, discernant les charismes et encourageant leur mise en œuvre.

Les ministres ordonnés, chacun selon sa personnalité et ses charismes, sont essentiellement des hommes qui agissent au nom du Christ, et au nom de l’Eglise. C’est dire le lien qu’ils doivent entretenir avec le Christ et avec l’Eglise ; c’est un lien de dépendance dans l’amour. Plus nous avons de responsabilité dans l’Eglise, plus nous sommes dépendants, et nous apprenons à obéir. Agissant au nom du Christ, les ministres ordonnés doivent s’imprégner de sa pensée, entrer dans ses vues qui sont celles du Père, chercher sa volonté qui est celle du Père. Agissant au nom de l’Eglise, Epouse du Christ, ils doivent écouter ce que l’Esprit dit aux Eglises, en étant à l’écoute de l’ensemble du Peuple de Dieu. D’où l’importance des lieux de synodalité, des EAP ou des divers conseils, mais aussi des assemblées de type synodal.

Ainsi les ministres ordonnés renoncent à leurs propres pensées, à leur point de vue ; ils prennent du recul avec leur propre sensibilité, pour penser à partir du Christ et en Eglise. C’est le Christ que les fidèles sont en droit de percevoir en eux, c’est le Christ qu’ils viennent chercher auprès d’eux. C’est l’Eglise qu’ils représentent, dans la mesure où ils font corps avec l’Eglise Universelle, le diocèse, et la communauté concrète qu’ils sont appelés à servir.

Evêques et prêtres, nous sommes intendants des mystères du Christ, nous portons un trésor dans les vases d’argiles que nous sommes. Nous sommes indignes de l’appel que Dieu nous a adressé, nous ne serons jamais à la hauteur de la mission qu’Il nous confie. Nous sommes témoins, dans nos pauvretés, de la folie de l’amour de Dieu qui nous fait confiance. Le Christ se donne à vous, frères et sœurs, à travers des hommes bien limités et conscients de leurs limites. Ne regardez pas ces limites, mais regardez le Christ en ses ministres. Ils savent qu’ils ne sont pas le Christ, et ils s’étonnent toujours que la grâce du Christ puisse vous être transmise à travers leur propre opacité. Mais c’est bien la logique de l’Incarnation.

Le Christ est là dans ses ministres, diacres, prêtres et évêques, quand ils agissent en son nom, Il est là dans la communauté rassemblée en son nom, Il est là quand on lit les Ecritures en assemblée, Il est là agissant dans les sacrements et particulièrement dans l’Eucharistie, et d’une manière spéciale dans les espèces eucharistiques.

C’est pourquoi, plutôt que nous arrêter à nos limites, sachons reconnaître le Christ présent et agissant au milieu de son Eglise, et suivons-Le d’un cœur unanime pour participer à son œuvre et porter de nombreux fruits. Stimulons-nous dans la conversion personnelle, dans le désir de la sainteté. Demandons à Jésus de raviver en nous l’onction reçue au baptême, à la confirmation, à l’ordination pour nous ministres ordonnés, pour que le feu de l’Esprit Saint nous pousse à témoigner ensemble et sans relâche de la Bonne Nouvelle du salut ! "

+ Guy de Kerimel
Archevêque de Toulouse