Rencontre avec le père Pierre-André Burton, père abbé cistercien

Rencontre avec le père Pierre-André Burton, père abbé cistercien

Après 168 ans de présence à l’abbaye Sainte-Marie de Bellegarde, dans notre diocèse, les moines cisterciens s’apprêtent à nous quitter. Mgr Le Gall, ici dans ce texte, leur adresse un message d’adieu : « Nous aimions venir et revenir à l’Abbaye, pour un jour, pour une retraite, seuls ou en groupe. Tout cela reste au fond de nos cœurs : nous rendons grâce à Dieu pour leur longue présence dans notre diocèse, nous les remercions, tant les frères qui partent que ceux qui les ont précédés.  »

Avant leur grand départ, le frère Pierre-André Burton, leur Père Abbé, a accepté de répondre à nos questions.

 

- Voilà 168 ans que l’ordre cistercien rayonne dans notre diocèse. Que pouvez-vous nous dire sur la présence des moines durant cette longue période ?

C’est une longue période durant laquelle les moines ont ensemencé la terre du canton de Cadours, à la fois par le travail de la terre, l’exploitation d’une propriété forestière mais aussi et surtout par le "labeur" de leur prière quotidienne, 8 fois le jour, à travers la célébration de la liturgie des heures (l’opus dei, comme dit saint Benoît), par la vie fraternelle en communauté et par l’accueil des hôtes.
Ce lieu de paix et de ressourcement a aidé beaucoup de personnes à retrouver un sens à leur vie grâce au climat d’accueil et d’écoute respectueuse.

- La communauté cistercienne a compté jusqu’à une soixantaine de moines ; aujourd’hui vous n’êtes plus que 8 moines à Bellegarde. Pouvez-vous nous décrire les profils de ces chercheurs de Dieu ?

Dernièrement, nous étions 8 frères, âgés de 57 à 100 ans, tous Français, à part moi qui suis d’origine belge. Chacun contribue à la bonne marche de la communauté à travers les divers services communautaires, comme dans une famille. Certains se chargent de la gestion économique et matérielle, d’autres de tâches plus simples telles que le ménage, la buanderie, l’entretien des parcs, le travail au magasin, mais aussi l’accueil et l’écoute spirituelle des hôtes, etc.
A présent, chacun de nous a trouvé un nouveau lieu de destination, la plupart dans un monastère de France de tradition bénédictine ou cistercienne. Un frère a fait le choix de se rendre dans un monastère de notre Ordre, en Équateur (loin et haut !) ; pour ma part, je prends un temps sabbatique avant de fixer ma "stabilité" dans un monastère précis d’ici un an et en fonction des appels que l’Ordre pourrait m’adresser.

- Des vies de retrait, de contemplation , de prière, de silence… pour quoi faire ?

Vie de solitude, retrait, silence pour que le cœur de l’homme devienne "caisse de résonance" à la parole de Dieu, et que ce cœur fasse écho à cette Parole, à sa petite mesure, pour éclairer le chemin souvent peineux du monde. Mais "Solitaire pour être solidaire", dit un proverbe monastique, car le retrait n’est pas voulu comme un repli, mais comme une capacité matricielle (sein maternel) pour faire advenir un monde nouveau. Se confronter au combat spirituel permet d’être mieux en mesure pour compatir (souffrir avec), en partageant les peines et les joies, la tristesse et l’espérance du monde.

- Quel témoignage cette vie fraternelle en communauté apporte-t-elle ?

Dans un monde où il y a tant de déchirures, cela atteste que le "vivre-ensemble" est non seulement possible et que c’est même un lieu d’humanisation. En effet, la vie communautaire rabote les angles certes, mais elle unifie les âmes si l’on consent à s’y offrir et s’y livrer. "Si je suis entré en vie fraternelle en communauté, disait un ancien, c’était pour trouver le bonheur ; mais si j’y suis resté, c’est pour essayer de rendre les autres heureux".

- À l’heure du départ, quel est votre sentiment ? Quel regard portez-vous sur ce passé ?

À la fois un immense arrachement car certains frères ont plus de 57 ans de présence, et notre centenaire 79 ans de présence ! Mais en même temps, une action de grâce pour la fécondité passée, notamment le rayonnement spirituel du monastère depuis 168 ans, avec la présence de très grandes figures monastiques, à commencer par notre Frère et Bienheureux Marie-Joseph Cassant, également deux grandes figures abbatiales Dom Candide et Dom André Malet. Il y a encore eu la fondation de trois monastères : deux en Espagne (qui ont eux-mêmes fondés en Amérique Latine) et un en France (à Igny, près de Reims, actuellement occupé par des moniales). Enfin, nous sommes en action de grâce pour la fécondité à venir en transmettant cet endroit au "Village de François". Le lieu aura une nouvelle vie.

- Justement, pour l’avenir, quel est votre état d’esprit quant à cet autre projet qui s’annonce...

Je suis plein d’espérance pour un projet qui s’inscrit dans la ligne et de notre tradition monastique (nos fondateurs voulaient suivre pauvres le Christ Pauvre), et de l’enseignement ordinaire de notre pape François, c’est-à-dire une Église qui va vers les périphéries et ouverte au plus démunis de la société. Avec en prime le souci d’une écologie intégrale, tout en faisant une place plus réduite, mais réelle, à la liturgie.

- Le Village de François, pouvez-vous nous le décrire en quelques mots ?

C’est à la fois un projet qui s’inscrit dans la continuité et dans la nouveauté. Continuité dans un lieu chargé d’histoire, avec le maintien des activités développées par les frères : l’accueil à l’hôtellerie existera toujours, la présence d’une boutique, un point de vente. L’activité de conditionnement et de distribution de miel et de bonbons sera poursuivie, le maintien de l’emploi également, etc. Parallèlement, ce sera nouveau dans la manière de mettre en œuvre un projet en bien des points différents du nôtre (où règnaient le silence, la retraite, la solitude, rythmé par la prière).

- Les 2 et 3 octobre prochains, nous rendrons grâce, avec les moines et les moniales bénédictins et cisterciens, pour votre présence à Bellegarde. Tout le monde peut venir ?

Oui, la célébration d’Action de grâces est ouverte à tous, que ce soit le vendredi soir pour les vêpres à 18h, en présence effectivement de moines et de moniales ; mais aussi le samedi, à la messe à 10h30 et le "passage de relais". Le site sera accessible en fonction des places disponibles dans l’église. La célébration a été voulue en lien avec l’Église diocésaine, nos voisins et nos amis.