Cathédrale Saint-Étienne, dimanche 13 décembre 2015

Texte d’ouverture de la Porte sainte et de l’Autre porte

Cathédrale Saint-Étienne, dimanche 13 décembre 2015

Avant l’entrée

• Nous allons vivre ensemble, en diocèse, face à notre cathédrale, chers Frères et Sœurs, un « passage », une Pâque. C’est une première dans l’histoire, car jamais encore les évêques n’avaient été invités à ouvrir des Portes saintes dans leurs diocèses. Cette célébration n’est pas sans rappeler la Vigile pascale, où nous attendons dehors, à la lumière du feu nouveau, le moment d’entrer dans nos églises à la suite du cierge pascal. Le calendrier liturgique fête aujourd’hui sainte Lucie, une sainte qui annonce la Lumière, puisqu’en ce jour où il arrive au plus bas de sa course, le soleil va commencer à remonter : « À la sainte Luce, les jours croissent du saut d’une puce ! » Tout à l’heure, à la fin de la cérémonie, nous serons invités à transmettre la lumière, comme on le fait plusieurs fois à la Veillée pascale.

• Soyons attentifs ! Jésus va nous dire qu’il est le Pasteur qui entre par la porte : il est chez lui. Il n’est pas un voleur, ni un bandit ni un assassin ; il en vient pas pour voler, égorger, faire périr : ces paroles nous ramènent aux tragédies qui ont ensanglanté la France voici exactement un mois ce soir. Jésus est lui-même la Porte, par laquelle on entre et on sort, grâce à laquelle on demeure dans la sécurité de la bergerie. Il est le Bon Pasteur, le vrai Berger qui donne sa vie pour ses brebis. Entrons à sa suite dans l’enclos qui est ouvert à tous, dans cet espace où nous pourrons entendre sa Voix, sa Parole, pour avoir la vie en abondance.


Après l’Évangile

• Nous venons d’entendre les paroles de saint Jean dans sa première lettre : « Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés » (4, 10). « Nous aimons parce que Dieu lui-même nous a aimés le premier » (4, 20) C’est Dieu qui prend toujours les devants, lui, le Créateur et le Sauveur : il nous a aimés le premier. Il n’y a pas longtemps, mais nous l’avons peut-être oublié, le pape Benoît XVI annonçait une Année de la foi (12 octobre 2012 – 24 novembre 2013 pour la fête du Christ-Roi) en ces termes : « La Porte de la foi qui introduit à la vie de communion avec Dieu et permet l’entrée dans son Église est toujours ouverte pour nous. Il est possible de franchir ce seuil quand la Parole de Dieu est annoncée et que le cœur se laisse modeler par la grâce qui transforme. Traverser cette porte implique de s’engager sur un chemin qui dure toute la vie. Il commence par le baptême (cf. Rm 6, 4), par lequel nous pouvons appeler Dieu du nom de Père, et s’achève par le passage de la mort à la vie éternelle, fruit de la résurrection du Seigneur Jésus qui, par le don de l’Esprit Saint, a voulu associer à sa gloire elle-même tous ceux qui croient en lui (cf. Jn 17, 22) » (Porta fidei, du 11 octobre 2011, n. 1). Le texte des Actes montre clairement que c’est Dieu qui nous ouvre « la porte de la foi ». Paul et Barnabé reviennent de leur première mission : « Une fois arrivés, ayant réuni l’Église, ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux païens la porte de la foi » (14, 27). Il est donc clair que c’est Dieu qui ouvre la porte de la foi, comme il ouvre celle de la miséricorde.

• « La porte s’ouvrait de l’autre côté ! » C’est l’expérience d’un chef d’entreprise en recherche spirituelle. Il s’était arc-bouté contre la porte qui ouvre sur les mystères sans pouvoir l’ouvrir un tant soit peu ; après bien du temps, il s’affaissa au pied de la porte : c’est alors qu’elle s’ouvrit « de l’autre côté » (Père Molinié, Le courage d’avoir peur, Cerf, 2003).

• Puis-je le noter : hier après-midi, j’ai heurté une porte fermée transparente que je n’utilise jamais et je me suis un peu blessé ! Était-ce un signe ? Ce n’était pas encore l’heure d’ouvrir la porte sainte.

• En tout cas, « Avançons-nous avec assurance vers le Trône de la grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours » (He 4, 16). Entrer dans une église, comme nous venons de le faire en cette cathédrale, c’est accéder à un espace de miséricorde.

• Notre pape François a canonisé le pape Jean-Paul II le dimanche 27 avril 2014, l’an dernier, en la fête de la Divine Miséricorde, instituée par le saint pape au dimanche octave de la Résurrection. On peut noter que l’antique oraison de ce jour invoque le Seigneur en ces termes : « Dieu de miséricorde éternelle ». On sait que la devise épiscopale du pape François est Miserando atque eligendo, qui est la reprise d’un commentaire du Bénédictin saint Bède le Vénérable sur la vocation de Matthieu : « Il l’a élu dans sa miséricorde » ; en rigueur de traduction, il faudrait lire : « En sa miséricorde, il l’a choisi ». Les actes que rédige le Chancelier et que je signe commencent toujours par la formule : « + fr. Robert Le Gall, par la Miséricorde de Dieu et l’autorité du Siège apostolique Archevêque de Toulouse ». Ainsi font tous les évêques. Nous avons autant et plus que les autres de la miséricorde de Dieu et des autres.

• Une porte est faite pour entrer, pour demeurer, et pour sortir. Sachons en profiter aujourd’hui, toute l’Année sainte et au-delà. Ce n’est pas pour un jour ni une année que le Cœur de Dieu, ouvert sur la Croix, s’est penché sur notre misère, pour l’assumer et nous en sortir. Le monde et nous-mêmes en avons grand besoin. À nous d’être aussi Miséricordieux comme le Père. En effet, il n’y aurait pas de sens pour nous de solliciter la miséricorde du Père, qui nous ouvre son Cœur et celui de son Fils, si nous fermions le nôtre à celui de nos frères et sœurs dans le besoin, dans l’attente d’une présence aimable et aimante.

 

• Nous n’allons pas rester dans cette cathédrale, pas plus que les brebis ne restent indéfiniment dans la bergerie. Le Pasteur les fait « sortir » pour les mener sur de gras pâturages. Nous le savons : dans les commerces ou les lieux publics, nous avons l’indication Tirez ! pour entrer, et celle de Poussez ! pour sortir ; il est plus facile de pousser pour sortir que de tirer pour entrer : laissons-nous attirer pour entrer comme nous l’avons fait à l’invitation du Seigneur, notre Berger ; comme lui, je vous ai reçus chacun et chacune à la Porte sainte. Nous sortirons tout à l’heure, nourris de la Parole vivante de Dieu, dont nous avons soif comme disciples de Jésus ; nous ne la garderons pas pour nous, mais nous aurons à cœur de la répandre, de la transmettre, de la faire comprendre. Ainsi, nous serons prêts à partir, pour aller là où nous sommes, où nous devons être, et obéir à l’envoi en mission de Jésus, tel que nous le fait entendre la fin de l’Évangile selon saint Matthieu : « Allez, de toutes les nations faites des disciples  : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé  » (Mt 28, 19).

• Pour cela, nous nous recommandons à Marie, notre Mère immaculée, qui s’est révélée telle à Bernadette en notre Province à Lourdes, quatre ans après la définition du dogme de l’Immaculée-Conception par le Bienheureux pape Pie IX. Son privilège d’Immaculée ne la met pas à part de nous, car c’est pour nous qu’elle l’a eu, selon les paroles de saint Paul dans sa lettre aux Éphésiens dans l’excellente nouvelle traduction liturgique officielle : « Il nous a choisis dans le Christ avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour  » (1, 4).

• Dans le chant de Complies propre au cycle de Noël, l’Alma Redemptoris Mater, nous lui disons : « Toi qui restes la Porte ouverte pour entrer au ciel ». Dans le Salve Regina, nous la saluons du titre de Mater misericordiæ, « Mère de Miséricorde ». Nous lui confions cette Année sainte qui commence pour qu’elle soit, comme elle, « pleine de grâce ». Amen.

+ fr. Robert Le Gall
Archevêque de Toulouse