ALEP, tristesse et dignité...

 

Note rédigée dans l’avion de retour de Beyrouth, le 4 février 2017, juste de retour d’ Alep
où j’ai fait partie d’une mission humanitaire et médicale d’évaluation de besoins...

 

Le constat brut est que la population est passée de 3,5 à 1,5 millions d’habitants.

Depuis 6 ans, ils ont vécu :

  • La mort des leurs proches (11 000), les blessures (30 000 en 2016)
  • La peur
  • La faim,
  • La soif (alimentation en eau de la ville coupée par les terroristes depuis 2015)
  • L’absence de fourniture électrique (centrales détruites par les terroristes)
  • Le froid (plus de combustible)
  • …………..

► La raréfaction des soins par manque de moyens matériels et de médicaments (embargo par l’Occident sur les consommables, les appareils médicaux et chirurgicaux, les pièces de rechange, les financements, ….). L’embargo ajoute des souffrances aux souffrances.

Des hôpitaux ont été détruits systématiquement après pillage des équipements transférés en Turquie !!!!!!!!

► Dans les entreprises industrielles des zones occupées, les machines ont été enlevées et transportées en Turquie ( à Gaziantep). Des reconnaissances avaient été réalisées en 2010 par des industriels turcs, sous couvert de visites aux industriels pour établir des liens commerciaux. 2100 industriels turcs sont venus et ont visité les ateliers.
Les machines laissées sur place et les bâtiments ont été détruits. Ce qui représente 65000 entreprises de tailles diverses.
Le pillage des machines est évalué à 50 milliard de $. Sans compter les pertes de production et les emprunts à rembourser.
1 million d’ouvriers et employés s’est trouvé sans travail.

La ville est détruite à 60 %, les infrastructures sont très détériorées

► De 5% de pauvres en 2010, la ville est passée à 95 % aujourd’hui.
Il y a des aides de l’état, mais aussi des associations leur viennent en aide, avec des repas chauds, des paniers alimentaires, de petites aides pécuniaires qui sont, toutefois, les bienvenues, des écoles pour les enfants, ………..

Un hospitalier m’a confié que beaucoup d’enfants étaient abandonnés, plus scolarisés, qu’ils fumaient, se droguaient, et que des femmes sans ressources se prostituaient.

Il y a des profiteurs de guerre pour tout, eau, nourriture, électricité……..Alors que le pouvir d’achat a été divisé par 10 en 6 ans.

 

Mgr Dionicio Antonio CHAHDA, évêque syro-catholique nous a confié :
« Les habitants d’Alep sont des morts vivants. La tristesse est partout »

Les personnes que nous avons rencontrées sont terriblement fatigués, mais dignes et veulent relever leur ville.
Elles se sont dévouées et continuent à se dévouer tous les jours pour leurs concitoyens. Certains jours elles doivent avoir envie de baisser les bras tant la tâche est immense.

Mais,
Mais
,
      Mais elles sont déterminées, car elles aiment leur ville et leur pays.


Toutes nous reprochent, à nous Français, de les avoir abandonnés au plus fort de leur détresse. Et à nos gouvernants de les avoir trahis. Et à nos médias d’avoir menti honteusement.
Pourtant, malgré tout, elles aiment la France, leur deuxième patrie.

Il nous faut admirer le courage de ceux qui ont tous vécu tant d’horreurs et de privations, et qui se dépensent pour aujourd’hui et préparent l’avenir.

Ils m’en voudraient certainement que je les appelle : des Héros.
Cela ne fait rien, je persiste et signe.

Maintenant, comme avant, ils ont besoin de savoir que nous parlons de ce qu’ils ont vécu et continuent de vivre.

Ils ont besoin de savoir, qu’au delà des paroles, nous allons retrousser nos manches et travailler, à notre place, à la renaissance des habitants d’Alep.

Il y en a tellement à raconter, qu’il faut bien que je m’arrête ici.
Mais je ne me tairai pas.

 

Pierre Blanchard
4 février 2017

 

 

 


Actualité publiée le 21 février 2017