Homélie de Mgr de Kerimel pour la messe en mémoire de Benoît XVI

L’évangile de ce jour évoque la rencontre de Jésus avec ses premiers disciples, André, Jean, puis Simon Pierre, amené à Jésus par son frère André. Saint Jean-Baptiste indique Jésus à deux de ses disciples, Jean et André, Le présentant comme L’Agneau de Dieu. Les deux disciples suivent Jésus ; celui-ci se retourne pour leur demander : « Que cherchez-vous ?  ». C’est une question fondamentale que tout être humain doit se poser, car elle décide de l’orientation de sa vie. Dans la culture actuelle, beaucoup se cherchent eux-mêmes, d’autres cherchent les honneurs mondains, la richesse, l’amour ou simplement la jouissance. De plus en plus de personnes cherchent le sens de leur vie et, souvent, sans le savoir, cherchent Dieu.

Jean-Baptiste a préparé les cœurs de ces deux disciples à la venue du Messie, à l’attente du Messie, à la quête du Messie. Ils ont compris, à l’école de Jean le Baptiste, que le sens de leur vie, de la vie de leur peuple, de la vie du monde, dépendait du Messie, dépendait de la connaissance du Christ. En effet, le salut et l’avenir du monde tiennent à la connaissance du Christ, c’est-à-dire à une communion profonde avec Lui, et par Lui avec Dieu le Père. La connaissance de Dieu est en fait la plus haute aspiration de l’être humain et l’aboutissement de sa vie. C’est ce qu’avait perçu Moïse quand il demandait à Dieu de voir sa face ; c’est ce que désirait sainte Thérèse d’Avila qui voulait voir Dieu. Saint Paul, après sa conversion, a tout laissé, a tout perdu, « à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance de Jésus-Christ, mon Seigneur  » (Phil. 3, 8). Car, dit-il aux Colossiens, dans le Christ « se trouvent cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance » (Col. 2, 3).

Voir Dieu, Le connaître, a fait dire à saint Thomas d’Aquin que le bonheur du ciel consisterait dans la vision de Dieu. Il s’appuyait sur ces mots de Jésus, dans sa prière à son Père, au chapitre 17 de l’évangile selon saint Jean : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ  ». Ce désir est ce qui pousse un certain nombre de personnes à prendre du recul par rapport aux réalités d’ici-bas et à chercher Dieu dans une vie contemplative.

La quête de Dieu, inscrite dans le cœur de tout être humain, est malheureusement souvent détournée par l’orgueil et les passions humaines : l’intelligence du cœur est obscurcie, les désirs se tournent vers les biens de ce monde ; la négation de Dieu introduit le relativisme, le renoncement à concevoir la Vérité absolue, le Bien absolu, au point de ne plus savoir distinguer le bien et le mal. Cependant, la quête de Dieu demeure mystérieusement présente.

Il me semble que toute la vie du pape Benoît XVI a été une réponse à la question de Jésus : « Que cherchez-vous ? ». Il a cherché Dieu avec son intelligence vive et son cœur, et il a voulu faire connaître le Christ, en tant que prêtre, théologien, archevêque, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, pape, et encore comme pape émérite. À partir des exigences de la raison et à la lumière de la foi, il a scruté le mystère du salut et a cherché à transmettre ce qu’il en avait compris. Il laisse à l’Église un précieux patrimoine théologique et spirituel, mais aussi le témoignage d’un homme doux et humble, qui portait en lui un trésor dans un vase d’argile, et ce trésor c’était le Christ. Parmi ses œuvres, il y a une, en trois livres, deux intitulés « Jésus de Nazareth  », un sur « L’enfance de Jésus  ».

Ce travail est le fruit, comme il l’écrit en avant-propos, d’un long cheminement intérieur. Je ne peux m’empêcher de faire un rapprochement entre l’évangile de ce jour et ces livres du pape émérite sur Jésus de Nazareth. Pour connaître Jésus et Le faire connaître, Benoît XVI a longuement étudié les évangiles, mais aussi il les a médités dans la prière. Il a cheminé intérieurement avec Jésus pour Le connaître non seulement intellectuellement, mais par le cœur, par l’expérience d’avoir été saisi par le Christ. Comme nous le savons, il a dénoncé ce relativisme de notre époque, qui obscurcit et décourage la quête de Dieu.

Dans son discours aux Bernardins à Paris, en septembre 2008, Benoît XVI a évoqué l’intelligence humaine en quête de Dieu ; c’est, pour lui, la quête de Dieu qui est le stimulant le plus important de l’intelligence humaine, c’est elle qui est à l’origine des universités. Les moines de saint Bernard qui vivaient dans ce lieu cherchaient Dieu avec leur intelligence et à la lumière de la foi. « Leur objectif, écrit Benoît XVI, était de chercher Dieu, quaerere Deum. Au milieu de la confusion de ces temps où rien ne semblait résister, les moines désiraient la chose la plus importante : s’appliquer à trouver ce qui a de la valeur et demeure toujours, trouver la Vie elle-même. Ils étaient à la recherche de Dieu. Des choses secondaires, ils voulaient passer aux réalités essentielles, à ce qui, seul, est vraiment important et sûr. On dit que leur être était tendu vers l’"eschatologie". Mais cela ne doit pas être compris au sens chronologique du terme - comme s’ils vivaient les yeux tournés vers la fin du monde ou vers leur propre mort - mais au sens existentiel : derrière le provisoire, ils cherchaient le définitif  ».

C’est bien, me semble-t-il, un message essentiel du pape Benoît XVI. C’est pourquoi, nous pouvons laisser résonner en nous la question de Jésus à ses premiers disciples : « Que cherchez-vous ?  », et y répondre par la question des disciples : « Où demeures-tu ? » qui est l’expression d’une demande d’entrer dans son intimité. Où donc le Christ demeure-t-Il sinon dans le Père ? En cherchant le Christ, nous trouverons dans le Père notre demeure éternellement stable, notre plénitude.

Nous prions pour que, après avoir cherché le Christ et L’avoir mieux fait connaître, Benoît XVI soit avec Lui dans la demeure du Père !

Amen !

 + Guy de Kerimel
 Archevêque de Toulouse
Cathédrale Saint-Étienne, le 4 janvier 2023

 


Actualité publiée le 5 janvier 2023