Un texte de Mgr Guy de Kerimel
Homélie de Mgr de Kerimel
Messe d’accueil de Mgr Batut,
9 septembre 2023 à la Cathédrale Saint-Étienne
" Mgr Jean-Pierre Batut, le Seigneur et l‘Église vous envoie pour m’assister dans la charge de ce beau diocèse de Toulouse. J’en rends grâce à Dieu ! Membre du collège des évêques, successeur des Apôtres, vous avez été ordonné comme moi pour veiller, avec la collaboration des prêtres, sur le peuple de Dieu qui est confié à notre vigilance bienveillante. « Je fais de toi un guetteur », disait Dieu au prophète Ezéchiel. Quelle responsabilité ! Vous allez m’aider à être un bon guetteur, à bien veiller sur le peuple de Dieu qui est en Haute-Garonne, puisque l’origine étymologique du mot évêque signifie celui qui veille sur. En effet, l’évêque, avec la grâce du Christ, veille dans la prière, il enseigne, il écoute beaucoup pour discerner, il indique le Chemin, il dénonce le mal tout en témoignant de la miséricorde, il encourage et fortifie ses frères et sœurs dans la foi, il sert la communion, il responsabilise. Il a mission de faire en sorte que chaque membre de l’Église déploie la grâce baptismale reçue et se sanctifie en exerçant la triple fonction de prêtre, de prophète et de roi, sous la conduite de l’Esprit Saint. L’évêque a mission d’éveiller les dons endormis chez beaucoup de baptisés ; il m’est arrivé de penser que j’avais à réveiller l’Esprit Saint dans le cœur de nombreux baptisés.
L’évangile de ce jour évoque la correction fraternelle, mais plus profondément la question de l’unité des disciples, mise à mal par le péché d’un de ses membres. Or l’unanimité de l’Église est une condition de la fécondité de sa mission ; elle témoigne par elle-même de la présence ébauchée du Royaume de Dieu ; elle donne à voir quelque chose d’un monde réconcilié. Les Actes des Apôtres, évoquant l’Église primitive, dit que les disciples avaient un seul cœur et une seule âme. Si le service de l’unité, de la communion, fait partie spécifiquement de la mission de l’Évêque, le passage de l’Évangile que nous venons d’entendre m’invite à insister sur la responsabilité de chaque baptisé, et la responsabilité de la communauté chrétienne, envers ses frères et sœurs. L’évêque n’est pas le seul à veiller sur ses frères et sœurs, et sur la communion fraternelle. En effet, tous les membres du Corps du Christ ont une certaine responsabilité les uns vis-à-vis des autres. L’Église est un Corps dont les membres sont solidaires les uns des autres ; si un membre en blesse un autre, l’unité du Corps et son action en sont fragilisées. Les chrétiens sont donc appelés à s’aider mutuellement pour ne pas se laisser asservir par le péché et pour grandir en sainteté. Nous sommes responsables les uns des autres, et nous sommes chargés de nous aider les uns et les autres à vaincre en nous le péché pour que la grâce du Christ triomphe en nous et dans le monde. Nous avons mission de « gagner » nos frères et sœurs, selon l’expression de l’évangile.
Un frère qui pèche contre un autre frère rompt la relation fraternelle. Le frère blessé peut être tenté de se venger, de régler ses comptes avec lui, de l’éliminer de ses horizons ; agir ainsi serait mettre à mal toute la communauté, ce serait faire le jeu du mal. D’où l’importance de la correction fraternelle, pour aider l’agresseur à prendre conscience de son péché et à s’en repentir en demandant pardon. La correction fraternelle n’est pas de l’ordre d’un règlement de compte ou d’une accusation. Elle ne peut pas faire le jeu de l’Accusateur, du démon, qui cherche à enfoncer l’être humain, à le condamner, à l’enfermer dans la mort spirituelle. La correction fraternelle a pour but de « gagner » son frère, de le sortir de la logique du mal, de le réintégrer dans la communauté ecclésiale. La correction fraternelle est au service de la miséricorde.
L’évangile nous fait comprendre que la correction fraternelle n’est pas une seule affaire personnelle ; elle concerne l’Église. C’est pourquoi, si le pécheur refuse d’écouter celui qu’il a agressé, ce dernier fait appel à un ou deux autres frères, et, en cas d’obstination, à la communauté tout entière. En effet, le péché divise et blesse le Corps tout entier de l’Église. Quand une personne est dans la souffrance c’est tout le Corps ecclésial qui souffre, c’est pourquoi la communauté doit réagir, non pas en condamnant l’auteur du mal, mais en dénonçant le mal et en exerçant la miséricorde pour que le pécheur soit libéré de sa faute. S’il faut aller jusqu’à l’exclusion, à cause du refus du pécheur d’écouter, c’est pour qu’il prenne mieux conscience de la rupture des relations provoquée par son péché, et qu’il revienne. Car le pardon est à exercer non pas sept fois, mais soixante-dix fois sept fois !
Le Christ nous pardonne et nous sanctifie par l’Église ; Il se donne à nous dans et par l’Église ; particulièrement à travers le ministère des pasteurs qu’Il a choisis. Mais chaque membre de l’Église, et la communauté tout entière, ont une responsabilité dans le progrès de chacun à la suite du Christ, dans le maintien de la communion fraternelle, et dans la mission ; celle-ci étant indissociable de la communion fraternelle. Chacun à la place où le Seigneur l’a mis, évêque, prêtre, diacre, consacré, laïc, nous avons à nous engager à construire la communauté et à participer à la mission de l’Église, dans une attitude de service, selon les dons et les charismes reçus. C’est une question de charité.
On n’est pas chrétien pour soi, mais pour Dieu et pour les autres. Depuis notre baptême, nous sommes devenus prêtres, prophètes et rois, comme je le disais plus haut : prêtres pour prier et offrir à Dieu nos personnes, toute l’humanité, et le monde entier ; prophètes pour transmettre la Parole de Dieu qui sonde les cœurs, les purifie, les guérit et les vivifie ; rois pour agir en responsables dans une attitude de service. Tous nous avons donc une responsabilité vis-à-vis de nos frères et sœurs et vis-à-vis de toute personne humaine. Nous ne pouvons pas être indifférents à nos frères et sœurs chrétiens, à nos frères humains, particulièrement quand ils vont mal, quand ils sont piégés le mal.
Puissions-nous, les uns et les autres, travailler à notre propre conversion et à celle de toute la communauté. C’est la première étape pour que notre monde aille mieux et pour l’avènement du Royaume de Dieu ! "
+ Guy de Kerimel
Archevêque de Toulouse