Vincent, ton ordination en ce quatrième dimanche de l’Avent, nous rappelle que le sacrement de l’ordre et tous les sacrements prennent leur source dans l’Incarnation du Fils de Dieu, de qui nous recevons la grâce du salut. L’enjeu de ton appel et de ton ordination est bien le salut du monde. C’est pour le salut de tous que tu es ordonné comme collaborateur des évêques, eux-mêmes successeurs des Apôtres envoyés dans le monde entier par le Christ. Tu es ordonné au service de Jésus, pour L’annoncer et agir en son Nom, lui, le Fils de Dieu, né selon la chair, de la descendance de David, mort et ressuscité par la puissance de l’Esprit Saint. « Pour que son nom soit reconnu, disait saint Paul dans la deuxième lecture, nous avons reçu grâce et mission d’Apôtre, afin d’amener à l’obéissance de la foi toutes les nations païennes  ».

En ces jours qui nous approchent de Noël, l’Incarnation du Fils de Dieu évoque pour moi trois images de Jésus : le Nouveau-Né dans la crèche, l’Agneau de Dieu désigné par Jean-Baptiste, le Crucifié. En Jésus, Dieu se révèle dans la dépendance du Nouveau-Né, dans la vulnérabilité de l’Agneau, dans la déchéance du Crucifié ! Bien sûr, je n’oublie pas les nombreux signes accomplis par Jésus, je n’oublie comment Il chasse les démons et confond ses adversaires par la puissance de sa parole, je n’oublie la Transfiguration. Mais, dans le Nouveau-Né, dans l’Agneau, dans le Crucifié, Dieu se révèlerait-Il Autre qu’Il est en Lui-même, ou bien se révèle-t-Il vraiment ? « Qui m’a vu a vu le Père », dit Jésus à ses disciples. Nous pouvons donc penser que Jésus dans la crèche ou sur la croix nous dit la vérité du Mystère de Dieu. C’est ainsi que la contemplation du Nouveau-Né, de l’Agneau de Dieu et du Crucifié nous dit aussi quelque chose de ce qu’est le prêtre chargé de révéler le visage de Dieu en Jésus-Christ, et de transmettre le salut de Dieu.

La dépendance du Nouveau-Né : le prêtre n’est pas un surhomme, mais un homme qui choisit, en réponse à l’appel de Dieu, de se mettre en dépendance : il est établi dans une dépendance étroite avec le Christ auquel il est configuré comme tous les baptisés, mais aussi d’une manière spéciale par l’ordination qui le configure au Christ Tête et Pasteur de l’Église ; le prêtre, pour exercer son ministère de manière féconde, doit laisser passer le Christ à travers sa propre humanité : « ce n’est plus moi qui vit, disait Saint Paul, c’est le Christ qui vit en moi  » ; le prêtre est aussi en dépendance de l’Église : il promet obéissance à son évêque et entre dans le collège des prêtres, ce qui indique qu’il n’exerce pas le ministère à son compte.

L’Agneau : le prêtre est un homme vulnérable : le célibat consacré, choisi librement, l’établit dans une forme de pauvreté au service d’un amour gratuit et désintéressé envers tous. Il arrive hélas que l’agneau se transforme en prédateur, en loup, par infidélité à son propre appel, mais cela ne remet pas en cause le célibat consacré.

Enfin le Crucifié : le prêtre est un homme centré sur la croix du Christ : « conformez-vous au mystère de la croix du Seigneur », dit le rite d’ordination. Il est dispensateur des fruits de la croix du Christ. Il est bien souvent crucifié dans l’exercice de son ministère, sans pour autant perdre la joie de la mission, car il est témoin de la puissance de la grâce, et de la transformation qu’elle opère dans les cœurs.

Dans l’évangile de ce jour, Joseph est invité à prendre chez lui Marie son épouse, enceinte par l’action de l’Esprit Saint. Saint Joseph est confirmé par Dieu dans sa mission d’époux, et constitué gardien des mystères du salut, père du Fils de Dieu fait homme. À toi, Vincent, le Seigneur dit : « ne crains pas de prendre chez toi Marie, la Mère de Jésus ». En effet, elle te centrera toujours sur le mystère de l’Incarnation, elle t’aidera à être un prêtre fidèle et à exercer ton ministère avec justesse, attentif aux petits et aux faibles. Mais « ce qui est dit de Marie en particulier se comprend de l’Eglise en général », disait Isaac de l’Étoile. Marie est figure de l’Église ; en t’invitant à prendre chez toi la Vierge Marie, le Seigneur te confie aussi son Épouse, l’Église. Comme prêtre, le Seigneur te demande de prendre soin, chastement, de son Épouse. L’Église doit trouver toute sa place chez toi, dans ton cœur, dans tes pensées, dans tes prières. Ton service est le service du Corps du Christ, de chacun des membres confiés à ton ministère. Comme Jésus s’est mis aux pieds de ses disciples, tu es invité à te mettre aux pieds de ceux auxquels tu es envoyé.

Par le baptême, tu intégreras dans le peuple de Dieu ceux que l’Église enfante au monde nouveau, tu prendras soin d’eux, tu les nourriras de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie, pour qu’ils deviennent toujours davantage conformés au Christ ; tu les guériras, dans le sacrement de la réconciliation et le sacrement des malades, tu marcheras avec eux, et à leur pas, dans le pèlerinage de foi qui conduit l’Église jusqu’à la Jérusalem céleste.

En tout ton ministère, tu agiras au nom de l’Époux, sans jamais t’approprier l’Épouse. Tu te donneras à Elle comme l’époux se donne à son épouse, pour qu’Elle se donne au Christ son seul Époux. La chasteté est constitutive du ministère des prêtres, comme elle fut constitutive de la mission de Joseph.

Le ministère presbytéral est grand et dépasse totalement les capacités humaines, mais la grâce que tu vas recevoir te donnera de l’exercer avec humilité et fécondité dans la mesure où tu es fidèle. Tu seras un prêtre heureux si tu comptes sur le Christ. Frères et sœurs, chacun de nous est référé au mystère de l’Incarnation ; à chacun le Seigneur confie l’enfant Jésus ; sachons L’accueillir vraiment dans nos vies et nous mettre à son service. Et prions avec une humble insistance le Seigneur d’envoyer des ouvriers pour la moisson, de nous donner de nombreux et saints prêtres !

Amen !

 + Guy de Kerimel
 Archevêque de Toulouse,

le dimanche 18 décembre 2022