Jésus lui-même nous livre la signification du Carême

Point besoin de lire de longs traités. Il suffit de se pencher sur la vie de Jésus pour saisir le sens de la pénitence.

 

La vie publique de Jésus fut un long Carême

Le Carême est un temps de pénitence. Il serait vain de vouloir faire passer celle-ci pour un moment agréable dans le but de mieux « vendre » le Carême à ceux qui rechignent à y entrer. La pénitence demande des efforts, un travail sur soi-même. Cependant, le chrétien possède un modèle indépassable en la matière : Jésus lui-même ! En effet, nulle vie ne fut plus éreintante que la sienne après qu’il fut entré dans la vie publique. La pénibilité d’une période d’existence se mesure d’une part à la différence qu’elle présente avec celle que nous avons vécue précédemment, d’autre part à la délicatesse de caractère de celui qui la vit. Or, telle fut la caractéristique de la vie du Christ : quel écart entre le rejet et l’incompréhension qu’il rencontra chez ses contemporains et le séjour céleste avec son Père avant qu’il ne s’incarnât ! À ce « choc thermique » spirituel s’ajouta sa noblesse propre qui lui fit plus durement éprouver nos égoïsmes et notre orgueil déplacé. Jésus était tout amour et nourrissait l’ardent désir d’entrer en relation avec ses frères humains. Malheureusement, il reçut souvent une fin de non-recevoir de leur part. « Il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas reçu » dit succinctement le prologue de l’Évangile de Jean (Jn 1, 11).

Ainsi, Jésus eut une vie très douloureuse. Peut-on dire qu’il fit pénitence ? Oui et non. Non, parce qu’étant sans péché, il n’avait aucun défaut à corriger ni aucune faute à expier et réparer. Oui, parce qu’il nous a donné l’exemple d’un amour qui rend le bien pour le mal, d’une patience à toute épreuve, d’une maîtrise de soi exemplaire tandis qu’il vivait au milieu de personnes qui le comprenaient rarement et l’exaspéraient plus souvent qu’à leur tour. Les Douze assimilèrent si peu sa doctrine qu’ils en étaient encore, au bout de trois années de vie commune avec lui, à se disputer la première place durant la Cène, la veille de la Passion (Lc 22, 24-27) ! Les foules, quant à elles, le prenaient pour un thaumaturge, un simple guérisseur, alors qu’il leur amenait la vie éternelle et le trésor de la charité ! Enfin, les autorités religieuses de son peuple, choisies pourtant par son Père, ne cessèrent de le jalouser, de l’épier, de le mettre à l’épreuve pour finalement se décider à se débarrasser de lui et le faire condamner à mort. Non, l’existence de Jésus ne fut pas un long fleuve tranquille ni une félicité de tous les instants !

 

Jésus nous enseigne à supporter les maux avec amour

Ainsi, le chrétien peut s’inspirer avec profit de l’exemple de Jésus pour faire pénitence durant le Carême. À son école, il apprendra à supporter son prochain, que ce soit la personne dont les défauts l’insupportent ou bien celle qui ne le comprend pas – que l’on pense à tous ces jeunes qui ont renoncé à s’ouvrir à leurs parents des raisons de leur mal de vivre, ou inversement à tous ces parents qui désespèrent de voir leurs enfants revenir à la foi. Jésus nous aidera à accueillir les coups durs comme des moyens de se dépasser et de progresser dans la foi, l’espérance et la charité.

Surtout, le Christ ne représente pas seulement un beau modèle de patience dans les épreuves. Il est aussi celui qui nous dispense la vie divine, notamment dans les sacrements, grâce à laquelle le pénitent sera en mesure de convertir les mauvaises passes en occasion d’aimer davantage et de rejoindre ses frères en difficulté, ainsi que de résister aux tentations dont la morsure s’accentue durant le temps de Carême. En relevant dans les évangiles les contrariétés que Jésus a rencontrées et sa façon de les surmonter, le pénitent saisira mieux la signification des efforts qu’il s’impose ou que les circonstances le pressent d’accomplir. Il comprendra alors que ce n’est pas la souffrance qui compte mais le fait de rendre le bien pour le mal, de convertir les situations les plus désagréables en occasion d’aimer davantage, ainsi que de changer notre regard sur celui, ou celle, que nous n’aimons pas afin de le voir comme Dieu le voit. Cela demande-t-il un effort ? Certainement ! Mais Dieu n’a jamais songé à faire de nous des assistés de la grâce, des ayants droit avachis sur leurs canapés, selon la formule forte du pape François. Le Carême exige des efforts de notre part. C’est la preuve que Dieu nous respecte. Jésus, tout Fils qu’il était, n’a pas été exempté lui non plus. Prenons-le donc comme modèle, mais surtout comme premier compagnon de route jusqu’à Pâques.

Jean-Michel Castaing

 


Actualité publiée le 1er mars 2021