La prière comme lieu de désappropriation, expérience de pauvreté.
« Père, je m’abandonne à Toi »
La grande tentation de l’être humain dans sa relation à Dieu est de Le ramener à soi. Nous sommes tentés d’utiliser Dieu pour notre propre bien-être. Or la vraie prière, y compris la prière de demande, tout à fait légitime pour recevoir de Dieu ce dont nous avons besoin, nous décentre de nous-mêmes pour nous centrer sur Dieu.
La prière est la reconnaissance que nous ne pouvons pas tout maîtriser dans notre vie. La prière est pratiquée par une personne qui a conscience de ne pas se suffire à elle-même ; elle sait qu’elle ne s’est pas créée, elle sait qu’elle ne peut se donner à elle-même tout ce dont elle a besoin pour vivre. Tout en étant libre et autonome, elle dépend des autres, du Tout-Autre, pour vivre de manière pleinement humaine. Prier c’est reconnaître le lien vital qui nous relie à Dieu.
Dans la prière confiante, nous abandonnons à Dieu la maîtrise de notre vie ; nous renonçons à nos propres vues, nous cherchons la volonté de Dieu pour la mettre en pratique. Un exemple de désappropriation de soi consiste déjà dans le fait de donner du temps à Dieu ; en priant, on prend le risque de s’ennuyer, car, dans la prière, nous n’avons pas toujours de grandes élévations spirituelles. Quand la prière se fait aride comme le désert, quand la nuit s’installe dans le cœur du priant, on peut dire que, d’une manière concrète, il vit un renoncement à lui-même, il se perd pour Dieu.
Un autre exemple de désappropriation, c’est la pratique de la Liturgie des Heures, au cours de laquelle on prie pour l’Église et pour le monde. Le cœur s’associe à la joie, ou à la supplication de toute l’humanité, à travers les psaumes de louange ou de supplication. Celui qui prie, s’oublie pour faire siens les chants de louange ou les cris de détresse de toute l’humanité.
Plus une personne s’enfonce dans la prière, plus elle descend en elle-même et découvre sa propre pauvreté ; plus aussi son cœur s’élargit aux vues de Dieu, aux joies et aux espoirs de l’humanité, et devient solidaire de toutes les pauvretés du monde.
+ Guy de Kerimel
Archevêque de Toulouse