Carême 2021 - Lundi saint, 29 mars 2021 en la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse
Nous étions à Lourdes jeudi dernier, les Archevêques sur place,
la Conférence épiscopale en visioconférence, pour la fête de l’Annonciation.
Il était impressionnant, le soir, de se retrouver seul devant la grotte,
cette fenêtre ouverte du ciel vers la terre et de la terre vers le ciel.
C’était l’anniversaire de la 16ème apparition, celle du 25 mars 1858,
celle où Notre Dame, au jour de l’Annonciation du Seigneur,
a dit à Bernadette qui elle était : Je suis l’Immaculée Conception.
Ce disant, elle étendit les bras vers le sol, joignit les mains sur sa poitrine
et leva les yeux vers le ciel.
Que peut signifier ce geste ?
La Vierge Marie veut sans doute montrer que, par elle,
Dieu vient nous prendre là où nous sommes, dans les profondeurs,
celles des angoisses générées par le coronavirus et celles des abus dans l’Église,
pour nous porter dans ses bras et sur son Cœur immaculé,
afin de nous conduire vers le Mystère de Dieu.
L’oraison de la messe du 26 mars, le lendemain, nous le faisait comprendre :
« Pardonne, Seigneur, les torts de ton peuple ;
puisque notre faiblesse nous a rendus captifs du péché,
que ta tendresse nous en délivre. »
Le geste de Notre Dame nous montre comment,
par la volonté de Dieu et par son intercession,
notre faiblesse est assumée par la tendresse.
Ce même vendredi 26 mars, nous entendions Jésus
appeler des Juifs à s’ouvrir aux signes divins qui mènent à la foi :
« J’ai multiplié sous vos yeux les œuvres bonnes qui viennent du Père » (Jn 10, 32).
Quelles sont ces œuvres bonnes ? Ce sont les miracles opérés par Jésus :
les guérisons, les expulsions de démons, la force et la douceur de sa parole.
Les œuvres bonnes qui viennent du Père sont celles
de la Création et celles de la Rédemption.
Comme créatures et comme ministres ordonnés, nous avons à y contribuer.
Dans l’acte où il crée le ciel et la terre, Dieu dit, Dieu fait et Dieu voit
que tout cela est bon, et même très bon.
Comment respectons-nous notre Maison commune qu’est la terre ?
Tous ces jours de la Semaine sainte, nous honorons les rameaux,
l’huile et l’eau. Nous bénissons et consacrons cet après-midi
les saintes huiles, en attendant de bénir l’eau baptismale.
Notre beau Carnet de Carême nous a invités jour après jour
à une conversion intégrale liée à des vertus de fond,
capables de renouveler notre vocation à la sainteté
et à notre vocation de gardiens de la Création,
pour prolonger et développer son œuvre.
Comme ministres ordonnés, nous avons à collaborer,
par la grâce et l’onction du Saint-Esprit, au Chef-d’Œuvre
de la Rédemption qu’est le Mystère pascal.
De la Croix, l’Agneau immolé attire à lui tous les hommes
et le Père ne cesse de nous attirer à son Fils.
Comment sommes-nous les serviteurs de cette « œuvre bonne »
par excellence qu’est le dessein divin de salut, avec la délicate chasteté de saint Joseph ?
Pourquoi ce ministère de beauté et d’amour
a-t-il pu couvrir parfois des œuvres de mort ?
Nous venons de redire, depuis Lourdes, de chez l’Immaculée,
non seulement notre engagement à restaurer notre Maison commune
sur notre planète, mais plus encore à faire de notre Église
une Maison sûre, suite aux scandales qui nous ont tous affectés,
en ce temps où ils éclatent aussi en d’autres milieux de la société.
Oui, nous avons tous besoin de la présence du Consolateur,
de cette « rosée » de l’Esprit Saint, qui est huile de guérison,
de force et de joie, baume qui nous atteint à partir de Jésus, le Christ,
chanté au psaume nuptial qu’est le 44e :
« Oui, Dieu, ton Dieu, t’a consacré d’une onction de joie,
comme aucun de tes semblables,
la myrrhe et l’aloès parfument ton vêtement » (8-9).
« Respirer la senteur des arômes divins
n’est pas l’œuvre de notre odorat et de nos narines,
écrit le très profond Grégoire de Nysse,
mais d’une certaine faculté spirituelle et immatérielle
qui nous fait respirer la bonne odeur du Christ
avec l’aspiration de l’Esprit Saint »
(Anne Lécu, Tu m’as consacré d’un parfum de joie, Cerf, 2019, p. 161).
Oui, c’est à la joie vive du Ressuscité que nous sommes appelés,
mais en traversant les onguents de l’ensevelissement.
Bonne route vers la Pâque à chacun, brebis et pasteurs,
au plus près du Bien-Aimé du Père,
lui qui nous aime et nous apprend à aimer.
Amen.
+ fr. Robert Le Gall
Archevêque de Toulouse