Synode : tous conviés !
À propos de la synthèse synodale du diocèse de Toulouse
Je tiens à remercier tous ceux et celles qui ont accueilli, entendu l’appel de l’Église à entreprendre cette démarche synodale dans des groupes locaux qui se sont formés. La joie de la rencontre est déjà un premier fruit communément expérimenté, celui-ci nous disposera à recevoir et à accueillir d’autres fruits de conversion que l’Esprit-Saint suscitera dans notre Église diocésaine.
Le dépouillement et la synthèse de ce que les groupes synodaux ont exprimé ont été réalisés par une équipe diversifiée que je remercie sincèrement pour son service lourd et délicat. Ils ont pris du temps pour écouter et retransmettre le plus fidèlement possible ce qu’ils ont lu et entendu. Je remercie la rédactrice du texte pour sa grande rigueur.
La synthèse qui nous parvient nous partage la joie, l’enthousiasme vécus par ceux qui ont accepté d’entrer dans cette aventure. Elle a été pour eux une expérience spirituelle de conversion et de fraternité ; la Parole de Dieu et l’Esprit Saint ont été perçus comme des acteurs centraux de la démarche. L’expérience de pouvoir s’exprimer en confiance, dans l’écoute mutuelle, est donc très positive.
Quant au fruit de ces échanges, le ton pourra paraître trop pessimiste à certains membres de notre Église diocésaine. Il ne fera pas l’unanimité quant à la vision qui est retransmise de l’Église ou devant certaines propositions. Il faut évidemment tenir compte de l’onde de choc du rapport de la CIASE, dans la réception de cette synthèse, mais aussi de la grande attente des fidèles qui se sont exprimés.
Prenons le temps de lire la synthèse, dans la foi et la docilité à l’Esprit Saint.
Il reviendra à l’assemblée des prêtres et au conseil diocésain de pastorale de discerner ce que nous avons à entendre de ce que l’Esprit Saint veut dire à notre Église.
+ Guy de Kerimel
Archevêque de Toulouse
Synthèse du diocèse de Toulouse rendue publique le 22 avril 2022
Près de 300 groupes synodaux locaux, soit 450 synthèses pour 2200 personnes, issues de groupes territoriaux paroissiaux, de mouvements ou groupes divers. Peu de jeunes, sauf pros, de moins de 40 ans et de jeunes couples.
La joie domine d’une chance à saisir pour se rencontrer, se retrouver, à la demande du pape, comme une mission à remplir, et en réponse au besoin de s’exprimer sur l’Église actuelle. Le souci de réunir une diversité de participants est réel, pas toujours facile à mettre en œuvre, source d’enrichissement.
Confiance, liberté, écoute, respect, bienveillance marquent les échanges, précédés de prière à l’Esprit Saint et du partage de la Parole de Dieu. Le fait de se trouver entre laïcs facilite la prise de parole. La démarche répond au désir de faire Église et renforce le sentiment de lui appartenir ou de lui ré-appartenir, dans la fraternité, le dialogue, l’unité et la vérité. Et ce, souvent à partir des expériences de chacun, dans une connaissance mutuelle, et parfois une découverte pour ceux qui se connaissaient déjà, et le partage des joies et des peines avec l’Église, des inquiétudes et des espérances pour l’Église. Une Église aimée et invitée à évoluer.
C’est aussi une vraie conversion qui est expérimentée par les participants, dans la rencontre entre eux et avec le Christ, ils en témoignent comme d’un fruit déjà du processus synodal. D’autres saisissent l’occasion pour des relectures d’expériences, des manières de vivre en Église, en se laissant déranger dans leurs préjugés. Le fait de chercher et de trouver des consensus parfois inattendus a permis aux groupes d’expérimenter l’intelligence collective.
Des personnes se sentant peu reconnues par l’Église ont pu partager leur désir d’exister comme membres à part entière, et la rencontre des différences a été une chance pour tous. Dans les rares groupes intergénérationnels, certains jeunes se sont sentis reconnus comme missionnaires dans leur vie quotidienne, et des moins jeunes ont constaté qu’ils étaient encore attendus. Des paroissiens de différents villages se sont retrouvés, de même qu’une grande variété de personnes issues de mouvements d’Église, de diverses confessions chrétiennes, éloignées de l’Église ou agnostiques, parfois autour de repas, apéro, dessert, café.
Le désir de poursuivre ce type de rencontres est fortement exprimé.
La démarche a été perçue aussi comme lourde, ardue et les thèmes complexes. Des débuts ont été difficiles, avec des informations insuffisantes, l’expérience se révélant à terme pourtant riche.
Certains ont regretté l’absence des voix de ceux qui n’ont pas participé. Des groupes ont permis l’expression de cris, d’inquiétudes quant à l’avenir de l’Église, si blessée par ce que le rapport de la CIASE a révélé, de difficultés à voir des chemins ouverts pour l’avenir. L’écoute mutuelle dans la bienveillance a parfois permis des apaisements autour du but commun : aller vers le Christ.
Certains n’ont pas participé pour cause de scepticisme quant aux suites de la démarche. D’autres se sont exprimés malgré ce scepticisme, avec l’espoir d’être entendus.
C’est d’abord à l’Esprit Saint et à l’Évangile qu’une Église ouverte est à l’écoute.
Beaucoup de groupes ont souligné que l’accueil de l’Église doit être inconditionnel, sans jugement, sans préjugés, respectueux, humble et bienveillant. Elle est l’Église de tous, « une barque dans laquelle chacun a une place à prendre ». Or, beaucoup de personnes se sentent peu accueillies, stigmatisées ou même exclues : pauvres, marginaux, personnes malades, handicapées ou jeunes ou âgées, éloignées, celles qui se posent des questions, timides qui n’osent pas entrer, nouveaux venus, occasionnels, fracassées de l’identité, concubins, homosexuelles, divorcées, divorcées-remariées.
Une certaine rigidité, un entre-soi, des cloisonnements, une morale culpabilisante, procédurière, mais aussi un certain sentiment de supériorité sur le monde, la place donnée à ceux qui savent, à certains pratiquants au détriment des invisibles, génèrent beaucoup d’occasions manquées, en paroisses comme ailleurs. On attendrait une plus grande souplesse dans l’expression de ses convictions, le désir d’apprendre des autres, la pratique du « aller vers » avec courage en vue de s’appuyer sur les richesses de l’Église pour rejoindre les périphéries.
Toute exclusion de sacrements liée à l’état de vie suscite incompréhension et tristesse et paraît opposée à l’accueil de tous qu’a pratiqué le Christ.
Les participants expriment le souhait d’une Église ouverte aux jeunes, qu’on constate plus nombreux dans les mouvements que dans les paroisses. L’acceptation de leur culture et de leur langage, des projets à durée limitée les impliquant selon leurs compétences, des événements joyeux et festifs dont on leur confie la responsabilité permettraient de les rejoindre là où ils sont et profiteraient à tous les paroissiens.
Une Église ouverte l’est encore aux diverses confessions chrétiennes dans l’adhésion au même Christ, ainsi qu’aux autres religions. La curiosité, l’écoute mutuelle et le dialogue sont les attitudes préconisées pour apprendre des autres, notamment dans le domaine de la connaissance des Écritures.
L’écoute, centrale dans la relation et dans l’Église, va de pair avec l’accueil, et aussi avec le dialogue. L’expérience de l’Église n’est pas celle d’un lieu d’écoute, de liberté de parole, de confrontation, de débats, dans sa dimension de confiance accordée, d’apprivoisement mutuel en douceur. L’objectif de l’écoute et de l’accueil en paroisse ne visent pas en premier la pratique religieuse, mais une réponse aux besoins et aux attentes spirituelles des personnes rencontrées, à leur rythme, au cas par cas. Des freins apparaissent liés à l’exercice de l’autorité, au manque d’humilité, au refus de se laisser transformer par un dialogue vrai, à un défaut de conversion personnelle et communautaire et d’ouverture du cœur.
La prise de parole est un acte qui demande du courage. Les participants parlent d’une Église qui la bride, notamment celle des pauvres, ou qui la réserve aux évêques et aux prêtres. Hors de l’Église, elle est difficile, en raison d’une certaine conception de la laïcité et en raison des scandales. Il y a parfois l’expression d’une vraie honte à se dire chrétiens.
Les propositions pour une Église plus ouverte vont de la formation à l’accueil et à l’écoute, initiale et continue, pour tous, à l’invention de « tiers lieux » accessibles et vivants, animés avec simplicité par des personnes formées, à l’image des sanctuaires proches des personnes lointaines, à l’ouverture de maisons de la fraternité ou de fraternités missionnaires, en passant par la présence de gestes d’accueil innovants lors des célébrations.
Une Église ouverte, c’est encore une Église qui parle un langage que tous peuvent comprendre. Or, son langage est actuellement inaudible pour le monde, pour tous ceux qui n’en possèdent pas les codes, et le perçoivent comme décalé voire figé, hermétique, obscur, suscitant rejet et nourrissant l’entre-soi. La nouvelle traduction du missel en rajoute encore dans ce sens.
La liturgie, c’est d’abord l’eucharistie communautaire qui constitue l’assemblée et nourrit les liens des catholiques entre eux. Elle doit donc favoriser, en adaptant les horaires à la vie des gens, la participation active de tous. On l’aime vivante, joyeuse, paisible, belle, pas trop codifiée et rigide, inventive, faisant une place au silence, abordable et donc expliquée. Il y a une grande demande de formation sur les rites et les textes, avec des propositions comme la messe des curieux ou la messe qui prend son temps ou la messe explicative. L’homélie est souhaitée nourrissante, en lien avec la vie, quelquefois participative, prononcée par le prêtre, un diacre ou un laïc formé. Elle pourrait être remplacée de temps à autre par un partage d’évangile ou un moment d’échanges, peut-être en petits groupes, éventuellement pour discernement sur les questions sociétales.
Les célébrations doivent honorer la beauté, elles peuvent être diversifiées selon les sensibilités, en variant animations et animateurs, en les formant, en impliquant mouvements, services, congrégations, jeunes et enfants, et en mettant au centre les paroissiens dans leur diversité, surtout les plus fragiles et les plus exclus. On pourrait réfléchir à une forme d’envoi, car ce que vit l’assemblée ne s’arrête pas à la fin de la messe. Un temps d’échange sur le parvis, ou encore des retrouvailles en d’autres lieux pour échanger sur des thèmes religieux iraient dans ce sens.
Mais on peut nourrir sa foi et relier la communauté par d’autres moyens que la célébration de l’eucharistie : reprendre les ADAP, les assemblées dominicales en l’absence de prêtre, inventer de nouvelles manières de célébrer, par exemple pour vivre l’accueil des nouveaux, soutenir les laïcs engagés dans des associations locales. Ce sont des pistes à explorer et à évaluer.
L’accès aux sacrements pourrait être harmonisé, et simplifié, au profit de temps gratuits de rencontre et de partage, de parcours de type catéchuménal pour les moments importants de la vie. Certaines préparations pourraient être adaptées, raccourcies peut-être, notamment pour le baptême des adultes, en augmentant le temps de l’accompagnement mystagogique. Une célébration non sacramentelle pour les couples pourrait être proposée, et un service « après-vente » pour les sacrements du baptême et du mariage, pourrait être envisagé. Des catéchèses centrées sur la miséricorde pour le sacrement de la réconciliation seraient bienvenues. La célébration, notamment du sacrement des malades et de la réconciliation, pourrait être le fait des diacres ou des aumôniers laïcs.
Les funérailles sont une occasion privilégiée d’évangélisation : les groupes constatent que se vivent déjà partiellement mais sont encore à développer un grand souci de l’accueil et du temps donné, l’explication du sens des rites, une attention portée aux grandes assemblées, des contacts suivis avec les familles après les obsèques pour dire la proximité de l’Église au temps du deuil.
Pour définir l’Église, plusieurs termes sont utilisés dans la société actuelle. Elle paraît – ou est perçue comme - coupée de la réalité, frileuse pour entrer en dialogue ou même carrément fermée, paternaliste, secrète... De réels a priori sont en cause de la part de la société. Dans l’Église, sont pointés un manque d’humilité, de compassion, de dialogue sincère, d’humour, mais aussi des contre-témoignages tels que le révèle le rapport de la CIASE, un discours centré sur la morale plus que sur l’amour. Des groupes regrettent le manque d’engagements de chrétiens dans la vie politique et dans la vie civile locale, l’ignorance de la Doctrine sociale de l’Église, le repli hors de l’espace public, le manque d’incarnation des valeurs évangéliques, de visibilité, d’ouverture spirituelle.
Certes, le dialogue est difficile et la laïcité, qui est une chance, rend parfois le témoignage compliqué. L’enseignement catholique en sait quelque chose, dans son combat permanent entre l’accueil de tous et la fidélité à sa spécificité.
Et pourtant, ce lien entre l’Église et la société est perçu comme absolument nécessaire, et à partir de là, les réalités déjà existantes et les propositions à mettre en œuvre ne manquent pas. Il s’agit de rejoindre les associations solidaires, caritatives, culturelles, écologiques, militantes, de villages et de quartier, les municipalités, les commerçants, les politiques, les médias... Des lieux sont à créer, pour favoriser la rencontre et le partage, en petites communautés ouvrant plus facilement sur le dialogue, interreligieux, interconvictionnel, pour sortir de l’anonymat, pour vivre un intérêt partagé, une fraternité et une convivialité heureuses, en des repas de quartier, tombolas, kermesses…. L’Église doit avoir la volonté d’une immersion permanente dans la société, en partant d’un petit pas concret pour créer des opportunités, sans chercher un accord à tout prix, en acceptant l’altérité, avec charité. Elle le doit en tant qu’Église engagée dans la société soucieuse des mouvements sociaux et des événements du monde, et à partir des plus petits, des « sans ». En exprimant le témoignage de la joie d’être chrétien, et d’une Église dynamique partageant ses projets et présente aux défis de la société.
La communication : pour être relié, il faut communiquer. Le besoin s’en fait sentir à la fois en interne et en externe.
En interne, il semble que l’Église manque de passerelles entre le diocèse et les paroisses, entre les paroisses et les mouvements, avec les associations caritatives, entre les paroisses d’un même territoire, à l’intérieur des paroisses. Une communication dans l’écoute et la confiance, où l’on peut parler des difficultés et apporter des critiques. Et qui porte sur les sacrements célébrés, les actes de la liturgie, le fonctionnement et les activités des paroisses, des Équipes d’Animation Pastorale. Un chargé de communication dans les paroisses peut être utile.
Au niveau du diocèse, la communication pourrait être mieux structurée, plus accessible, avec mise en valeur des propositions pour une meilleure transparence de la vie de l’Église locale.
Deux conceptions s’expriment concernant les moyens à utiliser : développer les moyens modernes, type réseaux sociaux, notamment en direction des jeunes et des personnes en recherche. Mais aussi améliorer la communication pour tous, avec affichage lisible et information audible par tous, notamment les plus pauvres, en utilisant l’écrit, les actes (pas trop de mails). Une formation à la communication s’avère nécessaire en direction de chargés de communication dans chaque paroisse, par exemple.
En externe, la visibilité de l’Église est un souci largement partagé : l’Église est visible au milieu du village, mais pas toujours au milieu de nos vies. Elle est absente de la plupart des cercles dans lesquels nous vivons. Or, des groupes ont souligné que l’Église vit une réelle proximité, elle se fait proche de tous dans beaucoup de lieux, mais les chrétiens n’en témoignent pas. Comment l’aimer et en faire l’éloge, malgré tout, quand on est mal informé pour se situer sur les questions politiques et sociétales ? Il est demandé à l’Église de se positionner clairement pour guider les chrétiens, et aux chrétiens de s’informer aussi hors des médias catholiques qui peuvent favoriser l’entre-soi. Communiquer dans les médias laïcs locaux, savoir dire ce qu’elle fait dans les œuvres humaines, être proactive pour communiquer sur des sujets comme l’éthique et la Doctrine sociale de l’Église, source de tout engagement social, établit des ponts avec la société.
Une Église baptismale est appuyée sur le sacerdoce commun des baptisés, chacun membre à part entière de l’Église.
Les groupes ont exprimé massivement le souhait que l’Église donne une réelle place aux femmes. Beaucoup d’entre elles sont très investies mais ne se sentent pas réellement prises en compte. Même la place des filles dans les célébrations est parfois mise en question. L’Église se prive de leur regard, alors qu’elles devraient être associées au titre de baptisées, comme l’ensemble des membres du peuple de Dieu. En milieu rural et en l’absence de prêtre, elles s’attristent de ne pouvoir former des équipes envoyées et missionnaires. Les catholiques ont à apprendre des protestants sur la place des femmes. Les groupes demandent avec une grande insistance que les femmes soient associées à toutes les instances de gouvernance, de décisions et de parole de l’Église, et qu’elles puissent recevoir l’ordination diaconale.
Les laïcs hommes et femmes souhaitent que l’Église leur fasse confiance pour participer à sa mission suivant leurs charismes et leurs compétences, en coresponsabilité avec les prêtres dans toutes les instances de décision.
Les participants demandent à l’Église de se préoccuper de la formation de ceux et celles qui exercent une mission, éventuellement de la financer. L’accès à l’ordination presbytérale d’hommes mariés est proposé, y compris, parfois, pour les femmes.
Les groupes souhaitent aussi que l’Église prenne en compte leur parole, notamment quand ils sont engagés dans la société, les associe à l’élaboration de ses documents et à l’organisation des paroisses, à ses propres prises de parole dans les médias, à la formation et au processus de nomination des évêques et des prêtres. Ils expriment beaucoup d’attentes que les laïcs participent à la formation des séminaristes.
Les prêtres se défient souvent des initiatives des laïcs, certains sont carrément dans l’abus de pouvoir. Leur autorité, parfois considérée comme sacrée, s’exerce souvent plus dans l’organisationnel que dans le spirituel, dont ils paraissent parfois déconnectés, soucieux surtout de remplir leur église. Le port de la soutane est souvent mal perçu, certains sont parfois rigides, voire intouchables, et la taille des ensembles paroissiaux les éloigne encore. Une attente forte concernant la formation des prêtres est exprimée, dans de nombreux domaines, et en particulier l’écoute, la relation humaine, la délégation... Ils devraient pouvoir choisir le célibat ou le mariage, en tous cas, la vie en communauté, éventuellement avec des personnes non religieuses, pour apprendre l’altérité.
Ils sont attendus comme pasteurs, écoutants, facilitateurs, accompagnateurs, si possible présents auprès des malades et aux funérailles, au service de l’unité de la communauté.
En matière de gouvernance, l’Église doit s’attacher à rejeter le cléricalisme, danger mis en lumière par le rapport de la CIASE, pour l’Église elle-même qui doit y veiller, autant clercs que laïcs, et pour son rapport avec la société, si soucieuse de la participation de tous les citoyens. À ce titre, le sentiment majeur exprimé dans les réponses concernant l’organisation de l’Église est l’incompréhension et la tristesse du décalage avec la société.
Une gouvernance saine fait la part belle à une autorité qui coordonne, fait éclore et grandir, sans domination, avec humilité, charité, pauvreté, équité, discernement communautaire, prise en compte des pauvres et des minorités, en s’inspirant de la société. De nouveaux ministères sont à inventer, en reconnaissant la diversité des appels, en dissociant état de vie et mission, fonctions sacramentelles et de gouvernance, en réfléchissant à des binômes clercs-laïcs, y compris femmes, couples, célibataires, jeunes. L’appel, l’envoi des laïcs, dans un cadre et une temporalité définis, pourraient être célébrés liturgiquement et leur mission évaluée.
Entre prêtres et laïcs, les groupes souhaitent des relations marquées par la collégialité, la délégation, la communication, la confiance, la subsidiarité, le partage fraternel, le service, une horizontalité qui veille plutôt qu’une verticalité qui tranche, dans la clarté des missions respectives. La remise en question, les contre-pouvoir, l’évaluation, la relecture, systématiques et inspirées de ce qui se fait en entreprise sont des pratiques que l’Église est invitée à développer.
On pourrait créer des instances dédiées à la synodalité, avec clercs et laïcs et des moyens et des lieux de dialogue, de décisions, avec recherche de consensus, vote à bulletins secrets, transparence et communication, ainsi que des espaces de gestion des conflits, avec appel à une médiation si nécessaire.
Les décisions concernant l’Église pourraient se faire par continent, pour tenir compte des réalités locales. La présence de prêtres issus d’autres cultures et porteurs d’autres conceptions pastorales, accentuent parfois la dérive pyramidale d’une Église souhaitée synodale, où l’on pourrait appeler tous les membres frères, y compris prêtres et évêque, dont on attend écoute et communication directe.
La paroisse est un lieu majeur où s’expérimente l’Église baptismale.
On l’aime, on la rêve ouverte, évangélisatrice et missionnaire, visible, conviviale, attirante. On aime savoir qui fait quoi et pour combien de temps.
Le choix des membres de l’Équipe d’Animation Pastorale ou du conseil pastoral gagnerait à être diversifié, transparent, appuyé sur les charismes, faisant la place aux gens moins instruits ou investis hors paroisse, et pour des engagements limités dans le temps. La communication avec le curé et la communauté est à développer, avec une meilleure information, consultation et évaluation sur les actions, services, initiatives, projets, dépenses, missions, et plus de reconnaissance pour les services de base. Les changements de prêtres mettent en évidence la nécessité d’une gouvernance partagée clercs-laïcs, d’une extension de la mission du diacre, qui reste alors que le curé part, et l’association de la communauté à la nomination du prêtre, qui doit s’adapter à la communauté et non attendre qu’elle s’adapte à lui.
L’écoute renforcée de l’Esprit Saint et de la Parole de Dieu, la formation à l’amélioration des communautés, prêtres et laïcs ensemble, appuyée sur l’expérience des mouvements, des groupes d’échanges pour les personnes en recherche, la relance de fraternités missionnaires, le témoignage de ceux qui sont engagés dans la cité, un réel accueil des nouveaux, le souci des absents, des « plus là » devant leur messe télévisée, favoriseraient à la fois l’ouverture et la cohésion.
La coopération entre paroisses, avec les mouvements, les services diocésains, y compris pour des célébrations communes, et, en milieu rural, au moins deux messes par clocher dans l’année, sont souhaitées.
Une culture de la relecture et de l’évaluation, y compris des célébrations, sous le regard de l’Esprit-Saint qui suscite action de grâce et rend missionnaire, est à favoriser, ainsi qu’une méthode claire sur les signaux d’alerte en cas d’abus.
Soulignent la réelle recherche spirituelle contemporaine, lieu essentiel de mission pour l’Église. L’Église n’est pas démunie pour y répondre : elle a des trésors de miséricorde et de ressources spirituelles à proposer. Ces voix souhaitent que les chrétiens en vivent et en témoignent, et que les tensions et les difficultés rencontrées pour faire l’Église ne masquent pas le désir, ensemble, d’être l’Église.
La frustration concernant le très petit nombre de jeunes dans les groupes s’exprime, et la préoccupation de tous de leur proposer la foi est importante.
Demeure vif le désir de poursuivre les rencontres, un acquis déjà du synode.
La publication des résultats du synode est souhaitée, pour profiter des échanges des autres groupes.
Leur joie de se retrouver en réponse au processus synodal initié par le pape François le dit avec force : les chrétiens qui se sont exprimés, majoritairement laïcs, ont un grand souci de la communion de l’Église et de sa mission : dedans, aux marges, dehors. Ils souhaitent vivre et développer la collaboration et la compassion, et des liens de fraternité et de dialogue dans toutes les directions. Leur rêve est celui « d’une famille Église où chacun se sent responsable du bien-être des autres et peut inviter les cousins éloignés pour partager le repas (eucharistie) ou simplement le café ». Chacun et les autres, et donc nous ensemble, et moi personnellement.
Ce qu’ils sont prêts à mettre en œuvre, pour ce faire, concerne massivement la Parole de Dieu : certains ont découvert ou redécouvert à l’occasion de ces rencontres le partage de la Parole. Ce fut une expérience de joie, d’écoute, d’accueil, de dialogue parfois œcuménique ou avec des non-croyants, de témoignage, de lien entre leur foi et leur vie quotidienne, de vérité, de croissance de leur vie spirituelle, de déplacements personnels et communautaires, d’ouverture au monde et d’invitation à l’action en lien avec leurs engagements hors Église et les questions sociales, sociétales, militantes, environnementales. La Parole de Dieu est une voie pour tous, vers tous, avec tous. Alors ils sont prêts à commencer les échanges dès demain, dans les paroisses, avant, pendant ou après l’eucharistie, avec leurs prêtres à égalité, à poursuivre dans les mouvements qui la pratiquent déjà, à inventer de nouveaux lieux ou modes pour les proposer et les vivre partout. Une démarche qu’ils souhaitent vivre à l’écoute de l’Esprit Saint, ensemble, dans le cadre de la prière, autre levier de l’évangélisation.
Leur souhait de formations vient compléter ce profond désir. Des formations biblique, liturgique, paroissiale, à l’animation spirituelle, à la gouvernance, au discernement... À la fois pour nourrir sa vie spirituelle, pour mieux servir l’Église, mais aussi pour ne pas rester « muets ou confus » devant les personnes éloignées ou en recherche. Cette formation, ils la vivraient volontiers de manière horizontale et communautaire, en paroisse et avec leurs prêtres.
À propos des prêtres, beaucoup de groupes expriment une conscience réelle de leur charge, et parfois de leur surcharge. Mais à leur égard, le désir premier est spirituel : il est de construire et d’être avec eux l’Église. Vient ensuite le souhait de partager ce qu’il y a à faire, et bien des propositions répondent à ce souhait. Auquel s’ajoute celui de vivre ensemble des temps conviviaux, dans la bienveillante sollicitude, pour partager joies et peines.
Au chapitre du discernement de l’Église universelle, les demandes concernent la reconnaissance des femmes dans les instances de décisions, leur accès à l’ordination diaconale, l’accès aux sacrements pour tous, une participation réelle des laïcs aux décisions concernant l’Église et aux documents qui en émanent, l’ouverture du ministère sacerdotal aux hommes mariés, le possible mariage des prêtres, l’adaptation des décisions aux diversités continentales, un synode sur la place des femmes.
Tout ceci, pour développer les attitudes spirituelles permettant le discernement de ce qu’il convient de faire pour mettre le Christ au centre de toute l’Église, en pensant aux plus faibles. La conversion personnelle et communautaire à l’écoute de l’Esprit Saint et de la Parole de Dieu est sans doute le pas premier que le « nous » souhaite faire.